26 septembre 2019

Le numérique une chance pour les quartiers populaires ?

Dans le cadre de la Digital Week, l’association Wattignies social club, en collaboration avec les différents acteurs institutionnels et associatifs du quartier et de la ville de Nantes a accueilli dans ses locaux un temps d’échanges et de réflexion autour de la question de l'impact du numérique sur les quartiers prioritaires.

Le numérique une chance pour les quartiers populaires ?

26 Sep 2019

Dans le cadre de la Digital Week, l’association Wattignies social club, en collaboration avec les différents acteurs institutionnels et associatifs du quartier et de la ville de Nantes a accueilli dans ses locaux un temps d’échanges et de réflexion autour de la question de l'impact du numérique sur les quartiers prioritaires.

Présentation de l’association par Stephane Juguet, fondateur de WTII société de conseil stratégique en fabrique urbaine, initiateur de cette association.

Dans ce lieu, qui est un ancien garage, plusieurs projets se sont développés dans ce qui est nommé  « le bazar urbain » : il s’agit d’aider les jeunes artisans à développer leur activité. Ainsi une épicerie éphémère africaine, une friperie et une brocante se sont ouvertes. De plus est proposée une livraison de légumes en vélo, via les deniers kilomètres dans un souci éco-responsable. Il est également possible d’accueillir des événements dans ces locaux. Les valeurs de l’association sont vraiment d’accueillir les plus fragiles tout en restant ouvert à tous les publics.

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Introduction de la séance

Myriam Naël, élue à la ville de Nantes et à la Métropole, chargée de la politique de la ville, nous a informés que cette proposition du jour s’inscrit dans le cadre de l’évènement qui a lieu actuellement autour de la Digital Week et dans le cadre de l’animation de la politique de la ville.

« Notre société est en transition, le numérique s’immisce, nous dit elle, dans tous les domaines de la vie. Quelle place est réservée pour tous les citoyens et en particulier les plus éloignés de cet accès au numérique ? »

Mr Gaëtan Bourdin était l’animateur de cette après midi pour engager et animer les débats.

Ce dernier nous a présenté la démarche qui sera déployée en plusieurs étapes. Cette première séance a été l’occasion de mettre à plat enjeux et questions autour du numérique. La méthode proposée aux participants présents, professionnels, habitants, représentants d’associations était interactive afin que chacun s’approprie au mieux le sujet.

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Les ateliers

Pascal Fredet est un industriel qui travaille autour du développement de la ville connectée et des objets connectés : par exemple un compteur d’eau connecté est à l’étude actuellement. Il nous a informés qu’en France il y a peu d’expérimentations sur le sujet et que des réalisations existent en Inde ou en Afrique. Cependant la question se pose autour des projets en développement : Quel en est le sens pour le citoyen ? Ces nouveaux objets vont-ils faciliter leur faciliter la vie au quotidien ? Quels sont les besoins d’usage pour en dimensionner la fabrication ?

La deuxième intervenante Sonia Legoff, travaille à la ville de Saint-Herblain et nous a fait part de ses réflexions autour de l’accueil du public en mairie et de la numérisation des services publics. Force est de constater qu’une partie du public s’est appropriée les démarches numérisées, mais que l’accueil reçoit maintenant de nombreuses personnes très en difficulté sur l’usage de l’informatique ce qui conduit parfois à des non recours. Tout l’enjeu est d’avancer dans la numérisation des démarches administratives tout en gardant l’aspect humain pour ne pas exclure.

Après ces présentations, des ateliers participatifs ont été proposés pour que chacun s’immerge plus en détail sur le sujet. Avec la collaboration d’étudiants de l’école de design, des panneaux étaient dispersés dans ce grand espace autour de différents thèmes. Chacun offrait un grand nombre d’idées à partir de schéma illustratif, ludiques et colorés.

L’Atelier explorateur : il s’agissait pour chaque participant de se situer dans une catégorie : Par exemple « Suis-je très connecté, distant ou traditionnel ? » Une définition pour chaque terme a été donnée afin de guider les choix de chacun. Il a également été proposé de déposer un post-it pour visualiser là où il se situe et y apporter des commentaires.

