#8novembre16h48. Si la date de la campagne de sensibilisation des Glorieuses, newsletter féministe lancée par Rebecca Amsellem, recule légèrement chaque année, signe d’une faible progression, les inégalités salariales persistent en 2024. Avec 13,9% d’écart salarial entre les femmes et les hommes à équivalent temps plein en France, et 23% tout temps de travail confondu[1], le combat pour l’égalité salariale reste un enjeu d’actualité.
Des facteurs d’inégalités profondément ancrés
Les causes de ces inégalités salariales sont nombreuses. On retrouve, d’une part, des facteurs systémiques : « Des normes de genre et stéréotypes de genre qui sont préexistants depuis malheureusement de nombreuses années et intégrés parfois depuis l’enfance, une représentation genrée des rôles où, souvent, les rôles féminins sont dévalorisés. » , précise Ameline Bordas, sociologue de formation et pilote du dispositif de coaching gratuit #NégoTraining lancé par Audencia à Nantes.
« La valeur économique des activités dites masculines ; les secteurs techniques, ingénierie, … rapportent plus à l’économie, donc sont plus valorisés » que des secteurs professionnels plus féminins comme les métiers du « care » — activités liées aux soins à autrui — pourtant fondamentaux.
Ameline Bordas témoigne également de retours partagés dans le secteur du recrutement : « Ils vont juger plus négativement une femme qui va demander à revoir sa rémunération, plutôt qu’un homme. Alors que la femme le mérite tout autant que l’homme. Même si les mentalités changent, on attend d’une femme qu’elle soit plutôt coopérative. »
Toutes ces discriminations vont influencer le comportement futur : en étant moins valorisées, les femmes ont moins confiance en elles.
Enfin, parmi les facteurs aggravants des inégalités salariales, la parentalité est souvent négligée. Pourtant le choix du secteur d’activité, le temps de travail ou encore les opportunités de carrière sont fortement liés à la parentalité. Malgré une évolution sociétale indéniable, la charge de la parentalité reste très féminine, avec une forte charge mentale. [2]
Le programme de formation #NégoTraining
En 2016, lors d’une étude dans le cadre de la création de la plateforme responsabilité sociétale des entreprises (RSE) de la métropole nantaise, la Chaire Impact Positif d’Audencia et Nantes métropole font le « constat qu’il y a des inégalités salariales entre les femmes cadres et les hommes cadres plus importantes en métropole nantaise que dans d’autres métropoles de France. »
Souhaitant agir concrètement sur le territoire, une formation à la négociation de salaire, à destination des femmes et totalement gratuite, est alors lancée en 2017 : #NégoTraining.
Son premier objectif est de sensibiliser les femmes, « déconstruire les inégalités de salaire, se rendre compte qu’elles ne sont pas seules. »
« Cela permet de passer par un levier individuel, en travaillant sur la négociation car on est parti d’un constat clair : les femmes négocient moins leur salaire que les hommes, et quand elles vont négocier, elles vont négocier moins que les hommes. Donc finalement c’est un peu la double peine. » , précise Ameline Bordas. En effet, 1 femme sur 2 n’a pas osé demander une augmentation salariale vs 28% pour les hommes. [3]
Si la catégorie cadres est la catégorie où il y a le plus d’inégalité dans le secteur privé, le dispositif a déjà été adapté pour que la formation puisse s’adresser à des femmes éloignées de l’emploi ou des personnes moins favorisées, mais « c’est assez compliqué de proposer une formation à la négociation de salaire quand la principale discrimination de ces personnes c’est l’accès à l’emploi. » , rappelle Ameline Bordas. La formation est cependant un succès : « L’objectif initial était de former 100 femmes cadres sur le territoire nantais, on a formé plus de 5400 femmes sur toute la France ! »
Responsabilité individuelle VS responsabilité patronale
Dans une société moderne fortement portée sur le développement personnel, les nombreuses injonctions envers les femmes à multiplier les initiatives pour obtenir leurs droits peuvent sembler contradictoires avec la notion d’égalité recherchée.
« Les inégalités se réduisent mais elles sont encore bien trop présentes » malgré « toutes les initiatives qui existent aujourd’hui ; il y a eu #MeToo, il y a eu une prise de conscience des inégalités femmes/hommes et des inégalités économiques » mais l’évolution est lente et l’on constate qu’ « à chaque crise, cela va se répercuter davantage sur les femmes. » , analyse Ameline Bordas, cheffe de projet Études et Recherche à Audencia et pilote du dispositif #NégoTraining.
4% de discrimination pure, c’est aujourd’hui l’écart de revenu à poste et compétence équivalents pour une femme et un homme, « que l’on explique uniquement par les stéréotypes de genre. » [4]
« Le premier levier d’action est de lutter contre les stéréotypes dès le plus jeune âge, agir sur l’orientation des femmes et les attirer dans les secteurs plus rémunérateurs, en adaptant aussi les conditions de travail. »
Il faut ensuite continuer de sensibiliser et pousser les entreprises à agir, avec la législation, notamment par l’index d’égalité femmes/hommes et l’obligation de transparence des salaires qui a donné de bons résultats dans d’autres pays. [5]
Une remise en question plus profonde des entreprises est désormais nécessaire car l’enjeu n’est pas seulement économique, il touche à la cohésion sociale et à l’égalité des chances.
Info utile :
Prochaine session de formation #NégoTraining en présentiel le 14 novembre 2024 (17h30-20h30) en simultanée dans plusieurs villes de France, dont Nantes et Paris, dans les locaux de KPMG France.
Inscription gratuite : https://negotraining.org/villes
Sources :
[1] et [4] INSEE
[2] et [3] Baromètre de l’égalité professionnelle femmes/hommes 2023, Chaire Impact Positif d’Audencia.
[5] Rapport d’impact des Glorieuses, 2024
Photo en couverture ©F.Sénard/Audencia