2 octobre 2024

Médias et propagande d’extrême droite, l’atelier de décryptage des Autres Possibles

À l’occasion de la douzième édition des Géopolitiques de Nantes, l’association Les Autres Possibles organisait un atelier de décryptage sur les médias du groupe Bolloré et leur propagande au service de l’extrême droite. Grâce à des jeux interactifs, une douzaine de participant·e·s ont approfondi leur connaissance des dangers liés à la concentration des médias et de leur impact sur l’opinion publique.

Médias et propagande d’extrême droite, l’atelier de décryptage des Autres Possibles

02 Oct 2024

À l’occasion de la douzième édition des Géopolitiques de Nantes, l’association Les Autres Possibles organisait un atelier de décryptage sur les médias du groupe Bolloré et leur propagande au service de l’extrême droite. Grâce à des jeux interactifs, une douzaine de participant·e·s ont approfondi leur connaissance des dangers liés à la concentration des médias et de leur impact sur l’opinion publique.

Dans un contexte de concentration médiatique préoccupant, le groupe Bolloré se distingue par la diffusion massive d’idées conservatrices et réactionnaires. Lors des Géopolitiques de Nantes, au Lieu Unique, l’atelier des Autres Possibles a décrypté cette influence grandissante et ses impacts sur l’opinion publique. Face à la montée des idées d’extrême droite, comprendre ces mécanismes de manipulation est devenu essentiel.

Un atelier pour comprendre l’influence médiatique de Bolloré

Pour Aurélie, animatrice de l’atelier et journaliste aux Autres Possibles : « L’objectif de l’atelier est de décrypter la stratégie de Bolloré, son idéologie et la manière dont il influence l’opinion à travers ses médias. Il mène une  véritable croisade médiatique pour soutenir la droite et l’extrême droite. »

Vincent Bolloré, milliardaire français, est une figure centrale parmi les ultra-riches qui utilisent les médias pour propager des idées conservatrices. Il détient une trentaine de titres, dont CNews, Canal+, Europe 1, Paris-Match, qui ont progressivement dérivé vers la droite. En juin 2023, il rachetait le JDD et plaçait Geoffroy Lejeune, ancien directeur de Valeurs Actuelles (magazine d’extrême droite), à sa tête, provoquant 40 jours de grève et la démission de presque toute l’équipe.

Des jeux pour comprendre les enjeux

L’atelier, complet, a rassemblé une douzaine de participant·e·s de tous âges dans le salon de lecture du Lieu Unique. En attendant le début, certains en profitent pour feuilleter les ouvrages qui les entourent.

Le premier jeu a permis d’identifier des figures de ce petit monde politico-médiatique : Yannick Bolloré (président des groupes familiaux HAVAS et Vivendi, proche de Cyril Hanouna), Jordan Bardella (invité chez Hanouna avant les législatives), ou encore Aymeric Pourbaix (journaliste catholique ayant affirmé sur Cnews que « l’avortement est contraire à la mission de la femme »).

Un public investi dans le décryptage du deuxième jeu. 29/09/24, @ju_dcntz

Dans le deuxième jeu, le public a analysé des unes et extraits d’émissions des médias contrôlés par Bolloré, révélant la promotion de candidats d’extrême droite, des propos islamophobes et homophobes, ainsi que des sondages manipulés. Aurélie a rappelé la décision historique de l’ARCOM de ne pas renouveler la fréquence TNT de C8 en raison des nombreuses sanctions. Enfin, le bingo du complot a exposé les absurdités relayées par ces médias, telles que « le réchauffement climatique n’existe pas » (CNews) ou « des stars boivent du sang d’enfants pour avoir la jeunesse éternelle » (C8).

Un public inquiet mais informé

Judith, 13 ans, a découvert l’ampleur du phénomène : « Je savais que certaines chaînes étaient sanctionnées, mais pas à ce point. » Sa mère, Sophie, enseignante, a apprécié exposer sa fille à des idées extérieures : « On n’a pas de télé, mais c’est important qu’elle entende autre chose que mes propres idées de gauche. » Sophie, parfois dépassée par ses élèves, se dit inquiète pour les jeunes générations. Pour Camille, 33 ans : « On connaît déjà le pouvoir des réseaux, mais voir des journalistes formés pour propager ces idées d’extrême droite, c’est écœurant. ». Elle fait référence à l’ILDJ, un institut de journalisme aux liens étroits avec les milieux de droite radicale et les médias de Bolloré.

Judith, 13 ans, attentive aux explications. 29/09/24, @ju_dcntz

Une montée des idées conservatrices chez les jeunes

Le sixième rapport du Haut Conseil à l’Égalité, sorti en janvier 2024, alerte sur la progression des idées conservatrices chez les jeunes. Ainsi, « 54 % des femmes de 25-34 ans estiment qu’on attend d’elles d’avoir des enfants », tandis que « 70 % des hommes pensent qu’ils doivent subvenir financièrement aux besoins de leur famille pour être respectés ».

Aurélie Bacheley, intervenante et journaliste aux Autres Possibles. 29/09/24, @ju_dcntz

Cet atelier a mis en lumière un constat alarmant : la concentration médiatique, au service de l’extrême droite, menace notre démocratie. Face à des géants comme Bolloré, qui inondent les ondes de discours réactionnaires, la lutte pour la pluralité de l’information et la justice sociale reste un combat à poursuivre. Pour Jean-Pierre Mignard, avocat mandaté par la Société des journalistes du JDD : « Il faut qu’en France, on prenne acte de ce que l’argent public, via les aides qui sont distribuées aux journaux, ne peut pas être distribué inconsidérément sans constater qu’il y a un consensus. ».

 

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017