• Espace Agnès Varda ©Patrick Garcon
18 février 2025

L’espace Agnès Varda : un lieu accueillant qui « n’a plus besoin de prouver ».

Porté par la Ville de Nantes depuis 2020, l’espace solidaire Agnès Varda répond aux besoins des personnes en situation de précarité. Dans un contexte budgétaire tendu, à un an des élections, le responsable des lieux décrit le travail quotidien des équipes sur place.

L’espace Agnès Varda : un lieu accueillant qui « n’a plus besoin de prouver ».

18 Fév 2025

Porté par la Ville de Nantes depuis 2020, l’espace solidaire Agnès Varda répond aux besoins des personnes en situation de précarité. Dans un contexte budgétaire tendu, à un an des élections, le responsable des lieux décrit le travail quotidien des équipes sur place.

Au cœur du quartier République, les 33 agents municipaux de l’espace Agnès Varda accueillent en journée les personnes en situation de précarité. En 2024 ce sont près de 21 500 douches prises et 12 500 déjeuners servis au restaurant social. Nous sommes accueilli·es par Charlotte Roussel, attachée de presse pour Nantes Métropole et par Aurélien Ménard, responsable des établissements d’urgence sociale pour le CCAS Ville de Nantes.

« L’adaptation c’est le maître-mot de l’urgence sociale de manière générale »

En ce lundi midi, le bâtiment est animé. Sillonnant entre les pièces, Aurélien Ménard ne manque pas de saluer nominativement les habitué·es qu’il croise. Douches, laverie, salon de bien être, infirmerie…divers espaces sont dédiés aux usagers et usagères. Ici, des programmes adaptés aux besoins de chacun·es sont élaborés par les équipes. Le responsable nous explique comment iels se sont adapté·es afin d’accueillir les ouvriers mobilisés pour la rénovation des douches. « L’adaptation c’est le maître-mot de l’urgence sociale de manière générale » ajoute le spécialiste fort de 18 ans d’expérience dans le domaine.

« On peut pas bosser en électron libre ici, ça marche pas. »

Aurélien Ménard nous explique que la réussite du lieu est avant tout une affaire de collectif et de communication entre chacun·es des membres du personnel : « On peut pas bosser en électron libre ici, ça marche pas. ». Le gérant n’a pas souhaité apparaître en photo dans l’article : « Je suis un maillon de la chaîne […] je n’ai pas envie d’être mis en avant par rapport au travail de mes collègues ici » explique-t-il humblement.

Un service public en souffrance

« Les gens de la rue, les errances ça amène plein de mal-être, plein de problématique de santé mentale non traitées. […] Là vous allez voir des gens qui pour la plupart ont dormi dehors hier soir donc vu les températures, je vois pas comment ils peuvent se sentir bien ».

Le responsable estime que le modèle actuel n’est plus viable, le délai de consultation d’un psychiatre s’étend à un an et bien que les agents disposent de compétences pour gérer les problématiques de santé mentale, iels ne peuvent se substituer aux hôpitaux psychiatriques, eux-mêmes en souffrance. L’expert de l’urgence sociale nous explique que certains jours sont plus compliqués que d’autres : « Les gens de la rue, les errances ça amène plein de mal-être, plein de problématique de santé mentale non traitées. […] Là vous allez voir des gens qui pour la plupart ont dormi dehors hier soir donc vu les températures je vois pas comment ils peuvent se sentir bien ».

La Ville de Nantes engagée sur la question de la mise à l’abri

« Quoi qu’il se passe, on n’a plus besoin de prouver pourquoi on a ouvert, ça répond à des besoins. »

Aurélien Ménard précise que la question de la mise à l’abri est une compétence de l’État et non de la ville, pourtant, la Ville de Nantes a souhaité apporter une réponse sur ce sujet. En dépit d’un contexte budgétaire tendu, le gestionnaire se sent entendu et témoigne d’un véritable engagement de la collectivité pour maintenir en fonctionnement un lieu comme l’espace Agnès Varda : « C’est dans un an les élections. Quoi qu’il se passe, on n’a plus besoin de prouver pourquoi on a ouvert, ça répond à des besoins. »

L’espace Agnès Varda essaie de proposer une offre la plus conséquente possible notamment des services sans conditions, en complément du restaurant social pour lequel il est nécessaire de posséder une carte délivrée par le CCAS. Des téléphones et ordinateurs sont à disposition ainsi qu’une tisanerie en libre-service toute la journée. 40 à 50 litres de café sont distribués tous les jours. Du lundi au vendredi, un petit déjeuner est également proposé inconditionnellement : « On sert entre 100 et 130 personnes par heure, et c’est en hausse, +40% entre 2023 et 2024 » précise la Ville de Nantes. Ces initiatives visent à recharger les batteries des usagers et usagères afin qu’iels puissent mieux affronter leurs difficultés de retour à l’extérieur.

Une attention portée à l’accueil des femmes

« On essaie d’être très vigilants, on peut voir de très jeunes femmes venir dont on peut percevoir la vulnérabilité, pas que physiquement mais psychiquement surtout. »

Les femmes représentent entre 10 et 15% des utilisateur·ices du lieu, informe le responsable. À son arrivée, chaque femme est reçue par une travailleuse sociale qui va identifier ses besoins. Avec la direction Égalité de la Ville, l’équipe a modifié le règlement intérieur afin de rendre le lieu le plus « safe » possible. L’espace Agnès Varda est par ailleurs distributeur universel de protections périodique, ainsi, chaque citoyenne peut en bénéficier. « On essaie d’être très vigilants, on peut voir de très jeunes femmes venir dont on peut percevoir la vulnérabilité, pas que physiquement mais psychiquement surtout » confie Aurélien Ménard.

Des associations en recherche active de bénévoles

« Il y a plusieurs façons d’intervenir. La première c’est de se tourner vers le monde associatif qui est très présent à Nantes et qui recherche. »

Pour le moment, le modèle de l’espace Agnès Varda n’est pas en mesure d’assurer une coordination de bénévoles. Sollicité par des personnes souhaitant donner de leur temps, Aurélien Ménard les encourage plutôt à s’engager auprès des structures associatives qui sont en recherche constante : « Il y a plusieurs façons d’intervenir. La première c’est de se tourner vers le monde associatif qui est très présent à Nantes et qui recherche. […] Même quand on a une demi-journée, on peut donner du temps ».

Liens utiles

(photographie par Patrick Garçon, Nantes Métropole)

Cela fait bientôt 4 ans que Savannah réside à Nantes, capitale culturelle du grand Ouest. C’est d’ailleurs cette réputation qui a incité Savannah à investir ce qu'elle nomme “la grande ville”.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017