« Un projet super enrichissant », c’est l’une des nombreuses remarques positives d’élèves récoltées à l’issue des six ateliers de deux heures animés par Fragil, entre novembre et décembre 2021 au lycée Jules Verne de Nantes. L’association d’éducation aux médias a accompagné les élèves de la 1ère C dans un projet de création de médias. C’est donc à travers l’élaboration de la page Instagram @20000lieuxsurleshaineux et la réalisation de reportages, traitant de lutte contre la haine en ligne, que l’action s’est concrétisée. Après un première série d’ateliers au Lycée St-Stanislas de Nantes qui avait vu naître « Instarcèlement« , c’est la deuxième fois que l’association Fragil met en œuvre ce type de projet financé, quasi totalement, par la DRAC.
Définir « la haine en ligne », une étape essentielle
La thématique du média, à savoir « la lutte contre la haine en ligne », étant imposée aux élèves dans la définition du projet en lui-même par Fragil, la DRAC et le Lycée Jules Verne, il n’était donc pas envisageable de commencer à parler de création de média avant d’avoir défini le sujet. Le premier atelier de deux heures a ainsi été dédié à un travail d’échanges autour de la notion de « haine en ligne ». Très imprégné de cyberharcèlement, le groupe d’élèves évoque et définit avec maîtrise certains termes associés au sujet : discriminations, suicide, mal-être, jugement, Twitter… Un fait du week-end précédent est même évoqué, montrant à quel point le sujet fait parti du quotidien des élèves : la vague d’insultes reçue par la streameuse Ultia après avoir qu’elle ait dénoncé un comportement sexiste lors du ZEvent 2021.
Pour compléter ce moment de définition, un débat mouvant a été organisé dans la classe. Un moment apprécié par les ados qui ont pu prendre position, réfléchir et débattre autour de phrases clivantes telles que : « Pour lutter contre les discours de haine, il faudrait interdire l’anonymat sur les réseaux sociaux », »Il vaut mieux faire attention à ce que l’on dit et fait en ligne pour ne pas se faire cyberharceler » , ou encore « Sur Internet, il est nécessaire de défendre le droit de troller ». Chaque énoncé à divisé la classe, faisant prendre conscience à tous et toutes que le débat est nécessaire pour s’entendre sur les moyens de lutter contre la haine en ligne.
Découvrir les bases du journalisme avant de se lancer
Afin de pouvoir réaliser des reportages de qualité et en parallèle du travail à fournir pour y parvenir, la classe a été initiée à la pratique du journalisme à travers des ateliers ludiques. Tout d’abord, le groupe a été invité à se confronter à la méthode journalistique en écrivant son premier article lors d’un exercice d’écriture. Répondre aux questions de base « Qui ? Quoi ? Quand? Où? Comment? Pourquoi? », ne pas hésiter à poser des questions, écrire avec des phrases courtes et utiles à la compréhension des faits, voilà quelques notions que les ados ont pu acquérir par l’expérimentation. Fait remarquable lors de ce moment d’initiation au journalisme : un élève se « met dans la peau d’un journaliste de CNews » et produit un texte alarmiste sur un fait assez inoffensif, à savoir un lancer de clés par l’animateur. Une perche tendue pour évoquer avec le groupe les effets du journalisme d’opinion sur la qualité de l’information.
Lors d’un autre atelier, les élèves ont participé à un exercice de découverte de l’interview. Après avoir chacun et chacune reçu un thème précis (France, Sport, OrelSan, Lycée), ils et elles ont eu 5 minutes pour écrire 3 questions et les poser à la personne de leur choix, tout en réalisant un enregistrement des réponses, d’une minute maximum, grâce à l’application « dictaphone » de leur téléphone. À la fin de ce temps chaque élève a du écrire une phrase par réponse, résumant ainsi la pensée de la personne interviewée tout en la citant pour prouver ses propos.
Dans un troisième atelier, les ados ont pu s’initier à la prise de photo de presse. Par binôme, les élèves ont eu quelques minutes pour trouver cinq idées de photos qui pourraient illustrer un article sur un thème imposé tiré au sort : « Comment est-on accueilli à Jules Verne ? », « À quel point le lycée est-il dangereux ? »… Une fois ces cinq idées trouvées, les élèves ont eu 5 minutes pour aller prendre ces photos. Dans un cours debrief face au reste de la classe, chaque groupe a pu répondre à la question qui lui était posée en « prouvant » son propos à l’aide des clichés réalisés. Un exercice qui a permis quelques prises de consciences parmi des élèves : « je ne comprends pas en quoi le gymnase est dangereux » réagira un élève face à la photo du lieu prise par un groupe de jeunes femmes. Une réaction qui leur permettra d’expliquer que le gymnase est un lieu propice au harcèlement et aux commentaires sur la tenue vestimentaire des femmes.
