29 janvier 2025

Délais, fermetures, errance : le cri d’alarme des soignant.es à Nantes

À Nantes, professionnel·les et citoyen·nes alertent sur l’effondrement de la psychiatrie publique : fermetures de lits, urgences saturées et délais d’attente interminables mettent en danger les patient·es les plus vulnérables.

Délais, fermetures, errance : le cri d’alarme des soignant.es à Nantes

29 Jan 2025

À Nantes, professionnel·les et citoyen·nes alertent sur l’effondrement de la psychiatrie publique : fermetures de lits, urgences saturées et délais d’attente interminables mettent en danger les patient·es les plus vulnérables.

Face à une dégradation continue de l’offre de soins en psychiatrie, les syndicats CGT CHU et Sud CHU appelaient à dénoncer « la mort programmée de la psychiatrie publique ». Professionnel·les de santé et citoyen·nes se sont rassemblé·es mardi 28 janvier à l’heure du déjeuner place Royale, pour alerter sur la situation critique des services psychiatriques, tant pour les adultes que pour les enfants.

Deux soignantes lors de la mobilisation contre « la mort programmée de la psychiatrie publique », 28.01.25, @ju_dcntz

Une mobilisation à la fois professionnelle et citoyenne

Pauline N., travailleuse sociale, et Alban W., éducateur spécialisé, participaient au rassemblement pour alerter sur les conséquences directes des fermetures de lits sur leur dispositif, Un chez soi d’abord, qui accompagne des personnes durablement sans abri et souffrant de troubles psychiques sévères. « Quand une personne décompense et qu’elle ne peut pas accéder à une hospitalisation rapidement, c’est une atteinte à son bien-être, ça participe à une errance médicale […] les urgences sont embolisées, les parcours de soin se délient, et on fait  face à des personnes qui vont très mal », expliquent-ils.

Deux syndiqués CGT CHU pour la mobilisation contre « la mort programmé de la psychiatrie publique », 28.01.25, @ju_dcntz

Au-delà de leur mission professionnelle, Pauline et Alban insistent : « en tant que professionnel et en tant que citoyen ça nous mobilise ». C’est également ce qui a motivé Alain Gripoix, retraité venu soutenir les syndicats : « ma famille, mes amis, tout le monde peut être concerné. Moi, je vais bien, alors autant mettre mon énergie au service de ceux qui se battent pour protéger ce secteur. ».

Des soins en suspens

Antoinette Durand, infirmière et secrétaire du syndicat SUD, dénonce une situation alarmante : « Actuellement, pour obtenir un rendez-vous de psychothérapie, il faut attendre six mois. C’est beaucoup trop long pour des personnes déjà en grande détresse. » Elle décrit également les difficultés à accéder à des consultations psychiatriques, essentielles pour mettre en place des traitements adaptés : « Même le secteur libéral est saturé. Les délais d’attente ne sont pas raisonnables, et cela impacte directement la santé mentale des patients. »

Aux urgences psychiatriques, la tension est palpable. Marina S., infirmière à Saint-Nazaire, témoigne : « On garde des patients en box pendant trois ou quatre jours, faute de places disponibles en hospitalisation. Pendant ce temps, d’autres patients continuent d’affluer. Il faut gérer la violence, il faut gérer la frustration, c’est compliqué ». Leur unité de pédopsychiatrie, SHado, qui permettait de soulager les effectifs de Nantes a fermé ses portes en 2023, faute d’un nombre suffisant de psychiatres. L’état du secteur dédié aux plus jeunes est catastrophique. Avec seulement quatorze lits pour enfants et adolescent·es dans le département, les professionnel·les sont contraint·es de « renvoyer des jeunes en grande détresse dans des situations précaires« . Faute de place, 82 enfants ont du être hospitalisés en 2020 à Saint-Jacques avec des adultes, en 2024, ce chiffre est passé à 159.

 

Antoinette Durand, infirmière et secrétaire du syndicat SUD, à la mobilisation contre « la mort programmée de la psychiatrie publique », 28.01.25, @ju_dcntz

 

Entre des délais d’attente interminables – jusqu’à six mois pour une simple consultation – et des urgences saturées, chaque étape du parcours de soin devient un combat. À Nantes comme ailleurs, les acteur·rices de la psychiatrie appellent à une prise de conscience collective pour éviter un effondrement total du système. L’état a fait de la santé mentale la Grande cause nationale de 2025, faible lueur d’espoir pour les soignant·es qui espèrent « davantage de moyens, davantage de personnel, et surtout davantage d’humanité« .

 

 

 

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017