2 novembre 2018

La revue de presse du 21/10 au 29/10

Comme chaque semaine, Fragil sélectionne plusieurs articles autour du monde du journalisme et du numérique pour enrichir son action dans ces domaines.

La revue de presse du 21/10 au 29/10

02 Nov 2018

Comme chaque semaine, Fragil sélectionne plusieurs articles autour du monde du journalisme et du numérique pour enrichir son action dans ces domaines.

Gab : le réseau social qui fait polémique

La journaliste de Numerama Perrine Signoret s’est penchée sur Gab, un réseau social américain créé en 2006 dont la réputation est actuellement liée à la tragique tuerie antisémite de Pittsburgh orchestrée par Robert Bowers, utilisateur du réseau social. Ce dernier avait délibérément diffusé des propos haineux et hostiles au HIAS, la société d’aide aux immigrants juifs sur son profil Gab peu de temps avant l’attaque. Pointé du doigt par différents médias, l’accent de la communication de Gab s’est tout de suite braquée sur la totale liberté d’expression accordée aux utilisateurs du réseau. Perrine Signoret a dépassé le simple cadre de la communication officielle autour de cette affaire pour s’intéresser aux liens que le réseau Gab entretient avec l’idéologie d’extrême droite.

L’enquête pousse Perrine Signoret à s’intéresser au personnage d’Andrew Torba, le fondateur de Gab. Figure controversée du web américain, il est l’auteur de plusieurs dérapages sur internet, ponctués de propos racistes notamment. Elle raconte que l’idée d’un réseau social différent des géants Facebook ou Twitter avait germé dans l’esprit du jeune entrepreneur américain lorsqu’il avait constaté que ces réseaux modéraient certains contenus conservateurs de leur plateforme. La journaliste de Numerama raconte que la grenouille « gabby », symbole même du réseau social d’Andrew Torba est une référence à Pepe the frog, un élément approprié par l’extrême droite sur la toile ces dernières années. Perrine Signoret s’est également lancée à la description des utilisateurs de Gab. Elle décrit un site enclin à moquer tout discours progressiste, où l’on retrouve une idéologie très marquée à l’extrême droite, dans un espace assez peu modéré par les équipes du réseau social. De nombreux utilisateurs, comme le suprémaciste blanc Richard Spencer, se sont emparés du site comme alternative efficace aux réseaux sociaux traditionnels afin d’exprimer leurs opinions sans contrainte. L’omniprésence des discours haineux sur Gab et le manque de modération ont poussé Google et Apple à agir en black-listant le réseau social. La journaliste raconte que depuis la tuerie de Pittsburgh, d’autres entreprises comme PayPal ou Stripe ont accompagné le mouvement.

La responsabilité du réseau social dans la diffusion de ces messages haineux demeure au cœur de cette affaire. Par conséquent le réseau social Gab est temporairement fermé depuis quelques jours, conséquence du départ des principaux actionnaires et partenaires techniques du média social.

Facebook en lutte contre la pédopornographie

La rubrique pixel du Monde s’intéresse aux actions de Facebook pour endiguer le fléau de la pédopornographie sur son réseau. L’article publié par Le Monde le 25 octobre précise que Facebook s’appuie sur les nouvelles technologies pour supprimer les contenus pédopornographiques de ses serveurs. Facebook s’appuie désormais davantage sur le évolutions du numérique afin de permettre une modération plus efficace.

L’article nous donne le chiffre impressionnant de 99 % de contenus détectés sans signalement préalable grâce à une analyse du contenu très précise par le nouvel algorithme de modération facebook. Les nouvelles technologies permettent à facebook d’avoir une modération pus efficace, mais permet également de protéger les modérateurs traditionnels dans l’exercice de leur métier difficile et traumatisant en supprimant déjà la plupart des contenus choquants grâce à une modération automatique. Toutefois, l’article nous révèle également que l’algorithme n’est toujours pas totalement au point, puisque de nombreux utilisateurs du réseau social se sont plaints de voir leurs photos supprimées sous prétexte de prévenir les abus potentiels.

