« Quel est l’intérêt d’un employé malheureux ? » Question naïve posée par un de mes amis canadiens il y a quelques années, et qui me semble encore souvent d’actualité en France. « Talent Manager », autrement dit « recruteur de talents » dans une entreprise fabriquant des portes et des fenêtres, c’est le poste de cet ami qui me faisait part d’un mot d’ordre aux ressource humaines de son entreprise : motiver les employés. Un employé heureux=un employé qui travaille mieux, CQFD, tout le monde est gagnant. Une équation qui échappe souvent ; trop simpliste, trop candide. Plus d’un siècle de tradition de lutte des classes derrière lui, le système français semble se gargariser de rapports de force où la hiérarchie dominante écrase.
J’entends déjà râler. Oui, le système canadien est loin d’être parfait. Là où il facilite l’ascension rapide, la montée en compétences et l’embauche, il facilite, de l’autre côté du spectre, le licenciement. C’est un fait, en plus des avantages sociaux moindres. Mais c’est aussi un marché du travail plus fluide, qui ne sacralise plus forcément le contrat à durée indéterminée à l’heure des revirements de trajectoire – voir les portraits de bars publiés cette semaine et qui mettent souvent en lumière des reconversions de milieu de carrière, des rêves qui se réalisent après une première vie dans l’éducation, la téléphonie ou le journalisme. C’est un monde dans lequel les employés crient « Yay! » à chaque début de réunion, s’applaudissent et se félicitent. Version solo : « je me tape sur l’épaule tout seul » ou version collective « on se tape sur l’épaule mutuellement ». Un monde de Bisounours vu d’ici, où chaque difficulté représente un défi plutôt qu’un obstacle.
Alors, je formule un vœu pour Noël : celui que l’épanouissement de chaque employé soit celui de chaque employeur.
Sandrine Lesage – Décembre 2016