5 février 2025

Cinéma palestinien : une résistance par l’image

Maryvonne Harouet, militante au sein de l'Association France Palestine Solidarité, revient sur l’importance du cinéma palestinien, à la fois outil de mémoire et de résistance, à travers le film A House in Jerusalem.

Cinéma palestinien : une résistance par l’image

05 Fév 2025

Maryvonne Harouet, militante au sein de l'Association France Palestine Solidarité, revient sur l’importance du cinéma palestinien, à la fois outil de mémoire et de résistance, à travers le film A House in Jerusalem.

Mardi 4 janvier avait lieu la projection du film A House in Jerusalem au cinéma le Concorde. Fragil a rencontré Maryvonne Harouet, membre de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et coordinatrice de la commission cinéma pour la 8ème édition de la Semaine du film Palestinien. Elle revient sur l’importance du cinéma dans la transmission de la mémoire et la sensibilisation du public.

Un film entre réalisme et fantastique

« Nous avons choisi ce film car il est particulier par rapport à d’autres : à la fois réaliste et fantastique. » explique Maryvonne Harouet. A House in Jerusalem raconte l’histoire de Rebecca, une petite fille juive britannique qui s’installe avec son père dans une maison à Jérusalem après le décès de sa mère. Là, elle rencontre le fantôme de Rasha, une petite Palestinienne qui y a vécu autrefois. Le film met en lumière la Nakba à travers le dialogue entre les deux enfants. Ce récit résonne avec l’histoire personnelle du réalisateur, Muayad Alayan, dont les grands-parents ont été chassés de Jérusalem-Ouest pour s’installer à Jérusalem-Est.

L’image, un outil de transmission

Pour Maryvonne Harouet, le cinéma joue un rôle fondamental dans la transmission de l’histoire palestinienne. « Les Palestiniens le disent eux-mêmes : l’image est essentielle. Les récits peuvent être contestés, déformés, mais l’image, elle, ne peut pas l’être. »

Elle souligne combien la Nakba ( la catastrophe en arabe, correspond à l’exode forcé des Palestiniens à la création de l’état d’Israël en 1948, ndlr) a été effacée des discours officiels, notamment en France. « On découvre cette année que beaucoup de gens ne connaissent pas la Nakba. Certains pensent que tout commence le 7 octobre. […] On a eu des jeunes qui nous disent : « On n’en a jamais entendu parler à l’école. » C’est pourtant essentiel pour comprendre la situation actuelle. »

Maryvonne Harouet de l’AFPS44 présente le film « A house in Jerusalem », @ju_dcntz

 

Sensibiliser au-delà des cercles militants

Les projections de films palestiniens attirent souvent un public déjà sensibilisé, mais aussi des personnes en quête de compréhension. « Les questions tournent beaucoup autour de l’actualité. Les gens ne comprennent pas le silence des médias face à ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie. » Si l’AFPS organise d’autres actions, le cinéma permet de toucher un public différent, parfois absent des manifestations. « On veut aussi faire connaître la création cinématographique palestinienne et donner de la visibilité aux nombreuses réalisatrices qui s’expriment peu. ». 

Un père et son fils lors d’une manifestation organisée par l’AFPS44 en mai 2024, @ju_dcntz

Malgré les difficultés, Maryvonne Harouet revient sur la détermination du peuple palestinien en invoquant la phrase d’un de leur poète, Mahmoud Darwich : « Ils ont une maladie grave : celle de l’espoir. » (tiré de la citation : « Nous souffrons d’une maladie incurable : l’espoir. », ndlr). Un espoir qu’elle juge essentiel à entretenir, en continuant à porter leur voix et à partager leurs histoires, notamment par le biais du cinéma. Plusieurs films sont encore à découvrir jusqu’à dimanche, où Gaza Stories sera diffusé au cinéma Saint Paul, en présence de son réalisateur Iyad Allastar, et viendra clôturer le festival.

 

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017