13 avril 2018

À Contre Courant : Carpes et diem

Hugo Mourocq, ancien contributeur de Fragil, et ses acolytes Geoffrey Macé et Emmanuel Housson ont réalisé leur première fiction intitulée « A contre-courant ». Nous les avons rencontrés.

À Contre Courant : Carpes et diem

13 Avr 2018

Hugo Mourocq, ancien contributeur de Fragil, et ses acolytes Geoffrey Macé et Emmanuel Housson ont réalisé leur première fiction intitulée « A contre-courant ». Nous les avons rencontrés.

C’est dans un café du centre-ville de Nantes que nous avons eu la chance d’interviewer Hugo Mourocq et Geoffrey Macé, co-scénaristes et respectivement réalisateur et acteur du film À contre courant.

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Fragil : Pouvez-vous vous présenter ?
Geoffrey Macé : On se connait depuis la maternelle. Après avoir obtenu le bac, on a pris des chemins différents. J’étais dans l’écologie et j’ai terminé mon master l’an dernier. Passionnés tous les deux, on a commencé à faire de la vidéo dans le monde de la pêche depuis un bout de temps. Puis il y a eu un tremplin avec la vidéo qu’on a faite sur Nantes. C’est cette vidéo qui a créé le déclic pour qu’on se lance en tant qu’autoentrepreneur dans l’audiovisuel. On a commencé par bosser pour des marques avec des vidéos-produits et en échange, ils nous fournissaient du matériel.
Hugo Mourocq : Pour ma part, j’étais sur une formation de prof d’EPS. J’ai pratiqué pendant deux ans dans un lycée de la région nantaise. Après plusieurs projets audiovisuels, on a fait le projet sur Nantes qui a reçu un très bon accueil et on s’est lancé il y a un an en tant que pro. On n’a zéro formation dans l’audiovisuel, on a donc appris sur internet et auprès de personnes de notre entourage. Fragil pour laquelle je contribuais m’a également permis de rencontrer des personnes du métier.

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« On voulait produire quelque chose qui ne s’adresse pas qu’aux pêcheurs. »

Fragil : Parlez nous de la genèse du projet A contre-courant ?
Hugo Mourocq : On a commencé par gagner un concours de courts-métrages au festival de Montluçon pendant lequel il y avait la première nuit des courts métrages de pêche. À l’époque, les organisateurs du festival nous ont prévenus qu’on ne pouvait plus présenter de court-métrage, mais ils nous ont glissés que si on avait un projet plus gros, on serait les bienvenus. On a dit oui pour faire plaisir et parce qu’on est un peu fous. On a donc commencé à y réfléchir à l’été 2016 et on a pris six mois de réflexion pour définir ce qu’on voulait faire. On a finalement décidé de s’orienter vers la fiction autour de la pêche, ce qui n’existe pas vraiment.
Geoffrey Macé : On voulait plus appuyer sur l’aspect ressenti et philosophique de la pêche. Pourquoi c’est une passion ? Et parler aussi de tout ce qu’il y a autour : style de vie, environnement, la beauté des paysages…
Hugo Mourocq : On voulait aussi produire quelque chose qui ne s’adresse pas qu’aux pêcheurs. D’où la fiction pour toucher un public plus large. La pêche se « redémocratise » petit à petit, elle se « déringardise » aussi. Au Canada et aux USA, les pêcheurs sont très bien vus, ils ont la classe, alors qu’ici, on nous prend pour des beaufs.

Fragil : Comment avez-vous construit ce projet ?
Geoffrey Macé : Une fois qu’on a eu l’idée, on a écrit un scénario un peu trop compliqué à réaliser. On a revu nos ambitions à la baisse. En parallèle, on a lancé une campagne de financement participatif via la plateforme ulule pour financer nos frais. Malheureusement le financement a échoué. On a eu un petit coup de mou, on a hésité à poursuivre le projet. On a finalement décidé de s’auto-financer.
Hugo Mourocq : Au bout du compte, on a eu zéro financement, on a tout payé de notre poche. Le problème est qu’en parallèle, on se lançait en tant qu’auto-entrepreneur. On a dû gérer les deux en même temps.
Geoffrey Macé : C’est pour ça qu’on a fait l’impasse sur certains éléments techniques du film comme le son, qui est vraiment le point faible d’ À contre courant. On n’avait pas les moyens de payer un perchiste.
Hugo Mourocq : Le tournage a duré de juin à mi-décembre pour les scènes de pêche. On a ensuite tourné tous les flashbacks.

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Fragil : Comment vous êtes-vous répartis les rôles ?
Geoffrey Macé : On a écrit à trois avec Emmanuel Housson. Pour le tournage, il y a beaucoup de plans qu’on a tournés à deux, Hugo à la caméra et moi devant la caméra. On a ensuite eu beaucoup d’aide de Nicolas Morillon pour le montage. Et pour le mixage son, on a demandé à un ami qui faisait ça pour la première fois. Si le son n’était pas passé entre ses mains, il serait beaucoup plus pourri qu’il ne l’est maintenant.

