14 janvier 2025

Coupes budgétaires : Pick Up paie le prix fort

Face aux coupes budgétaires régionales, Pick Up Production suspend Buzz Booster en 2025, marquant un coup dur pour les musiques urbaines et la scène culturelle locale

Coupes budgétaires : Pick Up paie le prix fort

14 Jan 2025

Face aux coupes budgétaires régionales, Pick Up Production suspend Buzz Booster en 2025, marquant un coup dur pour les musiques urbaines et la scène culturelle locale

L’adoption des coupes budgétaires par le Conseil régional, largement dénoncée par les différent·es acteur·rices culturel·les, fait ses premières victimes. Le dispositif Buzz Booter en fait parti, aucune inscription pour les auditions  Pays de la Loire ne sera possible cette année.

Entretien avec Nico Reverdito, directeur de Pick Up Production, association culturelle nantaise, et président du Pôle régional de musique.


Nico Reverdito, directeur de Pick Up Production et président du Pôle régional de musique.

Buzz Booster : un arrêt forcé pour 2025

Copiloté par Pick Up Production et Trempo, les deux structures ont dû prendre la décision difficile d’annuler les auditions de 2025, privant le dispositif de repérage de talents émergents en musiques urbaines d’un·e lauréat·e dans l’une de ses régions fondatrices. Interviewé il y a une semaine par Fragil, Nico Reverdito confie : « On a été prévenus il y a quinze jours qu’on n’aurait pas les subventions qui étaient allouées à ce dispositif et donc, pour ne pas mettre en péril notre structure, on met en pause le Buzz Booster des Pays de la Loire en 2025. »

L’adoption des coupes budgétaires intervient en pleine décision d’une date pour la finale régionale, empêchant les structures de disposer d’un temps suffisant pour s’organiser autrement. Le directeur de Pick Up Production regrette que ces décisions n’aient pas été prises « avec du temps, de la concertation et de l’anticipation pour trouver collectivement des réponses ».

Némir, gagnant de la première édition, rappelait sur les réseaux l’importance du dispositif pour son parcours : « Quand on est dans sa petite ville en province, c’est difficile de se challenger […]. Buzz Booster, ça nous met dans le challenge du parcours artistique et, jusqu’à aujourd’hui, ça me sert encore. ». Au-delà d’un accompagnement complet offert à chaque lauréat·e régional·e, le ou la finaliste gagne une tournée nationale ainsi qu’une bourse de 15 000 €.

Linf, lauréat Pays de la Loire 2024; @jeremyjehanin


Des conséquences étendues

Pour Pick Up Production, c’est tout le modèle économique global qui subit les conséquences des coupes : « Les subventions permettent de mettre en place des événements à destination d’un public qui n’a pas les moyens et de mettre en avant des artistes émergents », explique Nico Reverdito. Fondateur du festival Hip Opsession, la structure voit également cet événement remis en question. Cette année, le festival devra réduire son envergure et supprimer des événements gratuits. « Ça voudra dire moins d’embauches : d’artistes, de techniciens. Les coupes auront un impact, que ce soit sur les salaires permanents ou ponctuels. »

Jury Buzz Booster Pays de la Loire 2024. @jeremyjehanin

Également président du Pôle régional de musique, il travaillait depuis plus d’un an sur un projet de financement trisannuel des musiques actuelles avec la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles, service public du ministère de la Culture, ndlr) et la région. Quelques jours avant la signature de la convention finale, iels ont appris que « en 2025, il n’y aura que 50 % du montant et, en 2026, il n’y aura plus rien ».


Un avenir à réinventer

Malgré ce contexte difficile, Nico Reverdito reste déterminé. « Il faut digérer tout ça et se remettre au travail pour se réinventer. Nous devons continuer à proposer des moments de culture, de rencontre et d’échange dans les meilleures conditions possibles. C’est en collaborant et en mutualisant nos efforts que nous serons plus forts », conclut-il.

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017