17 septembre 2018

L’asexualité, un sujet tabou

L’asexualité est souvent confondue avec l’abstinence, qui elle est un choix et le plus souvent liée à des convictions religieuses. L’asexualité est méconnue. Elle est invisible dans notre société hypersexualisée, vue comme une aberration. Qu'est-ce réellement que l'asexualité ?

L’asexualité, un sujet tabou

17 Sep 2018

L’asexualité est souvent confondue avec l’abstinence, qui elle est un choix et le plus souvent liée à des convictions religieuses. L’asexualité est méconnue. Elle est invisible dans notre société hypersexualisée, vue comme une aberration. Qu'est-ce réellement que l'asexualité ?

« Quand j’avais 13 ans, j’ai découvert mon asexualité. Quand d’autres m’ont fait comprendre qu’ils désiraient quelque chose de moi, j’ai compris que j’étais différent. Cela m’a pris du temps d’accepter l’idée que l’asexualité était une possibilité », témoigne David Jay, 23 ans, créateur de l’association AVEN (Asexual Visibility and Education Network).

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Une autre façon de vivre sa sexualité

L’asexualité c’est le fait de ne pas ressentir ou de très peu ressentir de désir sexuel pour quelqu’un malgré les sentiments à son égard.
« L’amour ne se concrétise pas obligatoirement par le sexe. Je trouve que c’est inutile dans une relation et que ça peut la gâcher. Il m’arrive de me masturber mais c’est mécanique, je n’ai pas besoin de le partager avec une autre personne . Pour moi, c’est juste une façon de me détendre et de libérer des tensions », raconte Alexia 20 ans
Les asexuels aiment le sexe de façon théorique, certains lisent des romans érotiques, s’imaginant des histoires torrides… Le désir n’est pas dirigé vers le partenaire. Mais cela ne fait pas d’eux des êtres égoïstes qui ne se lient pas aux autres.

Une relation émotionnelle forte

Au contraire, les asexuels ressentent l’amour de façon très forte. Ils n’ont simplement pas besoin d’autant de sexe pour être heureux dans la vie et dans leur couple.
« Quand j’étais amoureuse d’une personne, je pensais à un milliard d’activités qu’on pourrait partager mais pas à coucher ensemble. Je voulais échanger avec mon partenaire plus que du sexe, aller au-delà de tout ça pour vivre des moments de discussions importantes, des grandes rencontres émotionnelles », témoigne Rebecca, 24 ans.
Souvent les asexuels cherchent à remplacer la relation sexuelle par une relation émotionnelle. Il s’agit de trouver d’autres façons d’être attaché aux gens, en dehors du cadre sexuel.

Une orientation dont on ne parle pas assez

Dans une société en plein débat sur le genre et qui reconnaît toutes les autres identités, personne ne sait ce qu’est l’asexualité. Pourtant, il suffirait d’en parler pour que certaines personnes se reconnaissent. Malheureusement, des jeunes asexuels qui s’ignorent ont l’impression de n’être pas comme les autres. Certains se forcent à avoir des expériences sexuelles car ils ne veulent pas paraître frigides.
« Impossible de lui faire l’amour, je me suis forcé une fois mais je l’ai très mal vécu. Je suis vu comme une personne qui devrait voir un psy, un coincé, un mec de 30 ans pas normal », témoigne Joris.
L’asexualité est difficile à faire connaître dans notre société. Elle n’est pas prise au sérieux : « c’est normal que les femmes n’aient pas de libido », « tu n’as pas encore trouvé la bonne personne », « tu dois être homosexuel » sont des remarques très fréquentes que reçoivent les personnes asexuelles. Notre société est devenue hypersexualisée et la majorité des gens ont du mal à imaginer que quelqu’un n’ait pas ou peu de désir sexuel. En effet, dans chaque magazine, on nous prescrit de coucher deux à trois fois par semaines pour être épanouis. Dans un tel contexte, il est quasiment impossible pour une personne asexuelle de révéler son orientation.

Les personnes asexuelles victimes de discriminations

« Je suis mal à l’aise quand quelqu’un me pose des question sur “ma sexualité”, car je je sais qu’ils ne vont rien comprendre. Malheureusement le sexe est omniprésent dans notre société hypersexualisée. Si ça pouvait être jugé comme d’autres loisirs dit plus banals, on pourrait choisir de pratiquer d’autres activités qui ne soient pas sexuelles sans se prendre la tête. Mais là tout le monde me conseille d’aller me faire soigner… », confie Justine, 28 ans

L’asexuel est souvent présenté comme une personne ayant besoin d’un traitement médical (aller consulter un psychologue ou un sexologue) car la sexualité est perçue comme essentielle. Beaucoup de personnes asexuels ont dû suivre une psychothérapie sans en avoir besoin. Ces médecins leur disaient qu’effectivement ils avaient un problème avec la sexualité et qu’ils devraient se débrider. L’asexuel est rarement compris. Il choque les autres et subit des discriminations. Pourtant, la personne qui se dit asexuelle est normale et a envie de vivre une relation de couple comme tout le monde.

Vivre son histoire d’amour comme les autres

Sur la chaîne Youtube Le X by ISCPA, qui traite de l’identité, un couple de jeunes asexuels, Léo et Coralie, témoigne. Pour Léo, l’asexualité a été un déclic, il pensait aimer les hommes et a eu quelques relations avec eux. Il a ensuite découvert la définition de l’asexualité et s’est reconnu. Pour Coralie, c’est la relation avec son ex qui lui a fait comprendre qu’elle était asexuelle. Très demandeur de sexe, il ne comprenait pas qu’elle ne puisse ressentir aucun désir. Léo et Coralie nous raconte comment aborder sa vie de couple lorsqu’on est asexuels :

On pratique souvent le sexe sans aimer, pourquoi l’inverse ne serait-il pas possible ?

Selon Jessica, les personnes qui disent qu’aimer quelqu’un de façon platonique serait de l’amitié ne savent pas ce qu’est l’amour. Jessica a rencontré son compagnon depuis peu, asexuel comme elle. Elle revit alors, ne ressent ni culpabilité, ni pressions.

« Aujourd’hui je le vis bien. Je l’assume, avec une distance aussi, donc sans le revendiquer mais en n’hésitant pas à affirmer que « coucher » avec quelqu’un ne m’a jamais attiré… Quand on est vraiment soi-même, bien qu’en dehors de la norme, on peut être accepté plus facilement. C’est ce que je ressens », raconte-t-elle

Finalement, les asexuels, comme Jessica et Léo, se posent les mêmes questions que tous les couples : Comment construire une relation avec quelqu’un ? Comment faire durer son couple ? Ils vivent les mêmes histoires d’amour que les autres. En définitive, l’important dans une relation avec quelqu’un est d’être en phase et de se comprendre. La sexualité ne fait pas tout. Et chacun est libre de vivre ses relations amoureuses comme il l’entend.

Pour en savoir plus :
Association pour la visibilité asexuelle

Jeune auteure de 23 ans, j'ai publié trois livres aux éditions Fabert : Et il me dit : "Pourquoi tu rigoles jamais Blanche ?", un récit-témoignage sur le harcèlement scolaire, "Chair et âme" qui traite d'hypersexualisation de la société, et "Luciole", une histoire d'amour entre deux adolescents. J'écris sur mes propres expériences et aborde dans mes livres les problèmes de société qui touchent les jeunes d'aujourd'hui. Je fais également des interventions sur les thèmes de l'hypersexualisation, du consentement sexuel etc

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017