29 juillet 2020

BFM TV : “Filmer et diffuser la réalité de l’actualité, c’est excitant !”

Depuis son lancement à 18h le 28 novembre 2005 par Ruth Elkrief, BFM TV, “Première sur l’info”, a pris une place importante dans le Paysage Audiovisuel Français. Entretien avec B, technicien pour la chaîne d’info en continu depuis 2012.

BFM TV : “Filmer et diffuser la réalité de l’actualité, c’est excitant !”

29 Juil 2020

Depuis son lancement à 18h le 28 novembre 2005 par Ruth Elkrief, BFM TV, “Première sur l’info”, a pris une place importante dans le Paysage Audiovisuel Français. Entretien avec B, technicien pour la chaîne d’info en continu depuis 2012.

Mettons-nous d’accord : le sigle BFM signifie BusinessFM le nom de la radio d’information financière BFM dont elle devait être la déclinaison télé. Car quand est né le projet BFM TV en décembre 2004, la chaîne devait être consacrée à l’actualité, mais « notamment à l’information économique et financière », comme la station de radio du même nom. Depuis l’inauguration de la chaîne le 28 novembre 2005 par Ruth Elkrief, la ligne éditoriale du média a pourtant évolué vers l’actualité généraliste en continu, sous tous ses angles et à toutes les heures. Quelques émissions thématiques (politique, économie..) sont proposées en plus de sa principale composante d’information Non stop : journaux et éditions “tout en images”.

Propriété du groupe NextRadioTV créé par Alain Weill, ancien directeur général du NRJ Group, La chaîne détient entre autres BFM Business, RMC Story, RMC Découverte, BFM Paris, BFM Lyon, BFM Grand Lille et BFM Grand Littoral. Dix ans après le lancement de BFM TV, Alain Weill accepte en 2015 de faire partie du puissant consortium luxembourgeois Altice de Patrick Drahi, milliardaire franco-luso-israélien, 9ème homme le plus riche de France selon le magazine Forbes en 2019 et propriétaire des quotidiens Libération et L’express. En juillet 2019, Marc-Olivier Fogiel est devenu le directeur général de BFM TV et, sur toute l’année, la chaîne était, d’après Médiamétrie, la chaîne d’information la plus regardée de France.

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Les Breaking News vues de l’intérieur

Interviewé à distance pendant le confinement, B est, en temps normal, technicien reporter d’images pour BFM TV. Son rôle est de se rendre sur les lieux soit pour prendre des images d’événements politiques, sportifs ou d’actualité, soit pour réaliser des duplex en direct. Sa mission : faire le lien entre le plateau et le terrain en filmant et en gérant les transmissions. Il a commencé lors de la campagne présidentielle de 2012, cela fait donc maintenant huit ans qu’il occupe ce poste en tant qu’intermittent.

Dans cet entretien, il nous livre, sous couvert d’anonymat, sa version de l’information en continu, en l’occurrence celle délivrée par BFM TV.

L’info en continu

Fragil : Est-ce un choix de travailler pour une chaîne d’info en continu ? Si oui, pourquoi ?

B : C’est vraiment un choix. Même si je sais qu’une chaîne d’info en continu, c’est comme quelqu’un qui parlerait toute la journée, sans jamais s’arrêter. Au bout d’un moment, il est obligé de dire des conneries. Il me paraît impossible d’utiliser les chaînes d’info en continu comme une source d’info saine, sereine et posée. Mais il vaut mieux vivre dans un pays où il y a plein de chaînes d’info, qu’il y ait plein de flux différents et donc de points de vue, tous ensemble sur la même info, plutôt qu’un seul point de vue unique d’une seule chaîne. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas ces chaînes, c’est un peu le parallèle avec la presse écrite : il y a des journaux de gauche et des journaux de droite, tu sais vers quel type de point de vue tu t’orientes en ouvrant cette publication plutôt que celle-là. Moi, le boulot que je fais sur le terrain, ça fait partie de la démocratie. Quand je filme, je montre vraiment ce qui se passe, ce n’est pas tronqué, c’est du direct. Quand je suis dans une manif et que ça caillasse, ce que j’envoie, c’est ce qui se passe en vrai. Après, je ne maîtrise pas le traitement qui va être fait de mes images en plateau selon l’éditorialiste ou les invités qui y sont. Pour moi, ce sont deux mondes complètement différents, le terrain et le plateau. C’est pour ça qu’il ne faut pas mélanger les journalistes sur le terrain et ceux du plateau. Sur le terrain, on est tellement pressés que parfois, on ne prend pas le temps d’aller à la source, de croiser les témoignages. C’est pour ça que parfois, des erreurs peuvent être diffusées. Mais je trouve qu’à ce niveau-là, il y a de plus en plus de contrôles. Conclusion, tu ne regardes pas une chaîne d’info en pensant y trouver de l’info de qualité. Il faut du temps pour produire de l’info de qualité. C’est pour ça qu’un documentaire sera toujours mieux qu’un reportage et un reportage mieux qu’un duplex en direct.