 

Youtubeurs et journalistes se rencontrent dans la « collab’ de l’info »

Après s’être intéressé à l’éducation aux médias il y a plusieurs années déjà lors de l’opération « les clés des médias »,  France Télévisions se lie maintenant avec des youtubeurs pour déconstruire les fausses informations du web. L’initiative apparaît pour toucher particulièrement les nouvelles générations, moins réceptives aux canaux traditionnels de décryptage des fausses informations. Cette alliance des formats par cette collaboration de vidéastes et de journalistes donne un formidable outil pour toucher un public plus large et concerner une nouvelle génération soumise à l’infobésité.

Plusieurs expertises sont soulignées par Amel Cognard, la directrice des services numériques jeunesse et éducation à France Télévisions. Elle précise que l’opération comprend des journalistes des services de France Télévisions, mais également un regard pédagogique avec l’apport d’universitaires spécialisés dans l’éducation aux médias. Amel Cognard souhaite aussi intégrer l’expertise de youtubeurs et youtubeuses comme AudeWtfake ou HugoDecrypte dans l’opération, par leurs compétences dans plusieurs domaines pour questionner l’information circulant sur internet tout en bénéficiant de leur expertise dans l’évolution des pratiques numériques. Cette complémentarité peut permettre de rencontrer un autre public et de faire passer un message important autour de l’éducation aux médias et de la désinformation sur internet.

 

Mise au point de Dominique Cardon sur les bulles informationnelles

Dans un entretien accordé au journal Le Monde, Dominique Cardon sociologue français et directeur du médialab revient sur la notion des bulles d’informations et apporte sa lecture sur le phénomène de désinformation et des fausses nouvelles circulant sur les réseaux sociaux. En répondant aux questions posées par Adrien Sénécat, journaliste au Monde, Dominique Cardon développe plusieurs hypothèses au cours de l’échange.

Il émet une première explication, celle d’un apprentissage collectif enclenché après quelques années d’expérience sur les réseaux sociaux par la population. Bien qu’inachevé, ce processus permet selon lui de commencer à prendre conscience des conséquences d’une mention j’aime ou d’un retweet sur la viralité des infox. Il déconstruit aussi plusieurs discours tronqués qu’une partie des médias peut avoir sur la menace pesée par les fausses informations. Dominique Cardon pose le problème d’une parole qui se dit rationnelle et parfois moralisatrice pour interroger l’utilisation quotidienne de la population sur les réseaux sociaux, alors que ces fausses informations utilisent selon lui la même stratégie que les médias traditionnels pour améliorer leur diffusion sur les supports numériques. Le sociologue remet aussi en cause les choix économiques des réseaux sociaux, qui n’empêchent pas d’endiguer cette viralité de la désinformation sur internet, faisant de ces outils davantage des interfaces de lectures que des moyens de sociabilités.

Pour le directeur du médialab, la fin du journalisme est un mythe, puisqu’il évoque le coût de l’information pour produire un contenu de qualité. Il pose aussi la responsabilité des médias traditionnels dans le choix de « l’agenda des représentations » mais il revient aussi sur l’avènement de l’infotainment qui se confond partiellement avec certaines structures que l’on retrouve sur internet. Enfin, Dominique Cardon réfute l’idée d’une formation des bulles informationnelles par les réseaux sociaux. En effet, il précise que le principe de ces bulles étaient déjà perceptibles au sein des anciennes générations dans la polarisation idéologique autour du choix de l’information consommée. Cette bulle prend juste une forme différente aujourd’hui et s’adapte aux évolutions du numérique. Dominique Cardon précise aussi qu’il ne faut pas surestimer l’influence des médias dans la sphère publique non plus, ni trop surévaluer la pouvoir du fact-checking qui touche un public déjà plutôt averti et initié.

 

L’équipe de Fragil vous donne rendez-vous dans les prochaines semaines pour une nouvelle revue de presse.

Animal journalistique curieux en service civique pour Fragil, je me passionne pour l’actualité du microcosme nantais afin d'en épier les nuances loin du manichéisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017