La boussole des valeurs : « Qu’est ce qui est bon pour améliorer sa vie ? », « Quelles valeurs me paraissent importantes ? ». Là aussi les participants ont déposé un post-it sur les propositions accompagnées de remarques.

La responsabilité et l’éthique : « Où je me situe autour des différents sujets tels que famille, logement, citoyenneté ? », « Quelle responsabilité quand j’accompagne une personne pour accomplir une demande administrative numérique ? »

Quel pilote je suis en tant qu’utilisateur du numérique, « comment je me comporte ? », « quelle est ma liberté pour agir ? », « l’individu est-il livré à lui même ? »

En grand groupe

Après cette heure d’ateliers, retour en grand groupe où l’animateur a fait réagir la salle suite à cette expérience et a interrogé les jeunes de l’école de design autour de leur pratique du numérique.

L’expression du public a montré une diversité de préoccupations et de constats selon la place où il se situe (professionnel, habitant). Ainsi quelques réflexions entendues :

« La ville intelligente cela sert à quoi ? »

« La fracture numérique ne se situe pas que dans les quartiers prioritaires, de nombreuses études le démontrent »

Pour s’informer plus en détail, il est cité une référence bibliographique : « l’internet des familles » de Dominique Pasquier.

Le numérique s’est infiltré partout pour régler en caisse, payer ses factures…et il n’est pas facile de s’en approprier les usages. Quand on le croise avec la réalité quotidienne le sujet est complexe, que fait-on de l’aspect à la fois collectif et individuel de l’usage du numérique ?

Quelle culture commune pour que tout citoyen s’approprie le sujet, comment en comprendre le langage, les codes, les définitions, les enjeux ?

Réaction des habitants

Des habitants ont réagi pour dire qu’il leur est difficile de s’y retrouver car on ne parle pas spécifiquement des préoccupations des quartiers prioritaires alors que c’est l’intitulé du sujet de l’après midi. Ils souhaitaient apporter leur contribution en soulignant que pour eux la première des questions est d’y avoir accès, moyens financiers, et appropriation de l’usage ? Quelles solutions possibles ?

De plus des questions complémentaires apparaissent :

quel choix pour le citoyen, la liberté d’accepter ou pas la numérisation ? La place des femmes dans le numérique, suivant le contexte de vie, y a-t-il équité dans l’accès et dans l’usage ? Quel connaissance des métiers du numérique, en particulier pour les jeunes ?

Pour clore l’après midi, Madame Naël, rappelle qu’en tant que représentant de la collectivité, son souhait est d’avant tout de rendre un meilleur service public à la population au travers des politiques publiques. Car, selon elle, « les institutions sont responsables de l’aggravation des inégalités si l’on ne prend pas garde aux plus fragiles ». Elle a confié entendre la demande des habitants des quartiers autour de leurs difficultés et de recherche de solutions. Cependant cela a été un choix de ne pas entrer dans le sujet pas le biais des solutions, mais dans un premier temps de sensibiliser les participants au questionnement et en faire apparaitre la complexité afin que chacun se les approprie. Pour elle il est indispensable que chaque citoyen, ait conscience de cette évolution inéluctable qui modifie la vie de tous.

C’est pourquoi les 2 prochaines séances qui seront proposées, seront consacrées à faire émerger des propositions concrètes pour répondre aux demandes des quartiers prioritaires. De plus, il s’agira de regarder comment les mettre en œuvre collectivement.

L’individu au centre

Une après midi riche dans l’exploration du sujet, qui apparait immense au vu de toutes les idées émises. Cela laisse entrevoir également, beaucoup d’échanges à venir dans la recherche de solutions, de rendre visible pour tous les offres existantes, les manques, les innovations possibles, pour que certains ne restent pas au bord de la route numérique.

Le maitre mot partagé par tous est non pas de répondre d’emblée aux questions de l’usage technique du numérique, mais de placer l’individu au centre, que cela fasse sens pour lui et réponde à un besoin qui améliorera sa vie quotidienne.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017