10 mai 2023

Au lycée Jules Verne, la création d’un média permet de « souder la classe »

Au premier trimestre 2023, Fragil est intervenue auprès d'une classe de première du lycée Jules Verne à Nantes. En créant un média sur la problématique des discours de haine en ligne, les élèves ont vécu une expérience qui les a rapproché·es. Retour sur ces ateliers d'initiation au journalisme.

Au lycée Jules Verne, la création d’un média permet de « souder la classe »

10 Mai 2023

Au premier trimestre 2023, Fragil est intervenue auprès d'une classe de première du lycée Jules Verne à Nantes. En créant un média sur la problématique des discours de haine en ligne, les élèves ont vécu une expérience qui les a rapproché·es. Retour sur ces ateliers d'initiation au journalisme.

« Ça a forgé notre classe », affirme une des élèves qui a participé à la création du média « ADHaine« . Ses camarades la rejoignent, le projet a permis de « souder la classe », révélant une « super cohésion de groupe » au fil des semaines. Entre janvier et avril, une classe de première du lycée de centre-ville nantais a été accompagnée par Fragil. L’association d’éducation aux médias intervient ici grâce à un financement de la DRAC autour d’un projet de création de médias pour lutter contre la haine en ligne. Au programme des six séances de deux heures : réflexion sur les discours de haine en ligne et découverte de la pratique du journalisme à travers la création d’un média collaboratif sur Instagram.

Un outil de prévention efficace

« Ça m’a permis d’aller à des endroits où je ne serais jamais allée », témoigne une élève que le projet a amenée à pousser les portes de l’association nantaise NOSIG, centre d’accueil et d’informations LGBTQI+. En effet, à travers la création d’un média traitant de la lutte contre les discours de haine en ligne, les lycéen·es ont été poussé·es à s’intéresser à des personnes hors de leurs cercles habituels. En rencontrant des livreurs à vélo, des victimes de cyberharcèlement, des journalistes ou encore l’ex-défenseur de l’équipe de France de football Lilian Thuram, les élèves ont apprécié sortir de leur « zone de confort ». Les temps de rencontres organisés en autonomie par les élèves pour réaliser leurs interviews ont bien été perçu comme des temps de « prévention et sensibilisation » selon leurs dires qui permettent d’apprendre « de nouvelles choses sur des thèmes inconnus ».

 

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Cette liberté laissée aux lycéen·nes a d’ailleurs été perçue de manière positive par de nombreux élèves qui, malgré la « grosse demande d’investissement », ont vu leur « autonomie s’améliorer ».

Une plongée dans la pratique du journalisme

En quelque semaines, la classe a pu produire une dizaine de reportages en mettant en pratique les différents enseignements des ateliers d’initiations journalistiques apportés par Fragil. « Nous avons appris à aller chercher des informations et des contacts », témoigne un élève. En effet chaque groupe a du identifier un sujet en lien avec les discours de haine en ligne, trouver un angle, contacter des sources, réaliser des interviews et mettre en forme son reportage, par l’image, l’écrit ou le son. Cette plongée dans la pratique a donné à « voir ce que sont les enjeux d’un projet de journalisme », synthétise une élève.

 

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Un groupe conscient de son travail

« Intervention parlante, concrète, motivante », »Un projet qui fait grandir », »amusant à faire », les remarques positives sont nombreuses à l’issue du projet. Au delà de cette satisfaction affichée, les élèves ont aussi été en mesure de trouver des axes d’auto-critiques. Lors de la séance de restitution, l’animateur a proposé aux différents groupes d’identifier ce qui aurait pu être mieux fait. « On a perdu trop de temps à choisir le nom du média » regrette une élève, le manque de « visibilité » du résultat est aussi pointé, tandis qu’une autre se désolera de la « direction artistique nulle » du compte. Ces quelques critiques, aussi sévères soient-elles, montrent à quel point les élèves se sont pris au jeu du projet commun. Et même s’il est peu probable que le compte « ADHaine » survive à l’accompagnement de Fragil, certain·es élèves du groupe ont évoqué, à l’issue du projet, l’idée de réitérer l’expérience de création de média de leur côté.

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017