14 novembre 2019

20ème édition du mois du documentaire : Focus sur « Les habilleuses »

Programmé du 1er au 30 novembre, le mois du documentaire fête cette année sa 20ème édition. Dans le large choix de films présentés, Fragil vous présente "Les Habilleuses", réalisé par Jean-Louis Mahé. Focus.

20ème édition du mois du documentaire : Focus sur « Les habilleuses »

14 Nov 2019

Programmé du 1er au 30 novembre, le mois du documentaire fête cette année sa 20ème édition. Dans le large choix de films présentés, Fragil vous présente "Les Habilleuses", réalisé par Jean-Louis Mahé. Focus.

Lors du mois du documentaire, il s’agit de faire découvrir (gratuitement) à un large public des films très divers dans des lieux bien connus du public, principalement les bibliothèques et médiathèques, les centres socioculturels, des cinémas ou des établissements scolaires. Un programme est élaboré dans chaque région de France. Pour ce qui concerne la Loire Atlantique, le thème de l’engagement a été choisi cette année. La plupart des diffusions de films sont accompagnées de rencontres avec les réalisateurs, acteurs et des ateliers sont proposées selon les lieux. Le documentaire projeté à la Maison de quartier de la Mano le 6 novembre en a été une belle illustration.

Les Habilleuses

Devant une quarantaine de personnes, la soirée a débuté par la présentation du mois du documentaire et le programme du Festival des 3 continents à venir prochainement. Puis une responsable de la Médiathèque a présenté le réalisateur Jean-Louis Mahé et une des élèves, Samantha, présente dans le film, qui débattront avec le public après la projection.

 

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Synopsis

Six jeunes filles étudiantes en DMA (diplôme du métier de la mode et des arts) au Lycée Paul Poiret à Paris vont se confronter à un double défi : aller à la rencontre des personnes de la rue pour les interroger sur leurs besoins vestimentaires afin de leur apporter un peu de confort. Il s’agira de réaliser des modèles, tout en poursuivant leur scolarité. A partir des paroles recueillies, elles cogitent, inventent, essaient, décousent, recommencent sans cesse pour être au plus près de la demande des personnes rencontrées. De plus, elles seront amenées par le réalisateur à s’exprimer sur elles-mêmes, leur projet professionnel, leur avenir, leur vision de la société, de la précarité.

Cette aventure, grâce au support du vêtement nous embarque à la rencontre de 2 mondes éloignés, nous fait toucher du doigt la place du corps et de ses attributs, et nous plonge dans un univers sensoriel qui nous montre mieux que des mots la réalité de ce public.

Atelier de couture en effervescence

Le film débute par la découverte de ces 6 jeunes filles et des autres élèves de leur classe. Les petites mains s’agitent, cherchent des tissus, coupent, les idées fusent et les échanges sont intenses.

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Puis la caméra nous mène dans le bois de Vincennes, où Odelia et Cléa vont à la rencontre de Karim, personne sans domicile fixe qui y a installé son campement. Les jeunes filles le questionnent au départ pour savoir pourquoi et comment il vit dans cet endroit, sans trop s’étendre sur le sujet. Puis elles lui demandent de s’exprimer sur ses besoins vestimentaires à partir de son vécu dans la rue. Karim y répond facilement ayant de nombreuses idées sur le sujet, « du chaud, du pratique, des poches partout pour ranger nos papiers, une protection pour les hanches lorsque l’on dort par terre… »

Ainsi par binôme, les jeunes rencontrent 4 personnes sans domicile fixe dont deux femmes – une de 20 ans et une retraitée – en les questionnant de la même façon.

 

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Tous ces échanges sont entrecoupés d’interviews individuels des jeunes filles où elles peuvent s’exprimer librement autour de leur vision de la précarité, de la société, leur projet professionnel, leurs questions, leurs inquiétudes. Ainsi, scène après scène, nous les découvrons un peu plus, entre les moments d’ateliers de création des vêtements et les rencontres avec les personnes interrogées.

La dernière séquence nous montre la présentation des prototypes par les jeunes filles à deux des SDF qui expriment leur satisfaction face au travail accompli.

Nous sortons de ce film à la fois émerveillés par l’engagement de ces jeunes, la découverte de leur apprentissage du métier mais aussi touchés par la dure réalité quotidienne de ces personnes sans abri. En tant que spectateur, nous sommes amenés à nous questionner sur la réalité de notre société. Nous naviguons, grâce à une belle réalisation et la sincérité des propos tenus, entre la vision d’une certaine jeunesse et la dure réalité  du quotidien des exclus.

Rencontre avec le réalisateur et Samantha une des actrices du film

Après la diffusion du film, les questions des spectateurs fusent pour en savoir plus à la fois sur les coulisses du film et son contenu.

Pour y répondre, Jean-Louis Mahé revient à l’origine du projet. Il en a pris l’ initiative et s’est adressé à la responsable du lycée pour lui faire part de son projet et voir si l’aventure était possible. En amont, il a passé trois ans au contact des personnes à la rue, pour mieux connaitre leur quotidien et solliciter leur collaboration pour réaliser ce film. Il a insisté pour dire combien cette création a été difficile en amont en raison de moyens financiers insuffisants, et d’un faible engagement, particulièrement des associations accompagnatrices des personnes en situation de précarité ce projet.

Qu’avez-vous voulu montrer et comment le film continue-t-il a vivre ?
Jean-Louis-Mahé : Avant tout ce n’est pas un film sur les personnes à la rue , mais d’abord le souhait de montrer une jeunesse d’aujourd’hui et de se faire rencontrer deux mondes . Il faut savoir que l’engagement des jeunes dans ce projet n’était pas facile car elles devaient aussi passer leur diplôme cette même année. Aujourd’hui le film est diffusé à la demande des structures scolaires, sociales et des cinémas.

Fragil à Samantha : Qu’est ce que vous a apporté votre participation à ce projet et que deviennent vos créations ?
Samantha : J’ai pris conscience que je croisais des sans domicile fixe tous les jours et que je ne leur parlais pas facilement, j’étais spectatrice. Maintenant je suis plus attentive. Quant aux vêtements nous avions clairement expliqué aux SDF que nous ne faisions pas de productions, ce qu’ils ont très bien compris, mais que leur avis avait été important et avait donné tout son sens à ce projet » .
Pour terminer, une couturière bénévole a lancé un appel à participer à un atelier à la Maison de quartier de la Mano les 30 novembre et 7 décembre, afin de réaliser des kits d’hygiène pour des personnes en situation de précarité.
Une belle initiative qui pourrait, pourquoi-pas, mettre en mouvement une chaine de couturières solidaires !

 

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017