Au Cinéma Saint-Paul de Rezé, le jeudi 21 novembre, la soirée documentaire mensuelle s’est déroulée autour du film Les Vieux, un documentaire audacieux qui choisit de nommer frontalement ce qu’on préfère souvent euphémiser. Retour sur une soirée marquée par des échanges riches et des réflexions profondes sur la vieillesse, la société, et nos propres peurs.
Dès l’ouverture du débat, Thibault Rabain, sociologue intervenant, a souligné l’impact des mots. Pourquoi parle-t-on aisément des jeunes ou des bébés, mais évite-t-on de dire « les vieux » ? Cette hésitation reflète, selon lui, un malaise social profond face à la vieillesse, souvent associée à la maladie et au déclin. L’âgisme, cette discrimination insidieuse envers les personnes âgées, s’ancre dans une société obsédée par la performance et l’apparence. Cette réflexion a ouvert la voie à des discussions passionnantes
Vieillir dans une société utilitariste
Le documentaire et les échanges qui ont suivi ont mis en lumière une question centrale : faut-il réduire la valeur d’un individu à son utilité économique ? Alors que le vieillissement démographique transforme nos sociétés, « 30 % de la population aura plus de 60 ans en 2030, contre 10 % en 1950″ rappelle le sociologue, les personnes âgées peinent souvent à trouver une place valorisée en dehors des rôles liés à la productivité.
Certaines interventions dans la salle ont cependant rappelé les contributions invisibles mais essentielles des aîné·es : transmission intergénérationnelle, garde des petits-enfants, engagement local. Pourquoi notre société tend-elle à sous-évaluer ce qui ne peut être mesuré économiquement ? Le statut de retraité, longtemps perçu comme une pause bien méritée après une vie de labeur, s’accompagne parfois de solitude et de doutes. Pourtant, pour plusieurs intervenants, la retraite est avant tout une conquête sociale, une « seconde vie » à investir.
L’un des témoignages les plus marquants de la soirée est celui d’une cofondatrice d’une association de cohabitation intergénérationnelle : « Partager son temps, c’est vieillir en restant vivant.« . Une autre participante a évoqué son quotidien actif et joyeux : « J’ai 70 ans et je suis dans le bel âge, grâce à un certain pouvoir d’achat, parce qu’il faut être honnête, je vais au cinéma, je mange au restaurant avec mes amis et j’ai même un amoureux… Vieillir, c’est aussi profiter. » Au fil des échanges, une idée forte a émergé : il faut repenser collectivement la place des personnes âgées. Cela passe par des solutions concrètes, comme favoriser la cohabitation intergénérationnelle ou mieux soutenir les « vieillesses usées« . Mais cela implique aussi de changer notre regard : vieillir, c’est transmettre, mais aussi continuer à apprendre, à aimer, à s’épanouir.
La soirée s’est terminée sur des mots inspirants d’un intervenant citant Paul Ricoeur : « Essayer de vivre bien dans des institutions justes. » Un défi de taille pour nos sociétés modernes, mais qui, à en juger par l’énergie et la profondeur des échanges, semble à la portée d’une génération déterminée à réinventer la vieillesse.