22 juillet 2019

« Où est Steve ? », tant de pourquoi…

Samedi 20 juillet, un millier de personnes s'est rassemblé quai Wilson afin d'honorer la mémoire de Steve, jeune Nantais de 22 ans, disparu dans la Loire le soir de la fête de la musique après une charge des forces de l'ordre. Un mois plus tard, trois mots étaient sur toutes les lèvres : "Où est Steve ?"

« Où est Steve ? », tant de pourquoi…

22 Juil 2019

Samedi 20 juillet, un millier de personnes s'est rassemblé quai Wilson afin d'honorer la mémoire de Steve, jeune Nantais de 22 ans, disparu dans la Loire le soir de la fête de la musique après une charge des forces de l'ordre. Un mois plus tard, trois mots étaient sur toutes les lèvres : "Où est Steve ?"

Un mois s’est écoulé depuis cette funeste fête de la musique 2019 à Nantes. Un mois que Steve Maia Caniço a disparu dans la Loire après une charge des forces de l’ordre. Un mois que les questions restent sans réponse. Un mois que l’incompréhension règne autour de cette disparition, autour de la perte d’un être cher, d’un être « lumineux » selon ses proches.

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Pourquoi ?

Il y a tout d’abord cette décision d’interrompre une fête de la musique qui, depuis des années, rassemble la jeunesse de France dans une seule et même envie : fêter la musique et le début de l’été. Le quai Wilson étant loin de toute habitation, on a du mal à comprendre ce qui a motivé les commanditaires de cette charge.

Et puis, il y a ce déploiement de forces, quand une simple patrouille de police aurait largement fait l’affaire pour arrêter la musique sur les coups de 4h30 du matin. Pourquoi la BAC puis les CRS se sont-ils acharnés sur ces jeunes qui ne souhaitaient qu’une chose : danser jusqu’au bout de la nuit.

Finalement, il y a cette violence qui interroge sur la France, ce prétendu pays des droits de l’homme, où danser le soir de la fête de la musique peut s’avérer dangereux. Dangereux pourquoi ? Parce que l’ordre a été donné de disperser la foule de noctambules quoi qu’il en coûte. Les matraques étaient de sortie, les bombes lacrymogènes aussi. Les danseurs présentaient-ils le moindre danger ? Non. Troublaient-ils l’ordre public ? Non.

Alors pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Chaîne humaine

Le samedi 20 juillet, la famille et les proches de Steve avaient appelé à se rassembler sur les lieux du « crime » pour honorer la mémoire du jeune homme. Pour l’occasion, des t-shirts arborant la question que tout le monde se pose « Où est Steve ? » ont été mis en vente (les revenus sont destinés à venir en aide à la famille de Steve) et le stock s’est écoulé en quelques minutes.

 

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Plus d’un millier de personnes s’est retrouvé pour écouter les discours émouvants de deux amis du disparu (« Steve, nous danserons pour toi jusqu’au bout de la nuit ! »), puis pour former le long du quai une chaîne humaine.

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Impressionnés par l’ampleur de la mobilisation, les organisateurs et organisatrices ont décidé de créer deux chaînes parallèles. L’émotion était palpable, voire insoutenable face à tant d’incompréhensions.

 

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Finalement, le même slogan a fusé en provenance de toutes les gorges nouées : « Où est Steve ? ». Question qui reste jusqu’à aujourd’hui sans réponse…

 

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017