Jean-Marc Vernier a fait toute sa carrière dans le spectacle vivant où il a dirigé de grandes institutions. À Nantes depuis 12 ans, il a notamment été directeur de l’Ecole du Pont supérieur, qui forme les musicien.nes et les danseur.euses. « Régulièrement, mes étudiants musiciens travaillaient avec les étudiants des Beaux-arts, et les étudiants danseurs avec ceux de l’école d’architecture ». C’est ce croisement des arts et des disciplines qu’il a voulu partager avec son Jardin des formes, dans l’idée d’exposer dessin, peinture, estampe, céramique, sculpture, pour tous et toutes.
Aller en ville pour aller au jardin
Pour choisir l’emplacement de sa galerie, c’est le quartier qui a été le plus important. Jean-Marc explique en effet : « Je suis venu dans celui-là parce que c’est un quartier de centre-ville, historique de Nantes, et c’est un quartier où l’on vient se promener. Je crois beaucoup à la démarche du centre-ville. Ce qui m’atterre, c’est de voir les cinémas sur les zones industrielles, je trouve que c’est une négation. Je pense que l’art et la culture, c’est une sortie, c’est important, ce n’est pas comme aller au supermarché faire ses courses. Il y a un moment un peu sacré. Pour moi, aller au théâtre, aller voir une exposition, c’est une démarche un peu festive et sacrée où on va au centre. On va « en ville ». » Pour le galeriste, l’art se doit d’être accessible au plus grand nombre. L’idée d’une galerie aussi ouverte sur la rue, c’était aussi celle de se laisser regarder.
« La galerie est très transparente. Ça faisait partie du choix du lieu. Même si on n’entre pas, on peut tout voir. Je les vois faire les gens, ils se mettent au milieu pour regarder à travers la vitre. Puis ils se mettent à l’autre bout. Et ils partent. Puis ils finissent par entrer en me disant qu’ils n’osaient pas. Ça c’est important. Un lieu très transparent. »
Une brigade de 14 artistes
Il y a dans cette galerie 14 artistes (Florence Grenot, Mathilde Le Mancq, Bengal, Eliane Monnin, Ramzi Ghotbaldin, Clothilde Saës, Francine Michel, Jocelyne Clémente, Karen Serra, Lidia Kostanek, Nicolas Rousseau, Samaneh Atef, Mathilde Sauce, Pascale Hémery), une équipe complète faite de peintres et peintresses aguerri.e.s, de plasticien.nes rompu.e.s à la tâche de l’exposition, et d’autres plus émergeant.e.s, que Jean-Marc a découvert lorsqu’il travaillait à la mise en place de sa programmation. Une fois encore, un croisement des genres et des expériences.
« Pendant 5 ans, j’étais chargé des découvertes de jeunes artistes pour le festival du printemps de Bourges, ce qu’on appelle maintenant « Les Inouï.e.s », c’est-à-dire les gens qu’on n’a pas beaucoup entendus. Et moi, je suis très habité par l’idée qu’il faut que les générations se retrouvent. Les lieux d’art sont faits pour les artistes confirmés mais aussi pour ceux qui peuvent profiter de la dynamique des plus anciens. C’est un devoir des institutions publiques et privées, que de soutenir la jeune création. »
Jean-Marc s’est aussi attaché à ne laisser personne sur le côté :
« Moi ce que j’apprécie, c’est l’art expressionniste, ou en tout cas l’art des artistes qui renversent la table. Ce qui m’intéresse le plus, c’est l’art que l’on peut regarder en se disant que ça correspond à des choses pour nous, dans lequel on peut se projeter, avec ses valeurs, son éducation, ses connaissances, et qu’on peut creuser après. L’art, en fait, où on n’est pas laissés en dehors. »
Des expositions en binôme
Dans la programmation artistique de sa galerie, Jean-Marc pense les expositions en binôme. Les artistes, toujours par deux, prennent possession des lieux, mêlant illustration et céramique. L’exposition actuelle, celle de Mathilde Le Mancq et Bengal, présente deux jeunes artistes pluridisciplinaires qui ont investi la pièce baignée de lumière.
« Pour l’exposition actuelle, je les ai réunis pour deux raisons. La première, c’est rendre hommage au dessin. Les deux sont foncièrement des dessinateurs. D’autre part, le clin d’œil du noir et blanc aux murs et de la couleur sur les podiums. »
« Quand on voit un dessin de Bengal, tout le monde voit quelque chose : un homme, une femme… on a un point d’accroche, une émotion spontanée. Et puis, comme Mathilde, c’est brut, c’est naïf. Mais plus on les regarde, plus on découvre d’autres messages, d’autres détails. C’est ça que j’aime dans l’art, que ce soit un sujet de contemplation et d’apprentissage permanents. »
L’exposition « Des corps, des visages » de Mathilde Le Mancq et Bengal se découvre jusqu’au 6 janvier 2024, à travers les fenêtres vitrées, ou bien à l’intérieur, racontée par la poésie de Jean-Marc Vernier, au Jardin des formes. 21 rue Mercoeur, Nantes.