22 janvier 2019

Jours de fête en compagnie de Mesdemoiselles

Fragil s’est rendu à Jour de Fête, le festival qui a lieu tous les deux ans à St Herblain en alternance avec Soleils Bleus. Jour de fête est un festival de spectacles mêlant concerts, cirque, théâtre, et entresorts. Retours sur une des compagnies phare du festival, la Compagnie Mesdemoiselles, que nous sommes allés interviewer à la sortie de leur spectacle.

Jours de fête en compagnie de Mesdemoiselles

22 Jan 2019

Fragil s’est rendu à Jour de Fête, le festival qui a lieu tous les deux ans à St Herblain en alternance avec Soleils Bleus. Jour de fête est un festival de spectacles mêlant concerts, cirque, théâtre, et entresorts. Retours sur une des compagnies phare du festival, la Compagnie Mesdemoiselles, que nous sommes allés interviewer à la sortie de leur spectacle.

Compagnie composée de trois artistes, les Mesdemoiselles se sont rencontrées à l’Académie Fratellini et à l’école de cirque de Rosny-sous-Bois. Laure et Claire nous parlent de leur spectacle.

Fragil : C’est votre 3eme spectacle ?

Cie Mesdemoiselles : Deuxième spectacle, deuxième spectacle en rue, le 3eme spectacle avec le Cabaret.

Fragil : Quel était le premier thème abordé ?

Cie Mesdemoiselles : Les apparences, les apparences qu’on se donne face aux autres, les couches, les couches qu’on se donne derrière une image, une façade. Comment on gère cela et aussi la bonne place à avoir par rapport à la société, les amis la famille : les choix de vie, être en couple, se marier, les enfants… On joue de ça…

Fragil : Comment vous est venu l’idée de ce spectacle, de travailler le thème de la mort ?

Cie Mesdemoiselles : Au début c’était plutôt le cycle vie mort vie, travailler sur le cycle, et on était parties sur le cycle de personnages mythologiques des trois parques qui déroulent, tissent, coupent le fil de la vie. Une qui crée le fil, une qui le déroule, et la dernière le coupe : la naissance, la vie, la mort.
On a réfléchi sur le sujet, et on est parti des expériences de vie de chacune, et comment chacune a abordé ce sujet dans son histoire personnelle, puis après c’est une mise en commun, faite d’impros et voilà : on tisse.

Et là on se rend compte qu’il y a une qui pense à la mort tout les jours : « Ah, ouais tu penses à la mort tout les jours toi ? Ah ouais ? Moi je n’y pense jamais…
Ah bon mais ? Ça te fait flipper la mort ? Mais, non mais ça ne me fait pas flipper mais bon… La mort des autres ça me fait flipper. Ah mais du coup toi, ta vie ? »
Bref des discussions comme ça et quand on arrive au plateau on est chargé de cela.

Fragil : Comment vous arrivez à la création d’un spectacle ?

Cie Mesdemoiselles : Ça a commencé deux ans avant la sortie du spectacle. C’est des étapes de vie, à quel endroit on en est a ce moment là, de quoi on aurait envie de parler. On a tourné autour de la maternité, de plus Laure a eu un bébé entre temps, du coup ça posait plein de questions, qui incarne ce rôle ? Et en même temps le texte de madame est arrivé hyper tôt à la création, il n’a pratiquement pas bougé, d’autres textes sont arrivés beaucoup plus tard. Ça évolue, nous on évolue, on fait des aller-retour, des choses que tu gardes, que tu enlèves, d’autres que tu ramènes alors que tu te disais « non on va pas s’en servir… c’est une image tellement forte, qu’est ce qu’on va mettre après ? » C’est très vite parti de la création finalement c’est revenu.

On n’arrivait pas a mettre LE point de départ.
Avant cela on a fait des cadavres exquis, genre on prend le thème de la vie, chacune écrit des trucs, thème de la mort, chacune écrit des trucs. On a chacune écrit nos textes, c’est NOS textes. Il y a des cahiers, et des cahiers de création…

Et puis il y a la matière de la terre qui était là avant, sur d’autres créations.
Claire travaille beaucoup sur le coté plastique. Sur la précédente pièce il y avait 200 kg de vêtements, du coup c’était ça la matière, et là c’est la terre, de la matière à travailler en plus des corps.

