29 janvier 2020

Pomme en pleine poire

Seulement quatre ans après ses débuts, la jeune chanteuse Pomme se produisait à Stéréolux. Fragil vous raconte ce moment délicat et puissant.

Pomme en pleine poire

29 Jan 2020

Seulement quatre ans après ses débuts, la jeune chanteuse Pomme se produisait à Stéréolux. Fragil vous raconte ce moment délicat et puissant.

Vous parler de Pomme, c’est ouvrir le carnet très secret des chanteuses françaises qui iront loin. C’est se permettre de vous dire « je vous l’avais dit ! » lorsque la talentueuse sera consacrée. Pour vous la représenter, il vous faut d’abord aller en quête de votre fragilité.

Naturellement, les tendances de notre siècle ne poussent guère à cette démarche, mais, cela en vaut la peine. Creusez un peu, car, seulement une fois celle-ci abordée, vous serez prêts.

Ensuite, imaginez un être frêle et délicat aux cheveux vaporeux et à l’allure lointaine. Vous y êtes presque. Vous y ajoutez ce qu’il faut de vents contraires, d’amours perdus et de vulnérabilité.

Alors, et alors seulement, la voix délicate et puissante de Pomme résonnera au rythme des instruments à cordes, autres guitares folks et piano. C’est tout un univers qui s’ouvrira, celui des perdus, des tristes, des danseurs timides, des puissants refoulés. Ce que nous sommes un peu tous, tour à tour, non ? Bien sûr que si, et en cas de trou de mémoire, rappelez-vous combien votre fragilité a contribué à faire de vous ce que vous êtes.

[aesop_image imgwidth= »50% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2020/01/POMME-1.jpg » credit= »Margaux Martin’s » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Une artiste née

Pomme a 23 ans. C’est tout petit.

Mais pour Claire Pommet, les règles n’existent pas, ou plus. Native de Lyon, son amour de la musique la pousse à s’installer à Paris il y a quatre ans seulement. À 19 ans, après s’être exposée à la face du monde via la plateforme You Tube, elle réalise tout simplement la première partie de Benjamin Biolay.

« En Cavales » son premier EP ( » Extented Play«   support musical plus long qu’un single mais plus court qu’un album) est né. Il y a deux ans sort son premier album intitulé « À peu près ». Le personnage prend forme. Elle compose, écrit, interprète. La jeune fille reste coiffée et maquillée, les jupes sont lisses et les cils bien courbés. Pour autant, son album évoque déjà les notions de sororité, de féminisme et de libertés sexuelles. L’artiste s’affranchie lentement des codes attendus.

C’est à cette époque que sort sa très bouleversante collaboration avec la canadienne Safia Noline « On brûlera ». Ici, le coup de cœur fut instantané. Attention, nous ne parlons pas de crush éphémère, à l’image d’une rencontre de soirée. Nous parlons d’un air tendre qui rythme encore nos journées, quelques années après. Sublime.

Puis, il y a le joli duo avec Ben Mazué. « J’attends » a pris place sur les ondes radiophoniques françaises. Comme d’habitude avec Pomme et Ben Mazué, les paroles sont tout simplement puissantes et parlerons aux couples aux « passions fines, pas du genre de celle qui détruit ». Entre Folk et Pop, c’est toute la délicatesse d’une génération qui vit dans les compositions de la harpiste. Sur la pochette de son album, elle recouvre son corps et son visage d’insectes, provoquant à la fois répulsion et attirance.  » Angélique et lunaire », comme le note déjà le Figaro. Son dernier album « Les Failles » est une production beaucoup plus personnelle. Co-réalisé par le talentueux Albin de la Simone, Pomme peut se targuer d’avoir mis au monde une œuvre qui lui ressemble de A à Z.

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De nouvelles dimensions

Après l’avoir vu en concert à la salle Paul Fort en décembre 2018, on avait faim. Cette petite salle, au public assis et à l’ambiance intime était alors l’écrin parfait pour l’artiste seule en scène. Elle, plutôt timide et naturelle, avait su livrer ce qu’il fallait de chaleur à chacun d’entre nous. Saurait-elle renouveler l’exercice dans une salle plus importante ? À Stéréolux, les dimensions de la Salle Maxi sont bien différentes. Affiché à la billetterie, le mot « Pomme Concert Complet-Complet-Complet !  » donne le ton. Après la prestation remarquée de Black Lylis, duo familial lyonnais délicat aux allures souls et folks, Pomme arrive en scène. Cette fois-ci, elle est accompagnée de Caroline, à la batterie et aux chœurs, et de Clémence à la basse. La scénographie est pure, jouant avec la simplicité d’un rideau à l’allure plastique et la simplicité de leur posture.

L’ambiance est assez froide. C’est palpable. Déstabilisant. Pomme ne sait pas en faire trop, ne force jamais les éléments. Le public assis ne s’attendait pas à cette configuration figée. Au bout de quelques minutes, Pomme s’interrompt :

 » Ecoutez…voilà…je suis mal à l’aise de vous voir assis, loin de la scène. Je vais me faire disputer, mais si vous avez envie de vous lever pour venir plus près… Faites-le. »

C’est alors une marée humaine qui se lève et s’approche avec respect. On gagne quelques degrés. Alors, Pomme déroule un mix de ses deux albums, le public suit puis s’embarque doucement vers l’allégresse. Ce n’est pas venu d’un coup, non. Mais c’est profond. Aux lumières, on joue habilement avec la projection des dessins de l’illustratrice  » Ambivalently Yours ». Des femmes enfants faussement naïves, monstrueuses et ébranlées. Pomme joue.

Plus instrumental, parfois rock, le trio donne avec puissance et discrétion. Finalement, rien n’est étonnant dans le déroulé de ce concert. Qu’il est bon d’être en compagnie d’une artiste honnête.

Pomme à Stereolux « Les Sequoias »

Victoires de la Musique 2020

Pomme est nommée aux Victoires de la Musique 2020, dans la catégorie Album Révélation. D’ici là, pourquoi ne pas découvrir la palette sensible de l’artiste ?

 

Lectrice assidue et rêveuse absolue, Laure a trouvé en Fragil un nouveau territoire de liberté et d'ouverture au(x) monde(s). Mordue de littérature et d'histoires de vie, elle tient un blog littéraire et suit de près l’actualité culturelle ligérienne.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017