Le premier plan est saisissant : on entre au ralenti, par un long traveling avant, dans l’enceinte de l’hôpital. Les couloirs sont vides. Les portes sont closes. L’effet est immédiat : comme le patient, on sent le poids de l’enfermement, l’errance et la solitude en moins de deux minutes. Raymond Depardon a ce don de restituer la réalité d’une manière sobre et élégante : on entrevoit subrepticement un lit avec des liens à travers l’entrebâillement d’une porte, on entend des cris mais on ne voit rien. Depardon ne théâtralise pas l’institution psychiatrique. Il fait le choix de s’arrêter devant certaines portes et d’en pousser d’autres comme celle de la « salle d’audience ». Une première en France.
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Une procédure récente et jamais filmée jusque-là
Dans 12 jours, Depardon s’attache aux patients qui ont été hospitalisés sans leur consentement, à la demande de leurs proches, pour éviter toute mise en danger d’autrui et, souvent, d’eux-mêmes. Le titre fait référence à une loi de 2013 qui oblige les psychiatres à soumettre au juge des libertés, dans un délai de douze jours, le dossier contenant l’ensemble du programme de soins. « On sent parfois les avocats et les juges désarçonnés. On en est encore aux prémices de cette procédure. Les magistrats ont du se former rapidement ce qui les rend parfois maladroits ou paternalistes face aux patients. »
Le film en devient un outil pédagogique qui sera prochainement diffusé au Sénat, à l’Assemblée Nationale ainsi que dans diverses écoles de droit et barreaux de France. Il sera également projeté dans des instituts psychiatriques ainsi qu’aux patients filmés dès la semaine prochaine.
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« Je me suis efforcé de bien filmer les oubliés »
Dans la salle d’audience, qui n’est en fait qu’un simple bureau, trois caméras : une qui filme le patient, l’autre le magistrat et une troisième pour un plan général. Cette réalisation sobre et objective se veut au plus proche de la réalité et montre, sans aucun parti pris, la souffrance des patients. « Je ne suis pas là pour juger ou prendre parti. Le cinéma pour moi doit réveiller, interroger. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas engagé ! » Sur 72 patients qui se sont laissés filmer, Raymond Depardon en a choisi 10 qui, selon lui, représentent une certaine vérité. Dans ces face-à-face, il ne s’agit surtout pas de les ridiculiser, ou d’être complaisant. « Les patients sont dignes, on ne les ramène pas devant le juge dans leur pyjama. Ils ont pu s’entretenir avec leur avocat avant l’audience et sont conscients de leur sort. » On peut difficilement rester indifférents à ces femmes et hommes qui aimeraient « juste » sortir, travailler, retrouver leur enfant ou leur maman. La sincérité de leur parole nous touche et certains témoignages nous font même sourire ! Des moments plus légers qui nous permettent de digérer certains propos. Comme ces instants de calme que nous offre Depardon entre deux audiences, quand il pose sa caméra dans la cour de l’hôpital, dans le parc ou dans le brouillard : des plans fixes et poétiques qui sont autant de temps suspendus sublimés par la musique originale d’Alexandre Desplat.
[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2017/10/Affiche-12jours.jpg » credit= »Claudine Nougaret » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]
12 jours, documentaire de Raymond Depardon (France, 1h27), présenté en sélection officielle, hors compétition. Sortie en salles le 29 novembre 2017.
(Photo de Raymond Depardon ©Jean-Gabriel Aubert)