Nous, on est circassiennes mais le coté numéro pour le numéro, ça nous parle pas du tout,

On part plus du constat de ce qu’on a à raconter, qu’est ce que on a envie d’échanger. Et puis si on doit danser, on danse, si on doit faire du théâtre, on fait du théâtre, et si on doit faire du cirque, on fait du cirque, pour raconter ce que l’on a à raconter. Et peut-être que dans la prochaine création on ne dansera pas, on fera de la magie nouvelle. C’est par rapport aux propos que nous utilisons les arts.

Fragil : Avez-vous eu un regard extérieur sur votre création ?

Cie Mesdemoiselles : Oui, on a eu deux regards extérieur qui nous guident qui nous poussent aussi dans des endroits où on a envie d’aller et où on n’arrive pas à aller toutes seules.
Nous on n’est pas danseuses, on a travaillé avec Marlène, on a travaillé les chorégraphies, on a travaillé avec Jean-Yves Pénafier aussi pour trouver de la matière, on ne peut pas être sur le plateau et à la mise en scène, il faut s’entourer.

Fragil : Où vous vous êtes rencontrées ?

Cie Mesdemoiselles : A Fratellini.

Fragil : Et Anna ?

Cie Mesdemoiselles: Anna et Laure se sont rencontrées à Rosny-sous-Bois et elles ont travaillées ensemble déjà précédemment, cela fait 8 ans qu’on tourne ensemble.

Quand on fait une création, soit tu es interprète, il y a un metteur en scène qui te dit moi je veux trois filles au plateau et vous aller faire ça et vous aller faire ça, du coup toi tu suis un peu et nous, on est dans un système de création collective, du coup cela change le rapport entre nous, on n’est pas là pour dire à Anna ce qu’elle doit faire…
Elle arrive un matin et dit bah moi j’ai trop envie de chanter du Grease…

Hein ? Bah vas y ….euh ? Ouais, c’est chouette…(rires) Maintenant il y a Grease au milieu du spectacle. Bah moi je me réveille un matin, je ferais bien un texte et puis vous vous me lancez de la terre.

On a essayé plein de trucs, tout là haut, en bas …
Le texte n’était pas celui là, puis on a essayé, on a gardé cela, c’était intéressant de se faire ensevelir puis bon c’est parti comme ça, Tu sais pas trop, la grosse question, c’est six ans ensemble sur l’ancien spectacle, on a fait des auditions pour une autre fille qui n’est pas Anna… On n’a pas trouvé et puis quand on s’est retrouvé à la première résidence, Anna s’est demandé qu’est ce qu’on allait faire comme nouveau spectacle, quel sujet allait-on pouvoir aborder ? Elles ont posé leur valise c’est un peu magique.

Fragil : Vous êtes arrivé à bout de votre spectacle, vous avez encore envie le jouer ?

Cie Mesdemoiselles : Oui, c’est le début, on a joué une première saison l’année dernière : c’est toujours comme ça la première année, tu joues. Puis tu te dis : « les transitions ne sont pas bonnes ». On a donc refait quatre semaines de résidence à l’hiver 2017-2018 à Lannion, et à coté d’Angers…
Bien sûr on va toujours tenter de s’améliorer, parce que tu trouves des repères, de l’énergie, du rythme, mais pour moi la globalité du spectacle est aboutie, si tu as d’autres envies, d’autres idées ce sera pour un prochain spectacle, il faut le jouer.

Fragil : Vous réfléchissez déjà à quelque chose ou vous êtes focus sur ce spectacle ?

Cie Mesdemoiselles : Nous on prend notre temps, on prend le temps de digérer. Et puis faut dire qu’on travaille avec d’autres compagnies aussi. Cela nous nourrit tout le temps, on n’est donc pas tout le temps en besoin de chercher d’autres choses et on les trouve autre part.