S’organiser en groupe : une condition nécessaire à la création d’un média
Pour réaliser un projet en commun, la classe a dû s’organiser pour trouver une manière de décider. Questionné par l’animateur sur leur choix de mode de décision : « on vote ! » se fait entendre dans un réflexe, oui, mais quel suffrage ? Prend-on le risque de décevoir la moitié de la classe ? « C’est ça la démocratie » répondent quelques élèves. Quelques remarques à propos de la possibilité de passer par le consensus dans un groupe de la taille d’une classe sont évoquées. En effet, en se laissant la possibilité de convaincre avec de bons arguments celles et ceux avec qui l’on est en désaccord, d’écouter les revendications de celles et ceux qui s’opposent catégoriquement à un choix et de faire des concessions si besoin, il est possible de ne décevoir personne. C’est ainsi qu’après avoir lister les avantages et inconvénients de différents types de support pour leur média ( podcast audio, chaine Youtube, fanzine), la classe a choisi à l’unanimité la plateforme Instagram, tout en invitant celles et ceux qui voulaient se tourner vers Youtube à utiliser la fonction Reels offrant la possibilité de travailler l’audio et la vidéo sur Instagram.
Voir cette publication sur Instagram
Une fois cette méthode de prise de décision éprouvée, la classe a pu définir les différents sujets qu’elle allait traiter, la manière de s’organiser pour réaliser les reportages et choisir un nom pour le média. Invité.e.s par l’animateur à lister les noms de médias spécialisés qu’iels connaissaient, deux types de noms sortent : les noms qui décrivent factuellement la ligne éditoriale ( Science et Vie Junior, Alternatives Économiques, Auto-Moto) et des médias avec des noms en lien avec le champs lexical de leur ligne éditorial (L’équipe). Après un brainstorm réalisé en petits groupes pendant 5 minutes, deux propositions se démarquent : « soshainejv » et « 2000 lieux sur les haineux », faisant référence à un ouvrage de Jules Verne ( « lieux » est préféré à « lieues » pour mettre en avant le travail de terrain du média), ce dernier est choisi à l’unanimité après un court débat.
Surmonter les difficultés, s’adapter et publier
Tout en étant accompagné.e.s par Aurélie, Dany et Zoé, bénévoles de Fragil, et l’un des salariés de l’association, les élèves ont été en autonomie complète pendant quatre séances pour réaliser et publier leurs reportages. Certains groupes ont pu définir rapidement le sujet et l’angle de leur reportage en identifiant des sources précises. Amelya et Noé, par exemple, se sont effectivement rapidement tournés vers la vague de harcèlement qui vise actuellement les élèves nés en 2010, à travers le mot-dièse #anti2010 sur les réseaux, en décidant d’aller interviewer les premiers concernés : les 6èmes du collège Jules Verne. D’autres ont eu plus de difficultés. Voulant traiter du racisme sur les réseaux, quelques élèves ont été confrontés à la dure réalité du terrain : les associations de lutte contre le racisme que le groupe a voulu contacter n’ont pas donné suite à leurs sollicitations. Malgré les nombreuses propositions de l’animateur pour redéfinir plus précisément son sujet, et interviewer des personnes disponibles, et voyant l’échéance de publication arriver, le groupe s’est réorienté vers une revue de presse en lien avec son sujet de base, sur la suggestion d’un bénévole de Fragil.
Surmontant toutes les difficultés liées à l’exercice (prise de contact avec des personnes à interviewer, dérushages d’interviews, écriture, montage de vidéos) la classe publie au terme du projet 11 reportages de qualité aux formats hétérogènes.
Un projet utile qui donne envie d’aller plus loin
« Très bon projet, espérant qu’il se poursuive, merci pour votre aide », »Très bonne idée de projet, nous avons appris de nouvelles choses, j’adore le journalisme », « J’aimerais beaucoup refaire un projet du même type mais sur un sujet différent » commenteront des élèves ravis en fin de projet. Ces avis sont partagés du côté des enseignants, comme nous confiera Laurent Schietecatte, professeur d’histoire-géo qui a accueilli le projet pour sa classe : « l’expérience a été extrêmement riche pour tout le monde. La production finale est de plus de grande qualité. Si [Fragil reconduit] un projet l’année prochaine, je suis partant. »