19 février 2018

Les jeunes plus intelligents que leur smartphone ?

« Une jeunesse addict », « Toujours collés à leur téléphone », les qualificatifs dégradants ne manquent pas pour décrire l’utilisation du smartphone par les jeunes. Sont-ils vraiment lobotomisés par leur écran ou conscients de ses effets ? Fragil fait le point pour vous.

Les jeunes plus intelligents que leur smartphone ?

19 Fév 2018

« Une jeunesse addict », « Toujours collés à leur téléphone », les qualificatifs dégradants ne manquent pas pour décrire l’utilisation du smartphone par les jeunes. Sont-ils vraiment lobotomisés par leur écran ou conscients de ses effets ? Fragil fait le point pour vous.

« Un français sur deux préfère son smartphone au sexe » titrait Le Parisien le 1er février. Ce sondage réalisé auprès de 2206 individus par Bouygues Télécom donne d’autres informations sur notre addiction au smartphone : les 15-25 ans l’utilisent 2h30 par jour contre 1h30 pour les plus de 25 ans. Tout ce temps représente la recherche d’informations, les démarches administratives, la géolocalisation et bien évidemment les réseaux sociaux : « 94% des 15-25 ans consultent les réseaux sociaux via leur smartphone ». Cette étude révèle également des différences étonnantes dans l’utilisation du smartphone selon les tranches d’âges. 45% des français aimeraient se trouver un temps pour se déconnecter alors qu’ils sont 52% pour les 15-25 ans. Finalement ce ne sont peut-être pas les jeunes les plus accrocs.
Afin de découvrir si les jeunes sont si « addicts » à leur smartphone, le plus significatif nous a semblé de réaliser une expérience : passer 24h sans smartphone. Quatre lycéennes en classe de Terminale ont décidé de relever le défi !

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/visu-reponse-conso.jpg » credit= »Réponse Conso » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

 » Je voulais voir si j’en étais capable »

L’expérience nécessitait une organisation préalable comme avoir une montre, un réveil et également prévenir l’entourage de notre non-disponibilité via les réseaux pendant 24h. C’est bien là le problème (ou l’avantage selon les avis) : le smartphone rassemble en un petit appareil le réveil, la radio, l’appareil photo et il ne faut pas l’oublier, le téléphone.  Malgré tout, après 24h similaires aux autres, les réactions tombent : seules deux filles sur quatre ont tenu les défi. Le « besoin de prendre une photo » ou alors « un appel urgent pour raisons personnelles » sont les motifs qui les ont empêchés de mener cette expérience jusqu’au bout. En effet, pendant la journée de cours, le manque ne s’est pas fait sentir. C’est durant les pauses comme le déjeuner ou les périodes de temps libre que l’envie de consulter son smartphone a refait surface. Faire face aux nombreux lycéens qui déjeunent en tête à tête avec leur smartphone peut être intimidant. L’une d’elle témoigne « s’être sentie un peu exclue malheureusement ». Cependant, les quatre lycéennes ont retenu un bilan positif de cette expérience. « Une sensation de liberté » et « un gain de temps » sont les principaux avantages de ces 24h sans smartphone. Comme le montre le sondage de Bouygues Télécom, les jeunes passent en moyenne 2h30 par jour sur leur smartphone. On peut comprendre cette impression de gain de temps ressentie par les jeunes lycéennes. Ces 2h30 en plus leur ont permis de travailler, lire ou mieux encore dormir. « Le téléphone nous bouffe du temps, mais il reste malgré tout très utile ». Pouvoir écouter de la musique, prendre une photo à tout moment et n’importe où sont des avantages non négligeables du smartphone. Finalement, c’est l’incapacité à « pouvoir contacter des gens » qui a le plus gêné les lycéennes. La facilité avec laquelle nous pouvons joindre nos proches, surtout en cas d’urgence, est l’aspect le plus appréciable du smartphone. Il transmet un sentiment de sécurité via la possibilité d’être ou de pouvoir toujours contacter.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/visu-sony-mobile.jpg » credit= »Sony Mobile » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Le smartphone renferme dans un écran tous nos appareils

Mis à part le manque du côté pratique, le smartphone n’est pas si indispensable que l’on aurait tendance à le croire. La question suivante se pose : un adulte aurait-il pu réussir cette expérience ? Puisque nous l’avons bien compris le smartphone rassemble de nombreux objets pratiques pour la vie quotidienne, il s’est donc greffé à notre vie professionnelle. Il nous permet de lire nos mails, de passer des appels ou encore tout simplement de trouver l’adresse d’un rendez-vous. Passer 24h sans son smartphone se révélerait alors très handicapant.

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2018/02/visu-passeport-sante.jpg » credit= »Passeport Santé » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

C’est avant tout un outil qui leur permet de créer leur culture

Si les jeunes y portent également tant d’attention, ce n’est pas seulement pour son côté pratique mais pour toute la dimension qui l’entoure. Le smartphone renferme à travers son petit écran noir tout un univers virtuel représentatif de notre société actuelle. C’est à travers les réseaux sociaux que les jeunes forment leur vie en communauté. Ils prennent conscience de l’image qu’ils renvoient et peuvent même en choisir les caractéristiques avec le choix des photos de profils par exemple. Grâce à Internet et l’aspect portable du smartphone, ils échangent avec des voisins comme avec des gens de l’autre bout du monde à tout moment. Même s’ils conservent les relations réelles avec leurs amis et leur famille, les réseaux sociaux et Internet cachent une autre facette de leur vie sociale. Ils peuvent créer des communautés selon leurs centres d’intérêts et partager des références communes.
Les parents se désolent face au temps que passe leur enfant devant un écran, pourtant c’est aussi de cette manière qu’ils créent leur culture. C’est grâce à leur forfait Internet qu’ils peuvent écouter en illimité de la musique, regarder des films et s’informer. Puisqu’ils regardent peu la télévision c’est leur moyen à eux d’être au courant de l’actualité, ils reçoivent des alertes infos ou regardent des vidéos décryptant l’actualité. De la même manière, ils se retrouvent seuls face à cette montagne d’informations. Il leur revient donc d’aiguiser leur esprit critique afin de ne pas se noyer dans toutes ces sources plus ou moins fiables. Aussi étonnant que cela puisse paraître les jeunes et notamment les préados sont conscients du danger d’Internet, ils représentent 81% des 12-14 ans selon l’étude de Bouygues Télécom.
Il semble donc que les jeunes sont conscients des avantages mais aussi des inconvénients de l’utilisation du smartphone. Finalement il s’agit là de la notion la plus importante, puisque si les jeunes savent prendre du recul face à cet objet ils sont donc capables d’en tirer avantage et non d’en être dépendant.
Et vous, êtes-vous addicts ?

 

(Image de tête : Boligan)

Lycéenne de 17 ans, Albane aime écrire sur la danse, le théâtre ou la littérature. Originaire de Saint-Barth, elle a un regard différent sur l’actualité culturelle nantaise.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017