« Un mec qui se barre en quittant un avenir tout tracé, un boulot, sa copine… pour retourner à l’essentiel. »

Fragil : Pourquoi « À contre courant » ?
Hugo Mourocq : Il y a trois raisons. La première, dans la pêche de la carpe, normalement, tu pars avec beaucoup de matériel, tu restes dans un endroit et tu fais le camping pendant une semaine. On voulait montrer qu’on pouvait réduire le matériel à son minimum. La deuxième c’était pour le jeu de mot par rapport au cours d’eau. Et la troisième c’est parce qu’on a fait le film à l’envers, sans respecter aucune règle.
Geoffrey Macé : Il y a une quatrième raison. Dans le film, on essaye de montrer une vision parallèle, en marge de la société actuelle. Un mec qui se barre en quittant un avenir tout tracé, un boulot, sa copine… pour retourner à l’essentiel. Il décide de vivre sa passion.
Hugo Mourocq : On a mis dans ce film nos envies personnelles.

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Fragil : D’où vous vient cet amour de la pêche ?
Geoffrey Macé : On a commencé à pêcher étant enfant. Chez nos grands-pères respectifs. On a ça en commun depuis l’enfance. Dès qu’on avait un peu d’argent soit pour nos anniversaires, soit pour Noël, on faisait une cagnotte et on allait s’acheter du matériel de pêche.
Hugo Mourocq : Et c’est ce qu’on continue à faire avec le matériel vidéo. On achète tout en commun, ce qui permet d’acheter de la qualité.

« On pêche pour le plaisir, c’est un loisir. »

Fragil : Dans le film, pourquoi relâchez-vous les poissons après les avoir pêchés ?
Hugo Mourocq : C’est pratiquement devenu la norme. La carpe est un poisson pas très bon qui se nourrit dans la vase et les algues. Après, on pêche pour le plaisir, c’est un loisir. Notre but est aussi que le poisson reparte sans être trop endommagé. Je comprends tout à fait quand on nous parle du « bien-être animal ». Il faut savoir qu’il y a eu beaucoup de fausses rumeurs autour de la pêche. Il a été prouvé scientifiquement que les poissons ne ressentent pas la douleur, ils n’ont pas assez de neuro-récepteurs pour ressentir la douleur. Ils ont une sensation désagréable mais sans douleur.

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« On nous a félicités pour la nouveauté, l’aspect fiction. Et aussi pour le fait de l’avoir auto-produit. »

Fragil : Vous avez présenté le film à Montluçon et à Nantes, parlez nous de l’accueil du public ?
Hugo Mourocq : On a projeté le film à Montluçon à un public de pêcheur. Le samedi à 13h30, il y avait 500-600 personnes, la deuxième à 22h30, il y avait 700-800 personnes. Le film a été très bien accueilli. On a eu des très bons retours notamment de réalisateurs qui sont bien installés dans le milieu. On nous a félicités pour la nouveauté, l’aspect fiction. Et aussi pour le fait de l’avoir auto-produit.
Geoffrey Macé : À Nantes, c’était complètement différent. On a projeté le film au Delirium Café. Il y avait environ 120 personnes. Un film de pêche dans le centre-ville de Nantes, c’était dingue. On a passé une super soirée. Il y avait beaucoup d’amis et d’amis d’amis… et aussi pas mal de gens qu’on ne connaissait pas du tout. La majorité ne s’y connaissait absolument pas en pêche. J’étais surpris de voir qu’ils étaient captivés. Et à fin du la projection, grosse ovation !

Fragil : Avez-vous eu des retours via les réseaux sociaux ?
Geoffrey Macé : On a eu un commentaire sur le bien-être animal. On nous a reprochés de mettre en avant notre bien-être personnel au détriment du bien-être animal. Il ne faut pas oublier qu’on redonne sa liberté au poisson et que la communauté des pêcheurs est très utile pour l’entretien des rivières.
Hugo Mourocq : Ces critiques ne sont pas fausses. Il est clair qu’on perturbe la vie des poissons en les pêchant. Mais en parallèle, on entretient les berges, on ramasse les déchets, on alerte sur le trafic des poissons ou sur des entreprises qui déversent des saloperies dans les cours d’eau.

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« On ne va pas s’arrêter là ! »

Fragil : Comment voyez-vous la suite des aventures ?
Hugo Mourocq : On ne va pas s’arrêter là ! On continue à travailler dans l’événementiel en tant qu’auto-entrepreneur. Mais le fait d’avoir produit ce premier film, nous donne envie d’en faire d’autres. Il faut qu’on trouve des producteurs pour partir vers d’autres projets. Parce qu’une chose est sûre, on ne travaillera plus en auto-production.

 

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Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017