27 novembre 2024

Pays de la Loire : la culture sacrifiée sur l’autel des économies régionales

Des coupes budgétaires massives annoncées par Christelle Morançais provoquent une vive opposition dans les Pays de la Loire, où la culture, le sport et l'égalité femmes-hommes sont particulièrement affecté·es.

Pays de la Loire : la culture sacrifiée sur l’autel des économies régionales

27 Nov 2024

Des coupes budgétaires massives annoncées par Christelle Morançais provoquent une vive opposition dans les Pays de la Loire, où la culture, le sport et l'égalité femmes-hommes sont particulièrement affecté·es.

Alors que le gouvernement de Michel Barnier demandait 40 millions d’économies à la Région, Christelle Morançais, présidente du conseil régional, a choisi d’aller bien plus loin, annonçant 100 millions d’euros d’économies. Cette annonce, faite via un post sur son compte X, a eu l’effet d’une bombe.

Les coupes budgétaires sont drastiques : la culture voit ses subventions réduites de 73 %, le sport de 75 %, et l’égalité femmes-hommes de 93 %. Certaines associations et initiatives risquent de perdre la quasi-totalité de leurs financements.

Une annulation perçue comme un « calcul politique »

Face à ces mesures, le monde culturel n’a pas tardé à réagir. Les syndicats CGT, CFDT, UNSA et FO ont appelé à un rassemblement devant l’Hôtel de Région le lundi 25 novembre, jour où Christelle Morançais devait rencontrer les maires de la région.

La présidente a annulé cette réunion, justifiant sa décision dans un post sur X :

Malgré l’annulation de la réunion, plus de 3 000 manifestant·es se sont rassemblé·es dès 8h30 pour dénoncer des décisions jugées « hâtives » et comme un « calcul politique » en vue de la présidentielle de 2027. Pour ses opposant·es, Christelle Morançais, membre du groupe Horizons d’Édouard Philippe depuis 2022, aurait des visées électorales.

Des répercussions sur la vie culturelle et sociale

Selon les acteur·rice·s de la culture, le spectacle vivant représente plus de 150 000 emplois dans les Pays de la Loire. Une coupe aussi importante aurait des conséquences dramatiques. Alice, Antoine et Pablo, trois musicien·nes, sont particulièrement inquiet·es. Antoine témoigne : « C’est important de se déplacer au vu de tous les dispositifs qui sont menacés. Je pense au dispositif CLAP, qui nous a permis de produire un album. ». Son ami Pablo complète: « La culture est une fondation de la société. En coupant les vivres aux artistes, c’est tout un pan de la France qui va se détruire. »

« Artiste en solde », iels craignent pour l’avenir de leurs métiers, mobilisation devant l’Hôtel de région le lundi 25 novembre. 25.11.24, @ju_dcntz

Les coupes ne toucheraient pas uniquement les professionnel·les, mais également le grand public. Parmi les manifestant·es, Andreï, un jeune homme d’une vingtaine d’années travaillant dans la restauration, partage ses craintes : « La culture, ça me permet de sortir la tête de l’eau, rencontrer des gens et vivre ma vie pas seulement par le prisme du travail. » Miriam, ancienne enseignante aujourd’hui retraitée, s’inquiète pour les élèves : « On a toujours besoin de ces subventions pour emmener les élèves au cinéma. Cela fait partie de leur éducation. »

Des appels à l’action

Sur les réseaux sociaux, des figures culturelles se mobilisent.  Catherine Blondeau, la directrice du Grand T, théâtre emblématique nantais qui perdra l’intégralité de sa subvention en 2026, a lancé une pétition intitulée « Pays de la Loire : mobilisation des artistes et professionnel·les de la culture contre les sévères coupes budgétaires envisagées par la Région ». La pétition a déjà réuni plus de 60 000 signatures, dont celles de personnalités comme la chanteuse Zaho de Sagazan, le directeur du Lieu Unique Eli Commins, ou la directrice des Beaux-Arts de Nantes, Rozenn Le Merrer.

Une Assemblée générale s’est tenue le mercredi 27 novembre à la Cité des Congrès, avec pour objectif de préparer la suite des actions. Le budget régional pour 2025 sera voté par les élu·es le 19 décembre prochain, laissant peu de temps aux opposant·es pour infléchir la décision.

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017