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« Il n’y a plus cette attitude condescendante du plateau envers le terrain. »

Fragil : Quels sont les avantages et les contraintes liés à l’info en continu ?

B : Souvent, les contraintes et les avantages sont les mêmes. Dans l’info en continu, il y aura toujours la force d’être les premiers sur un événement parce qu’il y a beaucoup de collaborateurs partout en France et dans le monde. L’envers de la médaille, c’est parfois les erreurs dues à la spontanéité. Pour le journal télévisé des autres chaînes comme TF1 ou France 2, ils prennent du temps pour le préparer, pour monter des sujets. Dans l’info en continu, tu montres le direct qui n’est pas monté, tu montres donc ce qui se passe, le réel. Là où ça peut être casse-gueule, c’est ce qui se dit en plateau. C’est donc à double tranchant. La spontanéité et la véracité des images et du son que tu envoies en direct misent à l’épreuve des filtres en plateau selon les invités et l’éditorialiste. Parfois, c’est l’inverse. Le plateau annonce des infos que les journalistes n’ont pas sur le terrain. Avant, ils se retrouvaient bien embêtés à devoir confirmer cette info sans pouvoir la vérifier. Maintenant, quand le plateau annonce des infos non vérifiables, les journalistes sur le terrain se permettent beaucoup plus de répondre : “Ici, on n’a rien vu”.  Les journalistes de terrain en ont eu marre qu’on les critique et ils prennent plus facilement leur distance avec les infos provenant du plateau. Il n’y a plus cette attitude condescendante du plateau envers le terrain.

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« Parfois, ils ne diffusent pas les images que nous considérons importantes. »

Fragil : Avez-vous déjà été témoin de détournement idéologique des images que vous veniez d’envoyer ? 

B : Quand j’envoie des images, elles arrivent au trafic. Le trafic, c’est une pièce dans laquelle travaillent plusieurs personnes qui sont enfermés dix heures par jour avec des écrans partout, provenant de tous les flux d’images que reçoit la chaîne. Quand ce n’est pas du direct, je les appelle et je les préviens du contenu des images que je leur envoie. Ils l’enregistrent sur une sorte de serveur et des réalisateurs ou des monteurs réalisent des reportages. En parallèle, notre rédacteur annonce au bocal, la rédaction centrale, la teneur des images envoyées. Parfois, ils ne diffusent pas les images que nous considérons importantes. Par exemple, sur le blocage d’un dépôt de bus où tout se passait très bien, bonne ambiance, des gens très sympas. La police est arrivée, créant une petite bousculade au début. Les grévistes n’avaient pas bloqué l’entrée du dépôt, ils étaient sur le côté, près des grilles. Les CRS en ont profité pour bloquer l’entrée et ont fait sortir les bus. Ça a commencé à chauffer, j’ai envoyé quelques images. Quand je n’étais plus en direct, je suis monté sur un abribus pour filmer la scène en hauteur. J’avais les deux clans fassent à face. Les Forces de l’ordre ont violemment tiré deux manifestants hors du groupe. Les images étaient fortes. Il y a eu des tirs de flashballs. J’ai envoyé au trafic 6 à 10 minutes de rushs. J’informe de la violence des interpellations. Finalement, ils ne l’ont pas diffusée. Là, je me suis posé des questions. En fait, on s’est rendu compte que la plupart des temps, les employés du trafic ne prennent que les premières images des envois parce qu’ils travaillent dans une telle urgence qu’ils n’ont pas le temps d’analyser tous les contenus.

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Making of

Fragil : Vous déplacez-vous seul ? Etes-vous en lien avec des journalistes locaux ? 

