Exceptionnel mois de juin

08 Juil 2016

La Une de Fragil cette semaine nous transpose au cœur d’un des festivals musicaux les plus courus au monde, par le metalleux hardcore comme par le néophyte, le Hellfest. Au-delà de ce mastodonte, Nantes a offert au mélomane avide de sensations fortes de nombreuses raisons de se réjouir en ce mois de juin.

6 juin : des étoiles sur clair-obscur accompagnent la venue de Beach House à Stereolux. Le duo de Baltimore a démontré pour la deuxième fois son exigence dream-pop, à 10 000 lieues d’une quelconque austérité. Enveloppants, les morceaux veloutés scintillent des guitares d’Alex Scally, sous les envolées étourdissantes de la voix androgyne de Victoria Legrand.

16 juin : Spain, groupe californien fondé il y a 23 ans, constitue la surprise du chef à la Dynamo. Une cave voûtée peine à contenir le trio, en particulier le bassiste-chanteur à la voix pénétrante, Josh Haden. Entre les morceaux mythiques tels « Ray of Light » et les excellents extraits country-folk du récent opus « Carolina », le concert du groupe, calé tardivement entre deux dates de tournée française, rattrape haut-la-main les 14 ans d’attente depuis leur dernier passage à Nantes.

Puis il aura suffi de deux autres prestations pour s’assurer de la vitalité réjouissante de la scène nantaise. Assister au concert survolté des espoirs power-pop shoegaze Bantam Lyons, pressé contre son voisin de bar, à l’aveugle, dans le petit Madame Rêve, ou sautiller sur le rock teinté d’effluves Pixies du trio Nursery au Ferrailleur. Enfin, entendre la reprise des Australiens de The Go-Betweens « Karen » par les French Cowboy au complet, et aller se coucher…avant de profiter de l’été nantais.

Sandrine Lesage

Sans la musique (et l'art), la vie serait une erreur. Passionnée par le rock indé, les arts visuels et les mutations urbaines, Sandrine tente de retrouver l'émotion des concerts, de restituer l'univers des artistes et s’interroge sur la société en mutation.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017