15 février 2018

La conquête des libertés

Dans le cadre du lancement de la saison des droits humains, le Théâtre Graslin de Nantes a accueilli le mardi 6 février 2018, le conseiller spécial du secrétaire Général des Nations Unies pour la Prévention du Génocide, M. Adama Dieng. Dirigé par M. Emmanuel Decaux, directeur du Centre de recherche sur les droits de l’Homme et le droit humanitaire de l’Université de Paris II et introduit par Madame Johanna Rolland, actuelle maire de Nantes, l’entretien portait sur la conquête des libertés.

La conquête des libertés

15 Fév 2018

Dans le cadre du lancement de la saison des droits humains, le Théâtre Graslin de Nantes a accueilli le mardi 6 février 2018, le conseiller spécial du secrétaire Général des Nations Unies pour la Prévention du Génocide, M. Adama Dieng. Dirigé par M. Emmanuel Decaux, directeur du Centre de recherche sur les droits de l’Homme et le droit humanitaire de l’Université de Paris II et introduit par Madame Johanna Rolland, actuelle maire de Nantes, l’entretien portait sur la conquête des libertés.

2018, une date-anniversaire importante pour les droits de l’Homme. En effet, cette année nous fêtons en France les 170 ans de l’abolition de l’esclavage et les 70 ans de la signature de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen !

« Priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à contester leur humanité même »
Nelson Mandela, militant sud-africain des droits civiques

Lors de la soirée, les droits humains ont fait l’objet d’un réel questionnement. Et pour cause ! De nos jours, les droits fondamentaux de l’homme sont constamment remis en cause sur le continent européen, que ce soit concernant la place des femmes dans la société ou bien encore le racisme envers les migrants.
Mais que signifie exactement ce terme dont nous avons tous déjà entendu parler au moins une fois : « le droit fondamental » ?
Les libertés fondamentales (ou droits fondamentaux) peuvent être définis comme l’ensemble des droits accordés à chaque individu dans un état de droit et une démocratie. Les droits fondamentaux sont constitués, au sens large, des droits de l’homme et du citoyen et des libertés publiques. Dans les grandes lignes, ils découlent des principes d’Égalité (égalité des sexes, égalité devant la loi, égalité devant l’impôt, égalité devant la justice…) et de Liberté (liberté d’opinion, d’expression, de réunion, de culte, de liberté syndicale, de droit de grève…). En France, les droits fondamentaux sont inscrits dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et sont reconnus par la Constitution de 1958.

 

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Nantes, une ville culturelle ouverte sur le monde

Saviez-vous que notre ville bien-aimée, est la ville de la tolérance, du respect et de la diversité ?
Comme l’a si bien dit Janine Garrisson (historienne, professeure d’université en histoire moderne et femme de lettres française, spécialiste de l’histoire politique et religieuse française du XVIᵉ siècle) citée par Johanna Rolland lors de son discours, Nantes est un « jalon lumineux » sur la route de la liberté individuelle, de la liberté et des droits de l’Homme. La ville a accueilli au XVIe siècle l’Édit de Nantes, aussi appelé « Édit de la Tolérance ». Précédé par la Constitution de Médine, une charte énonçant les droits des juifs en tant que citoyens non-musulmans dans un État musulman, l’Édit de Nantes fut un moment historique.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/Rolland.jpg » credit= »Maëlane Guerit-Guillon » align= »center » lightbox= »on » caption= »Discours de Johanna Rolland » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

La ville de Nantes n’accepte aucune discrimination, elle s’engage en faveur des droits humains et agit en se mobilisant dans de nombreux domaines. La maire de Nantes a d’ailleurs tenu à souligner que notre métropole a obtenu le label de la diversité. Avec ses nombreux lieux de recueillement tels que le mémorial de l’abolition de l’esclavage et des événements quotidiens culturels comme les Géopolitiques, Métropolis, des expositions telles que « une BD si je veux quand je veux » à la Maison Fumetti envoyant un message féministe fort… Si vous désirez ouvrir votre regard sur le monde, il est certain que les rendez-vous ne manquent pas à Nantes !

Un sujet d’actualité qui se devait d’être cité et approfondi… l’émigration en Europe

Dans les différents discours d’Adama Dieng et de Johanna Rolland, le sujet de l’émigration est devenu redondant et c’est tant mieux ! L’émigration et surtout l’immigration sont des faits qui nous touchent tous, en particulier dans un contexte où les tensions font rage en Afrique occidentale, au Proche et Moyen-Orient (guerre en Syrie, en Irak, génocide au Rwanda…).
Par conséquent, la métropole nantaise se veut également être une ville ouverte et sensible à ces enjeux sociétaux que connaît l’Europe actuellement en accueillant pour le moment plus de 300 migrants. Et il ne s’agit pas seulement de les mettre à l’abri, il est important de créer du lien social et de les inclure dans notre société. Madame Johanna Rolland souhaite agir et se battre pour les droits et libertés de chacun, elle a d’ailleurs clairement marqué sa position lors de son discours et est plus qu’en faveur du droit de vote des étrangers. M. Dieng a profondément soutenu son point de vue.

