23 décembre 2016

Est-ce que tu Baez ?

Le concept est rodé, c’est pourtant pas compliqué : rentrer, jouer du Joan Baez, sortir. Mais pour la Folk Journée #4, une jeune Néozélandaise avait envie de le faire à sa sauce en y ajoutant un peu de Connie Converse, de Karen Dalton et un peu d’elle aussi, Aldous Harding. Et autant que les reprises de Dylan par The Patriotic Sunday qui lui ont succédé, ça valait le détour.

Est-ce que tu Baez ?

23 Déc 2016

Le concept est rodé, c’est pourtant pas compliqué : rentrer, jouer du Joan Baez, sortir. Mais pour la Folk Journée #4, une jeune Néozélandaise avait envie de le faire à sa sauce en y ajoutant un peu de Connie Converse, de Karen Dalton et un peu d’elle aussi, Aldous Harding. Et autant que les reprises de Dylan par The Patriotic Sunday qui lui ont succédé, ça valait le détour.

Tous les songwriters ne sont pas morts. L’an dernier, la Folk Journée réunissait en grande pompe des grands noms pour une soirée de reprises post-mortem classieuse : le regretté Elliott Smith par Jason Lytle de Grandaddy (entre autres), le futur regretté Leonard Cohen par Nona Marie Invie de Dark Dark Dark (et sa chorale) et le bêtement méconnu Jackson C. Frank par Adrian Crowley. Cette année, c’est pour reprendre les bien vivants Joan Baez et Bob Dylan que la folkeuse néozélandaise Aldous Harding et les locaux de The Patriotic Sunday sont invités au lieu unique, avec en cadeau de dernière minute l’ajout à la programmation de l’écriture folk pointue de Marc Morvan. Joie de courte durée puisqu’en arrivant sur place et en le voyant ranger ses câbles, on comprend que le musicien en a été réduit à jouer Harry Nilsson, Beck… et son splendide personnel Offshore Pirate devant le public peu attentif et bruyant du bar, avant l’heure de début de la Folk Journée. Passée cette petite déception, direction les gradins pour s’asseoir pas trop loin de la scène en attendant la venue de la fabuleuse compositrice au nom mystique.

 

[aesop_image force_fullwidth= »off » lightbox= »off » captionposition= »left » credit= »Caroline Chaffiraud » align= »center » imgwidth= »1024px » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2016/12/folk-journee_aldousharding.jpg »]

 

« Je ne suis qu’une fille du port »

Les gradins sont remplis d’amateurs folk de tous âges (comprenez entre 25 et 70 ans) qui découvrent la grande dame de 26 ans. Après quelques notes, on comprend qu’il y aura du Joan Baez, mais pas que. Durant 45 minutes, c’est donc « la reine du folk » mais aussi les plus confidentielles Karen Dalton ou Connie Converse qui se succèdent derrière les arpèges et dans la voix pénétrante de leur successeuse la plus fidèle, qui confesse entre deux chansons « être terrorisée » devant une si grande audience. Seule avec sa guitare classique sur les genoux ou debout accompagnée au piano quand les chants scandés et la rage contenue grandissent au fil des chansons (comme sur Horizon, hommage à toutes les « crazy women » et à PJ Harvey), celle qui a « beaucoup écouté Nick Drake dans sa jeunesse » délivre un exemple de pudeur musicale et de justesse. La fille du petit port de Lyttelton parsème sa prestation de ses propres compositions, cherche le public d’un regard perturbant, fait durer les boucles à la guitare et friser son micro de ses chœurs, torture délicatement sa voix, va chercher dans le grave quand on ne l’attendait plus et instaure une ambiance de douce folie avant de s’en aller sur un tout dernier guitare/voix et sous les acclamations du public.

 

Et les tâches s’évanouissent

Un auditoire pourtant pas tout à fait unanime au moment de chercher en vain le merch pour acheter son premier album et d’intercepter la conversation entre un spectateur d’un certain âge et un membre de l’équipe du lieu unique. Pour lui, il y a eu « publicité mensongère » puisque la jeune chanteuse n’a pas rempli son devoir de reprise de Joan Baez, qu’elle a remplacé par un « sentimentalisme de gamine » (comme quoi les appréciations peuvent diamétralement s’opposer selon les spectateurs). Après avoir demandé à voir le responsable, cet amoureux de folk aura été probablement consolé par la deuxième partie de la soirée consacrée au projet Dylan Revisited de The Patriotic Sunday.

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The Patriotic Sunday’s 115th dream

D’entrée, la tête pensante du groupe (et de Papier Tigre) Éric Pasquereau l’assure avec humour : « On ne fera que du Dylan ». Oui, mais du Dylan de l’époque de la trilogie électrique en reprenant les trois disques Bringing It All Back Home, Highway 61 Revisited et Blonde on Blonde. Sur scène, aucune fausse note et une classe à toute épreuve. Autour d’un gros travail de réinterprétation des chansons, le quintet se joue des longueurs des textes et des répétitions de rythmes propres au songwriter pour façonner des pièces musicales en escalade. Et si Éric Pasquereau concède comme Aldous Harding avoir été très stressé les jours précédents le concert (stress prenant la forme de rêves étranges impliquant un duvet duquel il ne peut pas sortir, un pantalon dans lequel il ne peut pas rentrer et un magazine Télépoche), le chanteur a parfaitement rendu hommage à la voix, au phrasé de Dylan et a son jeu de guitare, Stratocaster jaune en mains. Ponctués d’effets et véritablement revisités, quelques morceaux moins connus de la discographie de Dylan ont pris une nouvelle dimension, à l’image de Masters of war et sa montée en puissance jusqu’à l’explosion. Et après un premier faux départ, les cinq musiciens concluent la soirée par un classique « que les gens de ma génération on découvert malheureusement avec les Guns’n’Roses » : Knockin’ on Heaven’s Door. Une invitation en douceur à prendre la porte de la sortie.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017