C’est dans une salle de classe, au premier étage de l’établissement pénitentiaire pour mineurs d’Orvault, que l’animateur de Fragil a accueilli son public du jour. Quatre jeunes hommes de moins de 18 ans sont accompagnés par l’une des employées du service éducatif. Regroupés en cercle autour d’une table, les adolescents sont là pour un atelier d’1h45 traitant de la téléréalité. Qu’ils soient consommateurs où non de ce type de contenu, le temps d’échange est aussi un prétexte pour évoquer le fonctionnement des médias et les mécaniques de création de contenu.
Une définition sous l’angle du sexisme
Pour introduire le sujet, l’animateur de l’atelier a demandé à chacun des participants d’inscrire sur le tableau blanc de la classe le premier mot qui leur venait à l’esprit quand ils pensaient à “Téléréalité”. Après être passés deux fois au tableau, une tendance générale s’est dégagée. En effet, pour les participants la téléréalité est principalement perçue à travers les candidates et leur hypersexualisation. Les mots “pute”, “folle”, “Milla”, “Nabilla” (ces deux prénoms étant ceux de candidates récurrentes d’émissions de téléréalité) ayant été ceux qui ont généré le plus de commentaires dans le temps d’échange. On notera l’absence de prénom de candidat masculin au tableau, ainsi que celle de mots à valeur positive pour les candidates. Cette discussion a permis à l’animateur d’évoquer, avec les adolescents, les réflexes sexistes encouragés par de nombreuses émissions de téléréalité. Confrontés au caractère discriminant de leur discours, les participants n’ont pas fermé la porte à un début de remise en question qui pourra se poursuivre avec l’accompagnement de l’éducatrice.
Un jeu de classement pour évoquer les différentes productions
L’atelier s’est poursuivi avec un jeu de classement de cartes représentant une trentaines d’émissions de téléréalités. Invités à classer les cartes selon la méthode de leur choix, les quatre jeunes ont opté pour un classement par type d’émission. Les téléréalité d’enfermement (Loftstory, Secret story…), les concours de talents artistiques (The Voice, Star Academy…), les concours de talents culinaires (Le Meilleur Patissier, Top Chef…), les téléréalité de semi-enfermement (Anges de la Téléréalité, les Marseillais…), autant de genres de programmes qui ont permis d’évoquer la notion d’audience. Chaque programme s’adressant à un type d’audience en particulier, les participants ont pu définir les différentes cibles publicitaires qu’ils visent. Ainsi, là où “Les Anges de la Téléréalité” permettront à une chaine de vendre de la publicité à des annonceurs visant les 15-25 ans, la chaîne diffusant “Chasseurs d’appart” visera plus facilement les actifs de classes moyennes ou supérieures en recherche immobilière.
Des clichés pour discuter de la recette des émissions de téléréalités
Afin de conclure l’atelier, l’animateur a présenté au groupe trois images. Sur la première, des castings de différentes téléréalités françaises ont permis de faire prendre conscience aux participants du manque de diversité de ces émissions comme le soulignait en 2020 le Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes. Que ce soit au niveau de la couleur de la peau ou des types de corps féminins et masculins, la téléréalité alimente une vision stéréotypée et inégalitaire du monde. La deuxième image, rebondissant sur la première, présentait différentes villas, toutes construites autour d’une piscine. Interrogés sur la raison de la récurrence de la présence d’un bassin dans les maisons où sont tournées ces émissions, les adolescents ont pu réaliser en discutant entre eux que ces piscines avaient pour objectif de présenter des corps en maillot de bain à l’antenne, alimentant l’hypersexualisation des candidats et candidates évoquée plus tôt. Enfin, une image de candidats et candidates se criant dessus, ou se “clashant” selon le vocabulaire dédié, a permis aux participants à l’atelier d’évoquer la scénarisation des épisodes à travers ces moments forts.
Ce temps d’échange et de débat à permis aux participants d’évoquer un sujet qui alimente leur quotidien, tout en prenant du recul sur leur consommation de ce type d’émission et sur la manière dont les médias fonctionnent.