Après avoir fait un an de créa et que tu as passé la première année de doute, tu as envie de jouer pour profiter, d’arriver sur scène, de ne pas douter.

Pour moi il doit encore tourner deux ans au moins, et puis rien n’est écrit alors on s‘autorise de rencontrer des gens qui peuvent nous offrir une carte blanche pour un évènement alors on va pas s’en priver. Les rencontres tu ne sais pas ou ça te mène, il faut se faire confiance.

Nous on défend un travail en rue, quand les programmateurs voient le spectacle ils disent: Arg, mais en salle !

Fragil : Ça ne vous intéresse pas de faire de la salle ?

Cie Mesdemoiselles : Ici c’est gratuit, c’est ouvert, on défend un coté non élitiste. Ce n’est pas tous les publics qui viennent à ce genre de festival, mais c’est déjà plus large que de la salle. Après il faut qu’on arrive à jouer le spectacle dans des conditions qui servent. Il faut allier les deux, c’est un peu notre combat par rapport aux programmateurs.

Fragil : Vous jouez parfois en théâtre ?

Cie Mesdemoiselles : C’est bizarre car toutes nos résidences se font l’hiver, donc en intérieur. On travaille à l’intérieur pour jouer à l’extérieur, c’est ça qui est hyper particulier (rires).

Quand on se retrouve en intérieur avec des lumières c’est bien. Mais c’est un autre réseau pour pouvoir accueillir ce genre de structures, s’il y a des lieux qu’on nous propose, bien sûr qu’on y va ! Mais on n’a pas envie de lâcher le coté en extérieur, clairement ! C’est un autre rapport, c’est une autre énergie, beaucoup plus encore pour nous, mais des fois on se dit pour quoi on se fait chier ? (rires)
Quand on a un bon retour comme ici dans un festival comme celui ci avec des gens qui viennent nous voir, on sait pourquoi on fait ça.

Fragil : A la fin du spectacle tu dis Merci à l’organisation, mais qu’il y a t il de différent dans ce festival par rapport aux autres ?

Cie Mesdemoiselles : C’est toujours agréable d’être considéré et accueilli dans de bonnes conditions. Ici on a été accueilli par des gens qui ont envie que cela se passe bien, ils sont présents, ils t‘entourent, ils ne te laissent pas en galère. On est un peu partisanes de dire quand ça va, et puis ça fait plaisir.

 

Fragil : Quelles sont vos meilleures conditions de travail ?

Cie Mesdemoiselles : En terme d’horaires, l’attention des gens est plus propice en fin de journée, un espace confiné pour la concentration c’est mieux. Une clairière ne raconte pas du tout la même chose qu’un immeuble tout défoncé. Le mieux, c’est quand les gens viennent juste pour le spectacle.

Fragil : Et votre pire représentation ?

Cie Mesdemoiselles : Une bagarre à coups de machettes, avec le gars qui part en courant et qui passe le long du plancher…bon bah là il faut récupérer tout le monde…parce que c’est la rue, en théâtre cela n’arrivera pas…Cela peut être aussi le temps, il fait trop froid, il fait trop chaud. Quand les conditions ne sont pas bonnes pour toi, elles ne sont pas bonnes pour le public non plus.

Fragil : Est ce que vous jouez votre premier spectacle ?
Cie Mesdemoiselles : On l’a joué cet été, deux fois, pensant que c’était passé, dépassé, comme ça parle de nous et que c’est du passé . A notre grande surprise, on avait un espèce de recul, c’était deux super dates. On va pas chercher à le vendre, mais si on nous appelle on se dit pourquoi pas le jouer.

On est contentes de notre saison: on reviendra jouer ce spectacle les 29/30 Mai  et 1/2 juin 2019 à Lannion et le Cabaret (notre 3ème spectacle) sous chapiteau les week-end du 6/7 & 12/13/14 & 19/20/21 Avril 2019  à l’Ecole des Arts du Cirque à St-Barthélemy-d’Anjou

Passionné par les spectacles de rue et autres interventions artistiques, je souhaite vous faire partager ces moments à travers photos et écrits.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017