C’est l’effervescence, ce jeudi matin, à la Maison des Isles de Rezé. Une trentaine d’animateurices et éducateurices jeunesse répartie en deux groupes tente de se positionner dans la pièce selon leur implication dans l’écologie et leur usage des écrans. « Je trie mes déchets, mais je prends ma bagnole, j’essaie de sensibiliser les jeunes, mais je sens que je pourrais mieux faire », lance Yoan Huguin, responsable du pôle jeunesse de Vertou. « Moi, je suis chez les « plus-plus », de part mon engagement associatif, professionnel et dans ma vie personnelle », enchaîne, à l’autre bout de la pièce, Isabelle, animatrice d’éducation à l’environnement. Puis, vient le classement des participants et participantes en fonction du nombre d’écrans qu’elles et ils possèdent chez elles et eux. Et là, Isabelle se retrouve dans les dernières avec « 14 écrans à la maison » ! Quelque soit les comportements des un·es ou des autres, « il n’y a pas de jugement », répète Romane Tirel, l’animatrice de Fragil. En faisant prendre conscience à chacun et chacune de ses usages, ce « jeu du classement » constitue une entrée en matière ludique et originale pour parler « Numérique et Environnement ».
Organisé à l’initiative d’Info Jeunes Pays de la Loire, cet atelier de deux heures animé par Fragil réunit des Promeneur·euses du Net, ces professionnel·les, animateurices ou éducateurices identifié·es auprès des jeunes sur les réseaux sociaux. Autour d’un quiz, les participants et participantes commencent par consolider leurs connaissances de la toile. « Qu’est ce qu’un serveur web ? », « Comment passent les communications intercontinentales ? », « Qu’est ce que le cloud ? »… L’occasion pour les intervenant·es de rappeler des notions clés, mais aussi d’évoquer certains enjeux du numérique. « Quand on supprime des messages ou une photo de sa boîte mail, ça reste quand même quelque part ? », demande une participante. « Je n’ai pas de garantie pour vous dire que c’est vraiment supprimé », explique François-Xavier Josset, animateur de Fragil, rappelant que, lorsqu’on envoie par exemple un snap, nos données transitent par le cloud vers des immenses serveurs qui sont hébergés physiquement dans des data centers, avant d’arriver dans le téléphone du destinataire du snap.
Télécharger plutôt que regarder en streaming
Un temps de discussion en petits groupes permet ensuite aux participants et participantes d’appréhender concrètement l’impact environnemental du numérique à travers une série de conseils éco-responsables : il est préférable d’utiliser le wifi à la 5G, les infrastructures liées aux réseaux mobiles consommant plus d’électricité. De même, il vaut mieux télécharger que regarder un film en streaming. Mais ces recommandations de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) ne doivent pas faire oublier qu’il y a aussi « un enjeu notamment pour les politiques de responsabilisation » de celles et ceux qui produisent des contenus vidéos et les diffusent en boucle comme Youtube, tempère l’animateur de Fragil.
Un discours auquel les participants et participantes à l’atelier sont sensibles. « Je ne fais pas tellement attention à ma pratique numérique, mais je me rends compte qu’il faut que je m’y intéresse un peu plus ! », raconte Lucie, animatrice à Guérande. « J’avais déjà conscience de certaines choses mais je trouve ici des idées que je pourrais mettre en pratique avec les jeunes », résume Laureen Le Saulnier, référente santé à La Source, un espace municipal à Saint-Nazaire.
La séance se poursuit avec la présentation d’outils numériques pour faire de la pédagogie sur l’environnement. Les visionnages critiques de vidéos, comme celle du Youtubeur d’extrême droite Raptor puis de celles de David Chavalarias, chercheur au CNRS donnent des clés aux participants et participantes pour déconstruire avec les jeunes les discours climato-sceptiques qui prolifèrent sur le web.
« L’idée de cet atelier est de déverrouiller certains freins, explique François-Xavier Josset, animateur de Fragil. Même si on n’est pas hyper en lien avec la question écologique, on peut faire réfléchir, apporter sa méthodologie et sa réflexion ». Et de faire le lien avec la lutte contre les fake news : Covid, sécheresse ou réchauffement climatique sont des sujets d’actualité sur lesquels circulent de nombreuses fausses informations.
Des idées d’ateliers pour les jeunes
Pour pouvoir aiguiller les jeunes sur ces questions, les Promeneur·euses du Net listent les médias « fiables » qui parlent d’environnement et qu’ils et elles pourraient recommander aux jeunes sur les réseaux sociaux. Les stagiaires du jour découvrent qu’il existe un grand nombre de ressources comme les comptes Instagram @epicurieux de l’animateur scientifique Jamy, @partager_ cest_sympa, ou encore @reporterre_media.
Cependant, comme le remarque Romane Tirel, l’animatrice de Fragil, aucun·e participant·e ne liste des comptes sur Tik Tok. Or, ce réseau social, très populaire chez les adolescent·es, reste « une base pour eux ».
De quoi nourrir la réflexion de ces animateurices sur des pistes d’actions, certaines ne manquant pas d’humour : organiser un jeu challenge « ma petite planète », calculer son empreinte carbone, imaginer des petites saynètes sur le ton de la provocation, et même une sortie plongée sous-marine pour observer les câbles en mer qui servent à la transmission des données sur Internet ! « Je souhaite proposer un atelier sur le parcours d’un like pour montrer aux jeunes que ce qu’ils font sur Internet n’est pas anodin, ça a un impact concret », raconte Yoane Huguin de Vertou. Grâce à cet atelier de Fragil, les Promeneur·euses du Net bouillonnent désormais d’idées pour inciter les jeunes à un usage du numérique plus responsable.