Dans un contexte de concentration médiatique préoccupant, le groupe Bolloré se distingue par la diffusion massive d’idées conservatrices et réactionnaires. Lors des Géopolitiques de Nantes, au Lieu Unique, l’atelier des Autres Possibles a décrypté cette influence grandissante et ses impacts sur l’opinion publique. Face à la montée des idées d’extrême droite, comprendre ces mécanismes de manipulation est devenu essentiel.
Un atelier pour comprendre l’influence médiatique de Bolloré
Pour Aurélie, animatrice de l’atelier et journaliste aux Autres Possibles : « L’objectif de l’atelier est de décrypter la stratégie de Bolloré, son idéologie et la manière dont il influence l’opinion à travers ses médias. Il mène une véritable croisade médiatique pour soutenir la droite et l’extrême droite. »
Vincent Bolloré, milliardaire français, est une figure centrale parmi les ultra-riches qui utilisent les médias pour propager des idées conservatrices. Il détient une trentaine de titres, dont CNews, Canal+, Europe 1, Paris-Match, qui ont progressivement dérivé vers la droite. En juin 2023, il rachetait le JDD et plaçait Geoffroy Lejeune, ancien directeur de Valeurs Actuelles (magazine d’extrême droite), à sa tête, provoquant 40 jours de grève et la démission de presque toute l’équipe.
Des jeux pour comprendre les enjeux
L’atelier, complet, a rassemblé une douzaine de participant·e·s de tous âges dans le salon de lecture du Lieu Unique. En attendant le début, certains en profitent pour feuilleter les ouvrages qui les entourent.
Le premier jeu a permis d’identifier des figures de ce petit monde politico-médiatique : Yannick Bolloré (président des groupes familiaux HAVAS et Vivendi, proche de Cyril Hanouna), Jordan Bardella (invité chez Hanouna avant les législatives), ou encore Aymeric Pourbaix (journaliste catholique ayant affirmé sur Cnews que « l’avortement est contraire à la mission de la femme »).
Dans le deuxième jeu, le public a analysé des unes et extraits d’émissions des médias contrôlés par Bolloré, révélant la promotion de candidats d’extrême droite, des propos islamophobes et homophobes, ainsi que des sondages manipulés. Aurélie a rappelé la décision historique de l’ARCOM de ne pas renouveler la fréquence TNT de C8 en raison des nombreuses sanctions. Enfin, le bingo du complot a exposé les absurdités relayées par ces médias, telles que « le réchauffement climatique n’existe pas » (CNews) ou « des stars boivent du sang d’enfants pour avoir la jeunesse éternelle » (C8).
Un public inquiet mais informé
Judith, 13 ans, a découvert l’ampleur du phénomène : « Je savais que certaines chaînes étaient sanctionnées, mais pas à ce point. » Sa mère, Sophie, enseignante, a apprécié exposer sa fille à des idées extérieures : « On n’a pas de télé, mais c’est important qu’elle entende autre chose que mes propres idées de gauche. » Sophie, parfois dépassée par ses élèves, se dit inquiète pour les jeunes générations. Pour Camille, 33 ans : « On connaît déjà le pouvoir des réseaux, mais voir des journalistes formés pour propager ces idées d’extrême droite, c’est écœurant. ». Elle fait référence à l’ILDJ, un institut de journalisme aux liens étroits avec les milieux de droite radicale et les médias de Bolloré.
Une montée des idées conservatrices chez les jeunes
Le sixième rapport du Haut Conseil à l’Égalité, sorti en janvier 2024, alerte sur la progression des idées conservatrices chez les jeunes. Ainsi, « 54 % des femmes de 25-34 ans estiment qu’on attend d’elles d’avoir des enfants », tandis que « 70 % des hommes pensent qu’ils doivent subvenir financièrement aux besoins de leur famille pour être respectés ».
Cet atelier a mis en lumière un constat alarmant : la concentration médiatique, au service de l’extrême droite, menace notre démocratie. Face à des géants comme Bolloré, qui inondent les ondes de discours réactionnaires, la lutte pour la pluralité de l’information et la justice sociale reste un combat à poursuivre. Pour Jean-Pierre Mignard, avocat mandaté par la Société des journalistes du JDD : « Il faut qu’en France, on prenne acte de ce que l’argent public, via les aides qui sont distribuées aux journaux, ne peut pas être distribué inconsidérément sans constater qu’il y a un consensus. ».