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Et pourquoi le droit de vote pour tous ? Selon le conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU, parce qu’il n’y a pas de raisons que les étrangers n’aient pas le droit de vote au niveau local comme tout autre citoyen français, à savoir qu’ils partagent les moments de la vie quotidienne avec nous tous. C’est l’essence même de l’égalité des droits humains.
Et oui, la migration est aussi un droit humain !

Le continent africain, au cœur du débat…

L’entretien touchant à sa fin, est venu le temps des questions posées par le public. Le sujet de la migration, toujours assimilé au continent africain, est resté au cœur des questionnements.
En effet, l’Afrique est le continent subissant le plus l’émigration. Dans les prochaines années, les pays africains connaîtront une croissance relativement importante, ce qui peut être considéré comme une bonne nouvelle, car cela signifie certainement aussi une hausse du niveau de vie et ainsi une possible révision des droits humains sur le continent. Malgré ce développement économique considérable, il est certain qu’il y aura toujours des inégalités entre les populations. Les très pauvres continueront d’émigrer.
Mais ce qu’il faut savoir d’après M. Dieng, et nous ne pouvons qu’acquiescer, c’est que la migration bénéficie à tous. C’est un phénomène global positif qui touche tout le monde et c’est pourquoi il est nécessaire d’inclure la migration dans nos objectifs de développement durable, et pour cela une mobilisation collective est nécessaire.

« L’Europe n’a pas d’avenir si elle ne place pas les droits humains au sein de son développement »
Johanna Rolland, maire de Nantes depuis 2014, lors de son discours.

Sur le sujet, Adama Dieng disait : « Ce qui est dangereux c’est qu’aujourd’hui nous voyons des politiques qui manipulent l’opinion et portent un jugement de valeur sur les immigrés. » .

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Comment l’Afrique peut-elle agir?

La suite mathématique logique est… moins de conflits, moins d’émigration. Adama Dieng a sous-entendu une réponse concrète mais pas des plus faciles à mettre en place. Selon lui, si le continent africain veut pouvoir combattre les différends entre les nations et les actions frauduleuses qui s’y déroulent, il faut qu’une institution forte soit mise en place. Par conséquent, il semble que l’Afrique s’est unie dans la gestion des conflits et des génocides et est passée du principe de « non-ingérence » au principe de « non-indifférence ». Un grand pas pour l’humanité qui rend les différents pays africains solidaires contre les génocides. Ils promettent ainsi d’agir au lieu de simplement rester spectateurs de massacres comme par exemple au Rwanda. Malheureusement, très peu de pays du continent africain ont finalement choisi d’adopter cet accord.

« Il ne peut pas y avoir de paix sans justice et respect des droits humains.»
Irène Khan, avocate bangladaise et ancienne secrétaire générale d’Amnesty International

70 ans après la déclaration universelle des droits de l’homme, 70 ans après la prévention du crime de génocide

M. Adama Dieng, lui-même conseiller spécial du secrétaire Général des Nations Unies pour la Prévention du Génocide depuis 2012, a souhaité faire un point d’honneur sur le sujet très controversé du génocide.
Ce terme fut définit par l’ONU le 9 décembre 1948. Il fut par la suite reconnu juridiquement et condamné. Ainsi, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Le lendemain, le 10 décembre 1948, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen est signée.

M. Dieng a d’ailleurs mentionné qu’il a lui-même demandé en fin d’année dernière une ratification universelle de la convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide.

70 ans après… le bilan

Depuis 1948, le bilan est contrasté. Plutôt négatif ces dernières années, il semble s’améliorer. Notons les nombreuses avancées en matière de droits humains sur 70 ans. Il y a eu par exemple les droits de la femme, les droits de la première génération, la création des juridictions pénales qui ont eu à juger le Génocide du Rwanda… A contrario, en Asie, les choses sont beaucoup plus lentes et restent encore à définir….

«La paix n’a de signification que là où les droits de l’homme sont respectés, là où les gens sont nourris, et là où les individus et les nations sont libres.»
14e Dalaï Lama

Malheureusement, aussi important qu’il soit, le droit humain demeure encore parfois bafoué dans certaines les parties du monde, souvent les plus pauvres.

Née à Montréal (Québec), Maëlane est une étudiante en Communication voyageuse et curieuse. Depuis toujours intéressée par le milieu journalistique, elle le touche du doigt en combinant les petites expériences dont son blog personnel portant sur le voyage et son bénévolat à Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017