En ce début d’après-midi ensoleillé du mois de juin, une petite dizaine de patient·es et quelques encadrant·es du centre de postcure psychiatrique Psy’Activ de Carquefou se sont réuni·es dans le salon de l’unité des Briords. Dans le cadre de la réhabilitation psycho-sociale, le centre organisait avec ses patient·es une semaine sur le thème du numérique, se déclinant à travers des temps collectifs dans une approche ludique et conviviale, ouvrant la porte vers l’extérieur grâce à des sorties et en invitant des intervenants comme aujourd’hui.
Heureux·ses d’être là, ils et elles ont participé activement à un temps de discussion de deux heures autour des réseaux sociaux, animé par un salarié de Fragil.
Des usages variés
En guise d’introduction pour cet atelier, l’animateur de l’association d’éducation aux médias a invité les personnes présentes à se classer selon le temps ressenti passé sur les réseaux sociaux quotidiennement. Ce petit brise-glace permet aux participant·es d’avoir un premier échange entre elleux et de se questionner sur ce qu’est ou pas un réseau social et sur sa consommation personnelle de ces applications. Et l’écart de perception était grand ce jour là entre Jérémy qui a tout désinstallé car il n’y trouvait pas d’intérêt et Astrid qui passe selon elle « plus de 10h par jour » sur TikTok principalement, parce que c’est « trop bien« . Cet exercice de classement permet à l’animateur de percevoir l’hétérogénéité du groupe en terme de pratique et de s’assurer que tout le monde a déjà une expérience avec les réseaux sociaux.
Un temps valorisant l’expérience et les connaissances de chacun·e
Divisés en deux sous-groupes, les participant·es ont ensuite échangé ensemble autour d’un jeu de cartes représentant les logos des principaux acteurs du numérique. La seule consigne donnée, à savoir « vous avez 5 minutes pour classer la trentaine de cartes », a permis aux groupes de discuter pour définir des catégories. Moteurs de recherche, navigateurs web, réseaux sociaux, plateforme de streaming, système d’exploitation… autant de catégories qui ont souvent été expliquées par les patient·es à leur encadrant·es, reversant les habitudes de transmission des savoirs. Au milieu des échanges, certains termes techniques et parfois mal définis ont été précisés par l’intervenant. La discussion autour du navigateur Tor a par exemple été l’occasion d’aborder la différence entre Deep Web ( contenu non indexé par les moteurs de recherches, comme la majorité du contenu se trouvant derrière une page de connexion avec un mot de passe) et le Dark Web (contenus non-accessibles par des navigateurs web classiques, fonctionnant avec d’autres protocoles que le World Wide Web).
Dans un second temps, l’atelier s’est poursuivi autour d’un quiz de culture numérique générale. Ce genre de jeu permet aux participant·es de découvrir et de questionner certains faits liés au numériques. En abordant l’existence des câbles sous-marins, des serveurs et du cloud, c’est la question du caractère physique d’Internet qui est évoquée. Dans cet atelier comme tant d’autres, la surprise fut grande de découvrir l’infrastructure matérielle du réseau, cassant le mythe du « nuage » ou du côté « virtuel » de la transmission d’information. La question du modèle économique des réseaux sociaux a permis au groupe de comprendre comment ceux-ci gagnaient de l’argent en vendant des espaces publicitaires à des annonceurs pour toucher leurs utilisateurices avec précision.
Des échanges citoyens autour du numérique
Au fil des deux heures, les jeunes patient·es et leurs encadrant·es n’ont pas été avares de commentaires et de questionnements citoyens. « Qu’est ce qu’on fait pour éviter que des enfants tombent sur du contenu pornographique ? », s’est inquiétée Astrid en évoquant les cartes PornHub et Onlyfans. Une occasion de rappeler les débats législatifs en cours et les difficultés de trouver des solutions techniques sans impacter la liberté des internautes. « Comment sont contrôlés les contenus sur les réseaux sociaux ? » s’est demandé Élisabeth, permettant à l’animateur d’évoquer le métier difficile de moderateurices de contenu pour les principaux réseaux sociaux, et aussi l’absence de censure qui favorise toutes les dérives sur le réseau Telegram. « On est sécurisé quand on utilise un VPN ? », a questionné Mehdi, déclenchant une discussion autour de la définition technique des VPN, mais aussi sur la notion de sécurité des données sur Internet et sur l’intérêt de garantir l’anonymat des personnes dans des régimes totalitaires.
Largement apprécié par les patient·es et les salarié·es du centre, cet atelier a permis « d’apprendre plein de choses » sans voir le temps passer. Une expérience riche que Fragil aimerait prolonger avec elles et eux dans les prochains mois, en les accompagnant par exemple dans la création d’un média collaboratif.