Édito de la semaine

12 Mai 2016

Malgré des parfums de mouvement soixante-huitard, y a-t-il encore espoir de trouver le sable sous les pavés servant d’armes de fortune aux manifestants ? Les citoyens bougent dans les rues de France, et dans les rues de Nantes, rompues à l’exercice de la protestation depuis environ 40 ans de projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.
Les opposants à la loi El Khomri, mais pas seulement, emboîtant le pas aux Nuits parisiennes, se (re)lèvent depuis le 5 avril sur la place du Bouffay. Et débutent une nouvelle ère, celle d’un changement, encore indéfini, encore informel, mais bien en marche. A nouvelle ère, nouveau calendrier. Combien de temps encore se poursuivra ce mois de mars de l’an I, mois de la première Nuit Debout, à son 46ème jour en ce vendredi ? Entre la nostalgie de la croissance passée et l’espoir de faire bouger les lignes pour l’avenir, le mouvement Nuit Debout s’inscrit en tout cas dans un temps présent fondé sur le partage d’un « rêve général ».

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017