9 avril 2021

À Nantes l’espace TAMO permet aux jeunes exilés de s’épanouir

Les jeunes exilés qui viennent en France sont de plus en plus nombreux chaque année. Leurs parcours sont différents les uns des autres. Depuis 2016 à Nantes, l’espace TAMO leur permet de passer leur temps libre dans un espace de convivialité où elle répond à leur besoin quotidien.

À Nantes l’espace TAMO permet aux jeunes exilés de s’épanouir

09 Avr 2021

Les jeunes exilés qui viennent en France sont de plus en plus nombreux chaque année. Leurs parcours sont différents les uns des autres. Depuis 2016 à Nantes, l’espace TAMO leur permet de passer leur temps libre dans un espace de convivialité où elle répond à leur besoin quotidien.

En 2019, d’après le gouvernement via le site Vie publique , la France a compté plus de 100 000 demandeurs d’asile. Aujourd’hui, il y en a toujours autant. La plupart des jeunes a environ 15-30 ans. Même si certains exilés deviennent sans-abris, à Nantes, beaucoup de structures permettent aux jeunes dans leur situation de s’intégrer dans le pays et particulièrement dans la région.
Ils sont accueillis directement par la ville de Nantes, la préfecture ou des associations comme L’Autre Cantine qui est un restaurant solidaire ou l’Anef Ferrer qui est un centre d’hébergement mais propose aussi un accompagnement social. Aussi, des familles et des bénévoles leur viennent en aide notamment pour les héberger.

Logo de TAMO.

Un projet en aide aux jeunes exilés

TAMO fait partie de ces projets qui viennent en aide aux exilés. Créée en 2016 par des militant-es non permanent-es des CEMEA Pays de la Loire (Association d’éducation populaire engagée dans l’éducation nouvelle) elle se trouve au quartier Saint-Jacques à Nantes. Le mot TAMO est la contraction de TALATALA MOKILI qui signifie “Miroir du monde” en Lingala, langue Bantoue du Congo. La philosophie de l’association s’appuie sur une citation de Gisèle de Failly, pédagogue et fondatrice des CEMEA : “Il n’y a qu’une indication. Elle s’adresse à tous. Elle est de tous les instants. Tout être humain peut se développer et même se transformer au cours de sa vie s’il ou elle en a le désir et les possibilités ».

Le projet accueille des jeunes exilés et exilées de 16 à 30 ans, même si la majorité du public est masculin. Ils peuvent être mineurs non reconnus ou reconnus, jeunes majeurs, demandeurs d’asile, réfugiés ou sans-papiers et souvent d’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique Centrale. Il est gérée par les CEMEA en compagnie de Elsa PAVAGEAU (permanente des CEMEA sur le projet TAMO), accompagnée de volontaires en Service Civique et d’étudiants en BPJEPS. Elsa PAVAGEAU contribue à porter et faire vivre l’espace de manière forte et intéressante. Le projet répond aux besoins primaires des jeunes dans leur quotidien et leur permet de sortir de l’isolement tout en les aidant. Des paniers alimentaires leur sont proposés et des bénévoles proposent de l’aide à la scolarité. Ils ont un espace café avec des jeux de société et un ordinateur pour faire des recherches ou même mettre de la musique.

Avant la crise sanitaire, TAMO faisait un fois par mois (les 1er vendredi du mois) ce qu’ils appellent la cantine populaire. Un repas solidaire où les jeunes cuisinent ensemble avec la nourriture qu’ils ont pu récupérer de la Banque Alimentaire.

Le parcours de ces jeunes

Ces jeunes sont arrivés en France dans des conditions difficiles où ils ont dû s’éloigner de leur famille, parents en particulier, mais avec la nouvelle technologie et particulièrement les réseaux sociaux dont Whatsapp ou Messenger, ils sont toujours en contact.

Pour venir certains ont fait des escales où ils sont restés quelque temps. Ils sont notamment passés par le Mali, l’Algérie, l’Italie ou l’Espagne. À leur arrivée en France, ils ont été hébergés dans des hôtels, dans ce qu’ils appellent des squats (des gymnases, le château du Tertre près de l’université de Nantes…) ou même dans des familles d’accueil et d’autres se sont retrouvés sans abri. Mais plusieurs lieux d’hébergement ont été évacués d’urgence comme les tentes au square Daviais à Nantes (place de la Petite Hollande) ou certains gymnases qui devaient être rénovés. Aussi, avec les conditions sanitaires actuelles quelques lieux étaient trop chargés de monde  et il n’y avait pas assez d’espace donc ce n’était pas raisonnable et sécurisant pour les jeunes comme pour les bénévoles.

