13 octobre 2020

ADN de Maïwenn, la quête de soi

ADN, le nouveau film de Maïwenn après cinq ans de silence depuis Mon Roi (2015), sortira en salles le 4 novembre. Du deuil à la quête identitaire, il questionne la transmission et ce qui fait famille. Une belle réalisation mais parfois un peu brouillonne.

ADN de Maïwenn, la quête de soi

13 Oct 2020

ADN, le nouveau film de Maïwenn après cinq ans de silence depuis Mon Roi (2015), sortira en salles le 4 novembre. Du deuil à la quête identitaire, il questionne la transmission et ce qui fait famille. Une belle réalisation mais parfois un peu brouillonne.

Neige est très attachée à son grand-père algérien, Émir. La mort de ce dernier va révéler une famille dysfonctionnelle et déclencher chez elle une véritable quête d’identité qui se traduira par une recherche obstinée de ses origines.

 

ADN apporte son lot d’émotions : il émeut, il fait rire, il agace. Le film se découpe en deux parties. La première traite du grand-père et de sa mort, la seconde de la quête d’identité acharnée de Neige, le personnage principal. Il rejoint la trame, assez classique au cinéma, d’une famille qui se déchire et règle ses comptes alors qu’un événement vient bouleverser son fonctionnement habituel. À l’instar de films comme le très récent Blackbird de Roger Michell (2020), Je vais bien, ne t’en fais pas de Philippe Lioret (2006) ou encore Deux jours à tuer de Jean Becker (2008). Le film de ce dernier L’été meurtrier, sorti en 1983, avait d’ailleurs révélé Maïwenn à l’âge de sept ans. Elle avait ensuite elle-même exploré ce thème avec son premier film Pardonnez-moi en 2005.

Faire famille

Du côté des interprètes, Louis Garrel dans le rôle de l’ex-compagnon de Neige vient contrebalancer la dimension dramatique du récit par un humour mordant qu’il débite avec une spontanéité désarmante. Fanny Ardant brille en mère toxique malgré un jeu parfois un peu excessif. Dans les bonnes surprises du casting, Dylan Robert, jeune acteur découvert dans le remarquable Shéhérazade en 2018. Il se révèle crispant parfois, attendrissant souvent dans son rôle de jeune meurtri et indocile, il est impressionnant de naturel. Maïwenn mène son film avec le personnage de Neige, pour qui il est parfois difficile de ressentir de la sympathie. L’expression de sa douleur peut être agaçante, mais reste à l’image du réel. L’utilisation ponctuelle d’une caméra subjective bouscule la narration assez classique du film. La gestion du deuil est personnelle et le film le montre bien. Il questionne ce qui fait famille, ce qui réunit ces individus. Tout est sujet à controverse : de la manière de gérer la douleur au choix du cercueil ou de la cérémonie. Le spectateur semble parachuté dans cette famille. L’origine de ces tensions est peu évoquée, il le devine au gré de remarques parfois acerbes, parfois tendres. Maïwenn assume « ne pas supporter d’entendre une « musique de cinéma » », que l’histoire soit racontée de manière artificielle, et préfère à cela que le spectateur se sente « comme en train d’écouter à travers une porte ». Il doit donc accepter de ne pas posséder toutes les clefs du récit. Le film parvient à réunir tous ces personnages pour le portrait d’une famille éclectique. Finalement, il tient de la tranche de vie.

 

Chercher ses racines

Si la famille est au cœur du récit, la question de l’identité en constitue le corollaire. Le deuil soudain pousse Neige dans ses retranchements et révèle qu’à la trentaine, elle ne sait pas réellement qui elle est et surtout d’où elle vient. La force du film repose sur le questionnement autour de ce qu’est être immigré et notamment de la troisième génération. Neige se tourne vers un apprentissage obsessionnel de l’histoire de l’Algérie dans l’espoir de panser ses blessures. La caméra s’immisce dans son quotidien mais sans jamais en révéler les contours. Subsiste une impression de ne pas pouvoir cerner le personnage et de ne pas toujours comprendre ses choix. Il est alors difficile d’être réellement ému par les difficultés qu’elle rencontre. Maïwenn refuse l’étiquette d’ « autobiographie » pour qualifier ADN, mais avoue avoir elle-même été dans cette quête identitaire avant de le tourner. Le voyage vers l’Algérie, dans sa vie comme dans le film, a marqué une étape importante dans ce processus : un retour aux sources.

 

 

ADN

 

Réalisation : Maïwenn

Scénario : Maïwenn – Mathieu Demy

Image : Sylvestre Dedise – Benjamin Groussain

Musique : Stephen Warbeck

Nationalité : Français

Durée : 1h30

Avec : Maïwenn, Fanny Ardant, Louis Garrel, Dylan Robert, Marine Vacth, Caroline Chaniolleau…

 

 

 

 

 

Après des études en sociologie, je décide de me réorienter vers le journalisme. C'est une révélation pour moi. Passionnée par la photographie et le reportage, je mets ma curiosité au service d'histoires à raconter.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017