• La rieuse, dit aussi Bacchante aux roses n°2, vers 1870. Jean-Baptiste Carpeaux.
13 février 2024

« Prière de toucher » au Musée d’arts de Nantes : une approche de la sculpture par les sens

"Prière de toucher, l'art et la matière", jusqu'au 29 septembre 2024 au Musée d'arts de Nantes. Une histoire de la sculpture par les sens, accessible à tous les publics.

« Prière de toucher » au Musée d’arts de Nantes : une approche de la sculpture par les sens

13 Fév 2024

"Prière de toucher, l'art et la matière", jusqu'au 29 septembre 2024 au Musée d'arts de Nantes. Une histoire de la sculpture par les sens, accessible à tous les publics.

La rieuse, dit aussi Bacchante aux roses n°2, vers 1870. Jean-Baptiste Carpeaux.

(Ré)apprendre à toucher

S’il est un code bien ancré dans l’esprit des visiteurs des institutions muséales, c’est que la distance est habituellement de rigueur dans l’appréhension d’une œuvre d’art. On la contemple, on l’observe, on la scrute…mais on ne la touche pas. Et lorsque l’on est invité à entrer dans l’exposition Prière de toucher, au premier étage du Musée d’arts de Nantes, muni d’un masque pour une découverte guidée en binôme, il demeure une certaine hésitation à oser entrer en contact direct avec la matière. Pourtant, l’expérience du toucher paraît naturelle quand on parle de sculpture, tant elle offre une variété de sensations et enrichit la perception de l’œuvre dans toutes ses dimensions. C’est bien là toute l’ambivalence des missions des musées aujourd’hui. Adeline Collange-Perugi, conservatrice chargée des collections d’art ancien du Musée d’arts de Nantes, le résume bien : « Nos deux missions principales sont contradictoires : conserver pour transmettre aux générations futures et, en même temps, permettre aux publics d’appréhender au mieux les œuvres ». L’injonction Prière de toucher, est un clin d’œil à l’œuvre éponyme de Marcel Duchamp qui présentait, en 1947, un sein en relief sur la couverture d’un livre. Avec la perversité qui le caractérise, il soulevait déjà la délicate question du toucher dans l’art.

Voltaire assis, vers 1780-1790, Jean-Antoine Houdon (1741-1828). © Lyon MBA – Stéphane Degroisse.

Une exposition collective et itinérante, accessible à tous les publics

Initiée en 2016-2017 par le musée Fabre (Montpellier Méditerranée Métropole), en partenariat avec le musée du Louvre, cette exposition fait partie des événements nantais qui ont du être reprogrammés suite à l’épidémie de Coronavirus. Elle présente des reproductions d’œuvres, aux reliefs retravaillés et accentués, issues de sept musées régionaux français : Montpellier, Lyon, Rouen, Lille, Bordeaux, Nantes et Rennes. Tous sont membres de FRAME, un réseau de coopération culturelle qui relie, depuis le début des années 2000, trente-deux musées français et nord-américains (États-Unis et Canada). Des personnes non et malvoyantes ont également accompagné le projet dès son origine, dans le cadre d’une démarche inclusive et collaborative. Il en résulte une déambulation ergonomique et progressive, qui débute par un espace dédié au jeune public, où l’on peut s’entraîner à identifier matières et matériaux variés, avant d’entrer dans l’espace central Prière de toucher puis dans l’atelier de l’artiste, où sont abordés les techniques et outils de travail par des dispositifs tactiles, sonores et olfactifs.

« Le toucher nous permet un accès à l’apprentissage,
il a ce pouvoir d’éveiller les consciences, d’émouvoir… ».
Le philosophe Michel Serre, cité par Emilie Vanhaesebroucke, directrice déléguée du réseau FRAME.

 

Balance en deux, 1957, Marta Pan (1923-2008). ©-Musee-Nantes-photo-C.-Clos.

La contribution du Musée d’arts de Nantes : une œuvre abstraite, réalisée par une femme artiste

Parmi les neuf reproductions de chefs-d’œuvre, de l’Antiquité au 20ème siècle (dont de grands noms comme Carpeaux, Houdon ou Rodin), l’œuvre Balance en deux, de l’artiste hongroise Marta Pan, se remarque par sa pureté et la sensualité de ses formes. « Nous avons la dernière sculpture de l’histoire, la seule abstraite et la seule d’une artiste femme dans l’exposition», annonce Sophie Lévy, Directrice-Conservatrice du Musée d’arts de Nantes. Une portée symbolique, qui vient en écho à la récente programmation de l’exposition Suzanne Valadon, un monde à soi et au parcours Femmes artistes, à découvrir via l’application Ma visite. En outre, l’approche tactile permet d’en percevoir une version enrichie et augmentée en saisissant, pour la première fois, son fragile équilibre.

 

Pour aller plus loin :
L’exposition est présentée jusqu’au 29 septembre 2024, en salle 25, au premier étage du Palais, de 14h à 19h et jusqu’à 21h le jeudi. Outils de médiation à disposition de tous les publics : prêt de masques pour les yeux, audio-guides, cartels en braille, livret en braille et gros caractères, livret en « Facile à Lire et à Comprendre » (FALC), etc. Une programmation de visites, ateliers et spectacles accompagneront également celle-ci pendant toute sa durée. 

Originaire de la Drôme, Domitille a jeté l’ancre à Nantes, il y a près de quinze ans après avoir fait un tour de France pour ses études et ses activités professionnelles. Guide conférencière, médiatrice et chargée de projets culturels, elle a appris à connaître la ville de fond en comble ainsi que son patrimoine grâce à son métier

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017