« Je viens d’un pays imaginaire […] C’est un lieu suspendu entre deux rives de la Méditerranée, un refuge intime qui échappe au temps. » Ce 23 novembre, avant de se laisser transporter par la mélodie du piano, Sarah Ferrat à travers un texte conté nous a plongé dans son histoire imaginée qui reflète son appartenance aux cultures française et algérienne au Cercle Louis XVI à Nantes.
L’art de la double identité
Une France double identitaire, c’est ce qu’à voulu représenter Sarah Ferrat à travers l’évènement Pays imaginaire. Au programme : un concert de piano, une exposition de l’artiviste Yasmina Bee, des petites histoires contées par Tatiana Lorenzo d’un texte écrit par Sarah Ferrat rythmant le piano et un buffet de diverses spécialités algériennes et du monde oriental. De quoi stimuler les sens pour mieux s’immerger dans ce pays imaginaire grâce à l’imagination de ces trois franco-algériennes nantaises. « Studio Mektoub veut mettre en avant toutes les doubles identités » explique Sarah. Mais pour cette édition ce sont les cultures franco-algérienne qui priment car, elle-même est née en France et fille de deux Algérien·nes. Le concert de piano mélangeait en improvisation des musiques classiques et jazz issues de la formation initiale de la pianiste, aux mélodies orientales, rappelant les sonorités algériennes.
Le cercle Louis XVI : dégentrifier l’accès au prestige.
Lors des concerts des éditions précédentes, Sarah raconte qu’il y avait « des gens issus de cultures différentes, de toutes les ethnies, toutes les religions qui, autour du buffet proposé, discutaient entre eux. » Originaire du quartier de Bellevue, où l’association est également basée, l’objectif était de « ramener les gens des quartiers populaires dans les quartiers plus aisés du centre-ville et voir un mélange de classe sociale » ajoute t-elle. Pour cet événement, on pouvait également observer ce brassage social dans le Cercle Louis XVI, situé proche de la cathédrale Saint-Pierre, un lieu qui a longtemps été prisé par les grands érudits nantais depuis le 19e siècle. « On aurait très bien pu prendre une salle de quartier à Bellevue, mais il y avait aussi cette volonté de rendre les choses crédibles. Parce que tout le monde a le droit de sortir dans des lieux un peu prestigieux », précise Sarah, étant déjà familière des lieux, sachant que les deux précédentes éditions avaient pris place au Cercle. Cet ancien hôtel permettait de créer un environnement mêlant le style haussmannien et oriental grâce à l’exposition de Yasmina Bee. L’artiste, présente dans le salon pendant l’entracte du concert, suscitait beaucoup de curiosité de la part des spectateurs, qui venaient l’interroger sur son travail. Dans ses œuvres, on aperçoit des chaînes brisées, des couleurs pastel, du collage et un mot important qui résonne dans l’ensemble de son art : « حريه » (huriya) soit liberté en arabe.
Rendre le piano accessible
Longtemps perçu comme un instrument réservé aux classes sociales aisées, le piano s’est révélé accessible à tous lors de l’événement Pays Imaginaire. Sarah Ferrat souhaitait casser l’image élitiste associée à cet instrument en proposant des mélodies simples et reconnaissables, ouvertes à tous les publics. « Je n’y connais rien au piano, mais j’ai beaucoup apprécié. On a même reconnu de la musique algérienne ! » témoignent Sherazade et Wahiba, venues assister au concert au Cercle.
Quelques personnes présentes se sont reconnues dans les paroles contées, bien que la musique d’elle-même ne leur transmette pas directement de message. D’autres, comme Karima, se sont laissé·es emporter par les sons : « J’ai ressenti beaucoup de nostalgie. C’est la première fois que j’assiste à un concert de piano, et ça m’a touché. J’ai voyagé avec elle », confie-t-elle.
S’ouvrir aux autres
Certain·es participant·es ont assisté à l’événement par curiosité, sans lien particulier avec la culture algérienne, découvrant des sonorités nouvelles et des perspectives inconnues de leur point de vue. Avant le dernier morceau de piano, on pouvait entendre à travers la voix de Tatiana Lorenzo : « Je vous invite à explorer le pays imaginaire de chacun, de vos proches et de vos voisins. Écoutez leurs récits ». Ce qui reflète le témoignage d’Anne, venue accompagner une amie de la mère de la pianiste, qui nous partage son ressenti : « Tous les gens qui ne résonnent que par à priori, qui pensent que les autres sont toujours mauvais, pas éduqués devraient venir voir cet évènement. C’est une intégration réussie, on ne fait jamais de reportage dessus, sur ce qui est bien autour de ces cultures, et là c’est réussi. La musique réconcilie tout le monde, tout le monde est représenté. » L’événement semble toutefois attirer surtout des personnes déjà sensibles à ces thématiques, bien que sa réussite et son caractère inspirant soient indéniables.
Le studio annonce travailler autour du partage d’autres identités culturelles présentes à Nantes à travers de nouveau évènements. En attendant, des vidéos et photos du concert seront disponibles sur leur site web ainsi que d’autres éléments permettant de continuer à se plonger dans ce Pays Imaginaire.