24 septembre 2024

Exposition « Manifest » : L’art digital pour mieux transmettre l’histoire

Dans le cadre de la Digital Week de Nantes, le 19 septembre débutait « Manifest : Nouveaux regards sur l’esclavage colonial », une exposition au format numérique original sur les mémoires et héritages de la traite transatlantique.

Exposition « Manifest » : L’art digital pour mieux transmettre l’histoire

24 Sep 2024

Dans le cadre de la Digital Week de Nantes, le 19 septembre débutait « Manifest : Nouveaux regards sur l’esclavage colonial », une exposition au format numérique original sur les mémoires et héritages de la traite transatlantique.

Mélanger histoire, art et technologies ? C’est possible à l’exposition « Manifest », dans la galerie d’art nantaise de l’Atelier, rue Châteaubriand, jusqu’au 6 octobre 2024. Le jeudi 19 septembre, une vingtaine d’artistes étaient présentes pour l’inauguration des 13 œuvres numériques de l’exposition. Résultat de deux ans de résidences d’artistes à Lisbonne, Budapest ou encore Copenhague.

Le digital pour reconnecter passé et présent

Respecter les mémoires tout en rendant l’art et l’histoire accessible à tous, c’est ce qui a rassemblé l’association nantaise Les Anneaux de la Mémoire et les 4 autres structures européennes organisant l’exposition : Khora au Danemark, Gerador au Portugal, Pro-Progressione en Hongrie et Cumediae en Belgique.

Pour Stefanie, de cette dernière association, les « nouveaux matériaux » facilitent la vulgarisation de l’histoire. En lien avec la Digital Week à Nantes, les nouvelles technologies sont donc au cœur du projet.  « Un prof peut s’en servir pour un cours », explique d’ailleurs Sylvaine, une des artistes, qui a créé un espace de documentation en ligne accompagnant son film « Paroles de Nègre ».

Sylvaine Dampierre devant une partie de « Paroles de Nègres », son installation auditive et visuelle

Redonner voix à celles réduites au silence

Les nouveaux regards explorés par le numérique, ce sont aussi ceux des oppressé·e·s et non des oppresseurs. Dans « Paroles de Nègres », Sylvaine a par exemple reproduit une des seules traces de paroles d’esclaves : un procès de 1842, lors duquel un maître fut accusé du meurtre de l’un de ses esclaves.

Entre des installations sonores en créole et des images actuelles de travailleur·euses guadeloupéen·nes, elle invite « engager le visiteur à se confronter à une archive avec une interprétation » et de « ramener du vivant, une expérience » plutôt qu’un rapport distancé avec les documents historiques.

L’artiste Gombo, devant le décor de son œuvre « Portrait Intime » avec son casque de réalité virtuelle, fait découvrir des personnages historiques afro-descendants

Des héritages contemporains

Les technologies immersives servent également à « réactualiser la mémoire » selon Gombo, artiste à l’origine de « Portrait Intime ». Avec 3 films d’animation sur des personnalités historiques noires oubliées, l’œuvre fait comprendre que la traite transatlantique a engendré des discriminations encore actuelles. « La prison est aussi intérieure », dit-il en parlant d’Ourika, personnage d’un de ses films, adoptée par une famille d’aristocrates. En enfilant un casque de réalité virtuelle, les visiteur·ices se retrouve plongé·e·s dans les pensées de cette jeune femme noire détestant son reflet dans le miroir.

L’idée est donc de faire une histoire des mentalités et non pas que des faits, avec le digital comme nouveau moyen de percevoir la complexité des mémoires individuelles et collectives. Musiques, danses, récits oubliés… L’exposition, gratuite, est ouverte jusqu’au 6 octobre pour découvrir la diversité culturelle et les évolutions de cet héritage.

Informations complémentaires

  • Du 19 septembre au 6 octobre à L’Atelier, 1 Rue Châteaubriand, 44000 Nantes
  • Entrée gratuite, visite guidée possible sur réservation
  • Détails de l’exposition

Volontaire en service civique cette année à Fragil, Enora est passionnée de littérature, d'histoire, de cinéma... Son objectif est de devenir journaliste culturelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017