Vendredi 4 novembre, 15h30. Une demi-heure avant le début du show, une file d’attente conséquente s’est déjà massée, longeant les barrières du terrain privé où ce « zénith itinérant » a désormais ses habitudes. Dans la file, un grand nombre d’enfants se préparent à leur baptême de cirque. L’occasion pour les parents de Charlotte, 3 ans, de pousser la toile après plusieurs années : « On a aimé le cirque, c’est un univers qui nous plaît. Mais nos enfants grandissant, […] cela fait un moment que l’on n’est pas venus. C’est un retour », nous confient-ils avant le passage au guichet.
Le temps de trouver une place assise au milieu des familles en grappes dans les gradins, et la magie peut opérer. Près de deux heures durant, sans compter les vingt minutes d’entracte, les numéros s’enchaînent, sous la houlette de Monsieur Loyal, portés par une musique aux accents ibériques. Les danseuses de flamenco donnent le tempo et tapent du pied de tout leur frénétisme sur la piste. Les clowns redoublent de ruse pour attirer un spectateur sur scène ; l’immobiliser sur un panneau de bois ; enfermer sa tête dans un sac ; et lui faire croire, pour le plaisir de tous·tes, que les ballons placés de part et d’autre du dit sac et sous son entrejambe sont percés par un faux lanceur de couteaux.
Ces intermèdes laissent ensuite place à des numéros autrement plus périlleux. Un numéro gracieux de tissu aérien en couple, original car la femme porte également l’homme, et pas seulement l’inverse. Un adolescent qui tient en équilibre sur cinq plates-formes progressivement superposées, elles-mêmes en équilibre sur un cylindre en mouvement. Un jongleur de diabolos enflammés, qu’il embrase de sa bouche remplie d’essence. Et pour finir, le « Globe de la mort », sphère métallique de cinq mètres de diamètre dans laquelle trois motos s’entrecroisent à toute vitesse, avec autour des centaines de paires de paupières éberluées.
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Et sans oublier les animaux. Le cirque Zavatta leur fait la part belle. La ménagerie comporte pas moins de 45 spécimens des plus exotiques, y compris des bébés. Et les équipes n’hésitent pas à nous en présenter une grande partie durant la représentation. Fauves, chameaux, chevaux, poneys exécutent successivement leurs révérences rituelles à des enfants ébahis par de tels tableaux. Des lamas tournent même autour de la piste, face à l’assistance qui ricane et retient son souffle devant de potentiels postillons. Cet éventail d’espèces est possible grâce à l’opiniâtreté de la direction, qui revendique le bien-être et l’affection apportés à ses bêtes, elle précise bien que la loi interdisant les animaux sauvages dans les cirques n’a vocation à être entérinée qu’en 2028. « Ce n’est pas qu’un métier, c’est une culture. Nos animaux, ce sont comme des animaux de compagnie, comme des chiens. On a grandi avec. Il y a un lien qui se crée », nous confie Fredo Douchet, directeur de la troupe.
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Un spectacle entre respect des traditions et adaptation aux modes
Si la franchise met un point d’honneur à se moderniser technologiquement, il n’en demeure pas moins qu’elle s’inscrit dans la pure tradition du cirque itinérant. Pour qui est du renouvellement du genre, les clowns ont des LED incrustés dans leur costume, les voltigeur·euse·s sont agrémenté·e·s de jeux nourris de lasers, et Zavatta mise avant tout sur la refonte annuelle de son programme. En changeant le spectacle, le public, qui ne pourrait pas venir toutes les semaines, n’a pas le temps de se lasser. Pour prévenir cette lassitude, à l’instar des 250 cirques présents rien que sur le territoire métropolitain, la direction est en recherche constante de numéros accrocheurs, et fait appel tous les ans à des artistes du monde entier. À titre d’exemple, cette année, la famille Douchet accueille en son sein des Polonais, des Roumains, des Cubains, et des Espagnols. Toutes ces cultures se rejoignent et nous offrent un mélange détonnant, à grand renfort de fanfare, de couleurs vives et de paillettes.
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Du point de vue de la communication, force est de constater que le traditionnel a du cachet. Là encore, les méthodes plus classiques sont privilégiées. Un camion à mégaphones sillonne les communes avoisinantes pour avertir des représentations à venir et des flyers jonchent les pare-brise dans les parkings. Fredo Douchet insiste justement sur ce point : « C’est une culture, le cirque. Les gens ont l’habitude de ce folklore, avec la voiture sonore, les collages et les tracts. […] Sur Vertou, ça fait dix ans qu’on vient, et on s’aperçoit que le bouche à oreille est énorme. »
Des méthodes qui semblent porter leurs fruits, au vu du public qui vient avec plaisir, et qui bien souvent revient, se réjouit la direction. Le cirque Zavatta est attaché à la proximité avec les gens qui viennent le voir, et tient à le laisser transparaître, jusque dans les speechs de Monsieur Loyal, réalisés dans les gradins, au milieu des spectateurs. Bien entendu, tout cela prend forme en ayant à l’esprit de se placer au meilleur endroit possible : ni trop près des habitations pour éviter les nuisances en cas de rugissements nocturnes, ni trop loin des populations, d’où la proximité avec le Super U et a fortiori Nantes métropole.
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Le contexte veut que la situation du cirque en France est à ce jour compliquée, voire précaire. En témoigne l’opération escargot qui a eu lieu porte de Vincennes jeudi 24 novembre. Cette manifestation faisait suite à des arrêtés municipaux interdisant la station des chapiteaux sur leur territoire, mesure que les circassiens jugent hors-la-loi. Le directeur nous fait part de son opposition à ces arrêtés : « On voit ça comme de la discrimination, car ils empêchent les cirques : qu’ils soient avec ou sans animaux, ils ne les autorisent pas, de toute façon. […] Il y a des lois qui passent, et comme nous aimons nos animaux, on a proposé de faire des cirques en fixe. On nous dit que ça ne va pas non plus, que ça gêne. Donc il y a bien un souci quelque part. »
Le Cirque Nicolas Zavatta Douchet fête cette année les dix ans de sa présence sur le site de Vertou. Il va même jusqu’à prolonger la féerie jusqu’au 4 décembre prochain, fort de son succès auprès du public. Un public revenu en masse au spectacle vivant depuis que la Covid se fait moins virulente, au point de dépasser le niveau de remplissage d’avant pandémie, sur près de 350 spectacles étalés sur dix mois.