« Quand vous recevez la convocation pour cette journée, on peut craindre un truc un peu formel et ennuyeux, mais j’espère que ce n’est pas le cas, en tout cas j’ai le sentiment que ça se passe plutôt bien », confie Nicolas, en charge des volontaires en services civiques affilié·es à la Ligue de l’Enseignement dans le 44. Lors de la journée de rencontre du groupe, après une matinée d’échanges, la structure a profité du Festival des 3 Continents qui se tient du 15 au 23 novembre à Nantes pour emmener la quinzaine de volontaires visionner le film Bonne Mère de Hafsia Herzi puis assister à une conférence sur la représentation de l’immigration maghrébine au cinéma.
Aller au cinéma pour « ouvrir une fenêtre culturelle » chez les volontaires
Selon Nicolas, la ligne suivie par la fédération à laquelle ont adhéré les volontaires est assez claire : « c’est un mouvement d’éducation populaire, ça veut dire qu’on considère que les citoyens doivent pouvoir apprendre et s’enrichir tout au long de la vie sous diverses formes ». Ainsi, s’iels ont accueilli des services civiques, c’est parce qu’ils considèrent que l’engagement est justement « une forme d’enrichissement ».
Et si, à premier abord, le cinéma est peut-être une thématique éloignée de certaines missions, « proposer ce temps de découverte et de médiation du Festival des 3 Continents sur cette journée d’accueil des volontaires en service civique, ça permet d’ouvrir une fenêtre culturelle, ça fait partie de cet enrichissement lié à la Ligue de l’Enseignement », rappelle Nicolas. Le choix du film, l’histoire d’une mère de famille précaire à Marseille, n’est pas non plus anodin, explique-t-il en disant que « ça faisait plus sens de proposer ce film-là qui est plus proche de notre réalité, et avec des jeunes ».
« Un film, il peut plaire, il peut ne pas plaire… C’est aussi intéressant. »
Léa Leboucq, chargée médiation avec les publics au Festival des 3 Continents, a travaillé avec la Ligue de l’Enseignement en amont pour mettre en place ce temps. Elle a l’habitude d’accueillir ce genre d’échanges, notamment avec des scolaires : « Pour les services civiques, je vais surtout essayer de créer des conditions d’écoute et de circulation de la parole pour que chacun puisse exprimer son ressenti ». Mais il n’est pas toujours simple de convaincre un public auquel il a été imposé de venir, bien qu’ici cela rentre dans le cadre de l’engagement du service civique. Elle rajoute d’ailleurs que toute réaction au film qui est proposé est pertinente à exprimer : « Un film, il peut plaire, il peut ne pas plaire… C’est aussi intéressant. ».
Un public plus ou moins réceptif à la médiation culturelle
Entre réticence et impatience, les réactions sont d’ailleurs assez diverses au sein du groupe quelques minutes avant d’entrer en salle. « On se sentait un peu obligés, on met les pieds dans l’inconnu », confient par exemple Calvin et Taylor, respectivement volontaires au club de rink hockey de Saint-Sébastien et au club de football des Dervallières, soit des missions sportives plutôt écartés du cinéma. « Personnellement, je n’y serais pas allé de ma propre initiative, mais ça va peut-être nous permettre de découvrir d’autres choses », rajoute tout de même Taylor.
Pour Margot et Mylène, volontaires à Lire et faire lire et à Info Jeunes Rezé, cette proposition est au contraire plutôt une chance. « Moi, je ne vais jamais au cinéma, non pas parce que j’aime pas mais parce que c’est cher et loin de chez moi vu que j’habite en campagne », confie Mylène, tandis que Margot affirme que « de toute façon [elle se] serait inscrite même si ce n’était pas une contrainte ».
En revanche, après la séance, si le film Bonne Mère a visiblement plu aux volontaires qui s’empressent d’échanger dessus entre elleux, la conférence à l’espace Cosmopolis a cependant moins fait l’unanimité. Les propos d’Emna Mrabet, spécialiste du cinéma du Maghreb, n’étaient pas forcément accessibles à ce public, comme l’aurait pourtant souhaité le festival. Résultat : des bâillements de la part de Calvin et Taylor. « Je ne pense pas avoir quelque chose d’intéressant à apporter sur un échange cinématographique, c’est là où je ne me retrouve pas », avoue également Mylène. Ainsi, quand la maîtresse de conférence à Paris 8 demande s’iels ont vu les films dont elle parle ou s’iels ont des questions, les services civiques ont du mal à lever la main.
Mais, une fois sorti de la salle, le groupe semble tout de même tirer un bilan plutôt positif de cette journée. Les jeunes de 16 à 25 ans hochent d’ailleurs franchement la tête quand un intervenant leur demande : « Est-ce que ça vous a plu ? C’est écarté de votre mission mais c’est aussi lié ». Et c’est pour ce genre de réaction que le Festival des 3 Continents continue à faire de la médiation culturelle auprès de publics variés. Avec l’association La Cloche par exemple, qui propose de l’accompagnement aux précaires sur le plan social et culturel, il a été proposé d’assister à une séance du festival puis de partager un repas chaud ensuite.