« Ah oui tu chantes ? Mais c’est une passion ou un métier ? »
Sandra a alors répondu : “ C’est un métier non rémunéré qui occupe les trois quarts de mon temps. Le quatrième quart étant consacré à la survie alimentaire.”
Un métier très précaire
Un artiste gagne difficilement de l’argent par l’exercice de son art. Un auteur même s’il a un petit succès touchera environ sept pour cent des ventes de son livre et ne sera payé qu’une fois par an par son éditeur. Comme l’explique l’auteur jeunesse Guillaume Guéraud dans sa chaine Youtube, un artiste ne vit pas d’amour et d’eau fraîche mais d’électricité et de factures.
Un artiste est un être humain comme les autres, il doit s’habiller, manger, se loger, élever des enfants.. et a besoin d’un salaire minimum pour le faire. « Mais c’est ta passion ! » est toujours la réponse des autres, qui considèrent qu’ être artiste n’est pas un métier. Un artiste est payé en gratifications, seulement en reconnaissance morale. Il fait ce qu’il aime et a de la chance. Malgré le caractère particulier et exceptionnel de sa profession : pouvoir créer librement, un artiste ne se sent pas du tout soutenu par la société et même parfois par ses proches : “Fais un métier plus normal, plus stable !” entend souvent l’artiste. En plus d’être dans une situation difficile, il peut se sous estimer à cause de ces remarques culpabilisantes.
Un métier qui prend du temps
“Je suis parfois critiquée par mon entourage quand je dis que je suis artiste. Très peu payée, je suis inscrite à “Pôle Emploi”, alors que je ne suis pas chômeuse . Je travaille du matin au soir ! J’écris, fais des recherches et je m’occupe aussi de la promotion de mes livres déjà publiés. Je suis obligée de chercher des petits boulots pour survivre : distribuer des tracts, faire du ménage… Au lieu de m’aider, ces boulots d’étudiantes me font ressentir combien ma situation est précaire “ raconte Mélodie, auteure de 24 ans
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Nombre d’artistes sont obligés de multiplier les petits jobs. La société peine à accepter qu’être artiste est un métier à part entière. Il est exercé à plein temps. On a la vision de l’artiste romantique qui crée son tableau ou son ouvrage en une nuit dans un jet d’inspiration. Or un artiste doit construire mentalement son œuvre, l’élaborer, le retravailler encore et encore… Le travail est en réalité considérable et peut prendre plusieurs années.
“ Je compte entre deux ans et cinq ans pour l’écriture de mon livre. Parfois, je suis payé d’avance par mon éditeur mais cela ne me fait que 80 euros par mois.” témoigne Jean, 30 ans.
Protéger les artistes
Si un artiste percevait un salaire tous les mois, ne serait-ce que le SMIC, et non pas une bourse très aléatoire, les artistes auraient les moyens nécessaires de créer pour les autres et de vivre.
“ Je suis pour le revenu universel. Cela aiderait considérablement les artistes à vivre dans la dignité. Car imaginons que j’aie un projet d’écriture qui nécessite un travail sur des années et que celui-ci ne soit pas accepté par un éditeur, je n’aurai rien gagné alors que j’aurai produit du travail ! Ma recherche d’écriture doit être aussi considérée comme un travail et pas seulement le nombre de ventes d’un produit fini… “ explique Mélodie.
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La dérive commerciale
Ne sont reconnus que les artistes à très grand succès. Nous sommes dans une société capitaliste. Le système pousse les artistes à se battre les uns contre les autres pour atteindre le succès. Est-ce vraiment le but de l’art ? Le danger pour un artiste aujourd’hui est de rechercher le succès commercial plutôt que de privilégier son travail de créateur. La société l’y oblige pourtant. L’artiste à succès décroche alors un statut, il vend et bénéficie de tous les moyens de communication comme tout produit commercial. Or les artistes ne peuvent être mis en concurrence les uns avec les autres.
En voulant vendre et plaire au plus grand nombre, l’artiste perd sa singularité. Sa recherche doit rester libre. Seul un revenu minimum pourrait garantir la liberté des artistes.
Un parcours du combattant mais pourtant…
Certaines personnes ne peuvent qu’être artiste. Elles sont faites pour ça. Et heureusement car on a besoin de l’art dans notre vie de tous les jours : les artistes, en exprimant leur sensibilité, en délivrant leur message au monde, leur vision du monde, nous font rêver, rire, nous donnent de l’élan et de l’espoir, nous révèlent à nous-mêmes. Les artistes touchent à ce qu’il y a de plus humain en nous. Un artiste n’est pas un être égoiste. Par l’intermédiaire de son art, il cherche à se connecter aux autres et au monde. Il nous fait réfléchir, nous éclaire.
“ Je suis contente quand je reçois des messages de personnes qui ont lu mes livres et me donnent leur avis. Nous échangeons alors sur différents thèmes. J’ai même fait des rencontres et appris des autres grâce à mes ouvrages. Je me rends compte qu’en écrivant, je cherche une connexion avec les autres. Un livre est comme une bouteille à la mer. “ , pour Mélodie, 24 ans.
Parfois dans les pires conditions, l’artiste trouve le moyen de chanter, danser, peindre, écrire, porté par sa passion, son engagement. La société ne lui prévoit aucune aide : c’est le prix de sa liberté. Or, se passer de l’art c’est aussi se passer de liberté, pour tous. A travers son art, l’artiste donne le moyen aux autres d’exprimer aussi leurs pensées, leurs réflexions, et propres créativités… Tout le monde a besoin d’art pour vivre. L’art est essentiel.
Sources :
Profession ? Ecrivain, Cécile Rabot et Gisèle Sapiro
Vivre de son art, Laurence Bourgeois