4 février 2021

M.A.D à Stéréolux, la fête au bout des doigts

C’est à Stereolux que s'est tenu le 21 janvier dernier un des spectacles proposés par le festival Trajectoires, adapté en rendez-vous professionnels. La fin de la résidence du chorégraphe nantais Julien Grosvalet a ainsi vu le jour, ou plutôt la nuit, sur la scène Maxi. Fragil vous emmène au cœur de cette représentation de M.A.D, entre fête et révolte. Le thème ? Du madison populaire au club techno.

M.A.D à Stéréolux, la fête au bout des doigts

04 Fév 2021

C’est à Stereolux que s'est tenu le 21 janvier dernier un des spectacles proposés par le festival Trajectoires, adapté en rendez-vous professionnels. La fin de la résidence du chorégraphe nantais Julien Grosvalet a ainsi vu le jour, ou plutôt la nuit, sur la scène Maxi. Fragil vous emmène au cœur de cette représentation de M.A.D, entre fête et révolte. Le thème ? Du madison populaire au club techno.

Initié par le Centre Chorégraphique National de Nantes, le festival Trajectoires a regroupé pour sa quatrième édition une centaine de trépidant.e.s professionnel.le.s pour ces deux jours de programmation durement adapté (au lieu de ses 20 propositions sur 15 jours). 

Un clair-obscur permanent

C’est dans le chaleureux hall du Stereolux que nous nous retrouvons. 

Passé la double porte, 8 danseuses et danseurs sont déjà sur scène lorsque le public s’installe. Ils évoluent en formation carré, répétant un madison décomposé à l’infini, un pas après l’autre dans un fond sonore quasi inexistant. 

Une fois les spectateur.rice.s à leurs aises, le rythme de la musique se diffuse doucement et sort les danseur.euse.s de leur transe formatée, curiosité piquée. Trônant au fond de la scène dans un placement inspiré des boiler rooms, la DJ aux origines nantaises façonne la mélodie et, surplombant la scène devant ses platines, La Fraîcheur capte l’attention du groupe. Pas à pas, le madison se transforme jusqu’à ce que les danseur.euse.s se croisent, se regardent, se sourient. Ils prennent conscience de leur présence près de l’autre, se découvrent, puis s’abandonnent au rythme, happés vers sa provenance. Comme une charmeuse de serpent modulant le son jusqu’à trouver la symphonie parfaite, la DJ danse pendant que les corps réceptionnent les accords au creux de leur main, de leur ventre et martèlent le sol de leurs pieds en écho fidèle à la mélodie qui les ensorcellent.

© Ernest Sarino Mandap

Les âmes chantent et les corps se synchronisent, chacun.e à une fréquence qui leur est propre mais naturellement sur la même longueur d’onde.

© Emanuele Rosa

Leur singularité se retrouve dans leur costume, inspiré de l’univers des clubs, représentant leurs personnalités hétéroclites. La mise en lumière de leur danse, se détachant du groupe semblable à des électrons libres, soulignent la manière qu’ils ont de vivre le moment, de ressentir la musique.

© Ernest Sarino Mandap

La rencontre de l’autre dans la danse

Le temps de s’émerveiller de leur prouesse physique individuelle que le groupe est de nouveau formé, martelant du pied devant les platines, dépassant ses voisin.e.s pour aller au plus près du son. Puis les décibels s’envolent et le groupe éclate de nouveau. Éparpillés aux quatre coins de la scène, ils se cherchent, se séduisent, s’oublient, s’inventent inlassablement, les membres toujours guidés par ce sort assourdissant les rendant paradoxalement plus à l’écoute d’eux-mêmes que jamais. Placés tout autour de la scène, des spectateur.rice.s sont assis, masqué.e.s, au plus proche de l’action…

Ces personnes sont-elles vraiment spectatrices ? 

© Ernest Sarino Mandap

Au bout de 45min de performance, des nuages de fumée se déclenchent et d’un seul élan le public masqué se lève pour rejoindre la fête. L’étonnement, les frissons et les sourires parcourent la salle : le club est là. L’esprit du Macadam flotte entre les protagonistes tandis que les corps vivent et se laissent porter par le rythme hypnotique des enceintes. La magie au bout des doigts, La Fraîcheur est électrisée au-dessus de la foule.

Une énergie folle s’en dégage, le son résonne, les corps se déchaînent, la vie bouillonne, la fête explose. Le lâcher prise dans toute son immense beauté si convoité. L’autre est là à côté de soi, le sourire dans les yeux et la vie dans les veines. Et le ballet ne s’arrête pas encore.  Les cœurs s’accélèrent, la mélodie voyage dans les âmes, le temps se suspend et la larme roule. Spectatrice extérieure d’un bal d’émotions libérées, la musique émancipe la foule, étreint les êtres, berce les esprits et apaise les maux.

Ils et elles sont là. Rassérénés. Extatiques. Heureux.ses.  C’est une explosion de vie depuis trop longtemps retenue. Des cris de joie retentissent et c’est le noir. 

Puis, comme un nuage chargé de foudre au-dessus d’une terre aride, la pluie se met à tomber. 

« Le sens de la fête peut être là, dans cette persistance de la joie, capable de résister à tout ce qui voudrait l’entraver. » Charles Pépin – Quel est le sens de la fête ?

© Maëva Rioual

© Maëva Rioual

Plus d’infos :

Etudiante en communication, passionnée par les arts et le spectacle vivant. Je danse et j’écris un peu, parfois.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017