La plupart sont en France depuis environ 3 ans et sont congolais, maliens, ivoiriens… Certains ont des titres de séjour leur permettant d’entrer dans le monde du travail. Ils ont un poste ou font des études. Maintenant ils ont pris leurs habitudes et se sont bien intégrés pour la plupart.

Des jeunes témoignent

Quelques-uns ont accepté de témoigner du parcours de leur pays d’origine à leur arrivé en France :

Par exemple, Mamadou est en CAP Commerce au lycée Albert Camus à Nantes et veut devenir cuisinier. Il est arrivé du Mali il y a 2 ans et 5 mois en France. Avant de venir, il a d’abord passé 6 mois en Espagne. Il nous dit : “En France, j’ai été dans un squat pendant 1 an et après dans une famille d’accueil malienne. Dans cette famille, je n’ai pas aimé être dans une famille d’accueil parce qu’il y avait beaucoup d’adolescents pas gentil à la maison.”

Alimou lui, est arrivé il y a 3 ans. Il nous parle de son long séjour au gymnase de Plaisance à Nantes : “Là-bas, il y avait plus de deux cent exilés, certains dormaient à l’extérieur dans des mobil-home. Rien n’était propre, ni à l’intérieur ni à l’extérieur. Il n’y avait pas de douche et pas d’électricité, il y avait toujours des disputes et beaucoup de famille.” Jusqu’à aujourd’hui, c’est ce qui l’ a le plus touché.
Alimou précise que dû au covid, les visites ne sont pas autorisées dans les squats. Les jeunes rentrent avec une carte contenant leur nom et le squat dans lequel ils sont hébergés. Maintenant, Alimou a obtenu un titre de séjour pluriannuel avec autorisation de travailler, il est peintre dans le bâtiment et est logé dans un petit studio. Il se sent heureux et a un contact permanent avec ses proches mais surtout ses parents dont il est très proche et en particulier envers son père.

Brahima est arrivé il y a 3 ans. Il est passé par l’Italie où il a passé 6 mois. Il nous explique que quand il est arrivé en France, il est resté sans-abri pendant 1 mois, puis il a été accueilli au gymnase Vincent Gâche qui était occupé par d’autres jeunes dans sa situation. Aujourd’hui il a un appartement au quartier Clos Toreau à Nantes. Il se sent bien mais la seule chose difficile pour lui est d’être loin de sa famille. TAMO lui a permis de se faire des amis et de rencontrer de nouvelles personnes dans une bonne ambiance et oublier ses soucis durant les journées à l’association.

Ibrahim, connu sous le surnom IB, est arrivé du Burkina Faso il y a 3 ans. Arrivé en France, il a été sans-abri pendant environ 2 ans. Parfois il appelait le 115 qui est un numéro d’urgence pour sans-abris où certaines associations peuvent les accueillir. Lorsqu’il avait une réponse favorable, c’était pour un hébergement de seulement un ou deux jours et il n’y avait pas tout le temps de la place. Aujourd’hui, IB habite chez son père avec qui il a repris contact après une longue rupture. Quand il venait à TAMO au moment où il était sans-abri, c’était surtout pour prendre une douche, prendre un panier alimentaire mais aussi passer du temps avec ses amis. Maintenant il vient pour jouer à des jeux de société et notamment le UNO qu’il adore.

Le Uno est l’un des premiers jeux que les jeunes sortent lorsqu’ils viennent à l’association. Ils l’apprécient beaucoup.

Aujourd’hui ces jeunes sont plus ou moins rassurés de leur situation. Ils sont contents d’avoir un abri pour la plupart. Très peu sont sans domicile fixe (SDF). L’association TAMO les aide dans leur quotidien à s’épanouir dans d’autres choses, à se réunir entre amis, mais aussi à se faire aider (pour faire leur papier, leur devoir, se doucher, se nourrir…)… Ils se sont adaptés à leur intégration en France et particulièrement à Nantes.

 

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017