A l’origine, il y a 350 ans, le maloya servait à exprimer la douleur et la révolte des esclaves venu·es d’Afrique ou de Madagascar. Il était chanté et dansé dans les plantations sucrières pour rendre hommage aux ancêtres. À La Réunion, il s’est créolisé et a subi les influences du jazz, du reggae, du rock et du slam. Mais il est toujours considéré comme l’âme de cette civilisation métissée. En 2009, l’UNESCO l’a classé «patrimoine culturel immatériel de l’humanité».
Mais pour Daniel Waro, l’un des plus célèbres héritiers de cette tradition, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour lui donner ses lettres de noblesse.
«À La Réunion, celui qui réussit, qui a une belle maison, une belle voiture, c’est celui qui parle le français» s’insurge-t-il. «Celui qui s’exprime en créole, parle forcément mal».
Les préjugés d’infériorité
Pour lui, le français est encore la langue dominante et véhicule toujours les vieux préjugés d’infériorité par rapport à la langue des colonisateurs.
«Le français impose son modèle de République une et indivisible» poursuit Daniel Waro. «Il uniformise et balaye tout. Le jour où l’on apprendra à l’école comment vit un créole, comment il se nourrit, comment il plante, comment il élève ses animaux, là oui, il y aura une vraie reconnaissance».
Daniel Waro admet qu’il y a eu des progrès. A partir de la 4ème, on peut apprendre le créole en option. Il existe bien quelques classes bilingues et on peut passer le CAPES et l’agrégation en créole mais pour lui ce n’est pas assez.
«Ça reste toujours un parcours du combattant de vouloir réussir ses études en créole» explique-t-il. «Il faut forcer les portes et c’est pareil pour se marier en créole. Sans l’accord du maire, c’est impossible à obtenir».
Le créole, une langue à part entière
Le créole est en fait un mélange de français, de portugais, de malgache et il se prononce avec des accents différents selon que c’est un indien, un camerounais ou un malgache qui parle. Mais comme le français, il a sa grammaire, sa conjugaison, son vocabulaire, ses mots propres.
«Le créole est une langue à part entière» insiste Daniel Waro. «Il a ses poètes, ses écrivains. C’est une histoire, une civilisation, celle des esclaves».
Oui mais voilà. Officiellement pour la France, le créole est une langue régionale au même titre que le breton, le corse ou le basque. Une langue mineure en somme, en tout cas inférieure à celle de Molière, de Descartes ou de Victor Hugo.
Et c’est ce qui amène Daniel Waro a continuer ce combat politique au travers de ses concerts, lui le fils d’ouvrier agricole et de militant communiste, né au Tampon en 1955. Lui, le rebelle dans l’âme, l’amoureux de Brassens, l’anarchiste et le fabricant d’instruments typiques de La Réunion.
Mardi 22 novembre, il viendra chanter le maloya. à l’invitation du Piano’cktail, le théâtre municipal de Bouguenais, et de l’association Le Nouveau Pavillon, qui défend les musiques du monde et organise le festival Eurofonik.