B :  Ca dépend. Je peux être amené à travailler avec des équipes de Paris ou des équipes en province. Dans 90% des cas, les rédacteurs viennent de Paris. Je peux également être amené à travailler avec des rédacteurs locaux. BFM, M6 et LCI ont énormément de correspondants locaux, rédacteur et JRI (Journaliste Reporter d’Images qui peuvent filmer, monter un sujet et apparaître à l’écran pour un duplex).

Fragil : Comment se passe le trio ? Comment se déroule un reportage avec deux autres personnes ?

B : Le choix du trio est complètement aléatoire. Il n’y a pas de trio attitré. Il y a des affinités. Mais ce n’est pas obligatoirement un trio, ça peut également être plus de personne quand il y a un gros événement. Parmi les rédacteurs qui se déplacent sur place, certains sont spécialisés. Par exemple justice, santé, politique… Sur un quinquennat par exemple, tu vas avoir des équipes qui vont suivre Macron, d’autres qui vont suivre Le Pen, d’autres Mélenchon, pour qu’une confiance se crée et pour, au bout du compte, obtenir plus de off. Cette stratégie est un avantage comme un inconvénient. J’ai une collègue qui était rédactrice politique spécialisée Le Pen, très professionnelle, très carrée, on lui a reproché d’être devenue “amis” avec toute la team du front national. Elle était toujours au courant avant tout le monde de tout ce qui concernait les Le Pen. Parce qu’elle a bien fait son travail de journaliste, selon moi.

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« Je n’ai jamais vu des sujets remontés. »

Fragil : Comment est envoyé le flux vidéo entre les régies mobiles et les studios ?

B : Par satellite. Soit avec les carsats (cars satellites). Les images arrivent au trafic où ils récupèrent tous les faisceaux de toutes les chaînes (françaises et internationales) et les dispatchent au desk, des journalistes qui traitent les images pour monter des sujets ou pour de l’habillage. Soit il y a des systèmes HF (Haute Fréquence) avec une caméra reliée à une base portable en sac à dos. La base est elle connectée grâce à huit cartes SIM au satellite et permet d’envoyer des images.

Fragil : Comment sont montés les sujets ? Sur place ou en studio ? Des sujets montés sont-ils remontés par Paris ?

B: Je ne monte pas les images que j’envoie. Il arrive assez souvent que les journalistes qui m’accompagnent, les rédacteurs, et les JRI, qui filment avec nous mais à part, montent des sujets. Je n’ai jamais vu des sujets remontés. Parfois, ils ne sont pas validés, mais c’est dans la forme. Honnêtement, je n’ai jamais assisté à de la censure chez BFM. Je n’ai jamais été coupé pendant les directs que j’envoyais, que ce soit avec des zadistes, avec des flics…

 

L’esprit BFM

Fragil : Avez-vous l’impression de travailler dans de bonnes conditions ?

B : En ce qui concerne mes conditions de travail en tant que technicien, depuis quelques temps, ils font très attention au respect du nombre d’heures travaillées par jour, parce que toutes les heures sup sont payées. Alors que les rédacteurs sont employés, ils les pressent donc beaucoup plus. Mais le vrai problème, c’est que maintenant, dès que j’affiche le nom de la chaîne pour laquelle je travaille, je deviens une cible. Depuis les manifs contre le mariage pour tous, il y a eu un basculement. Il y a vraiment un avant et un après. Avant, on arrivait n’importe où, on était très bien accueillis. Pendant les manifs contre le mariage pour tous, j’ai vu des gamins me cracher dessus en me traitant de collabo, de juif, de mytho… Ce qui était terrible, c’était d’en prendre de tous les côtés : de l’extrême gauche à l’extrême droite. On était subitement devenus les “merdias”. Maintenant, sur les manifs, notamment celles des gilets jaunes, on travaille avec deux gardes du corps à nos côtés.

Fragil : Comment interprétez-vous cette agressivité ?

B : Chacun a le droit de penser ce qu’il veut de BFM. Mais c’est juste de la bêtise de s’en prendre à des humains qui font honnêtement leur boulot. Selon moi, le problème est que les gens regardent les chaînes d’info en continu toute la journée. Quand tu les regardes dix minutes pour avoir une idée de l’actualité, c’est acceptable. Mais si tu passes la journée, ça ne sert à rien. Selon moi, ce n’est pas la meilleure façon de consommer ces médias.

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« Il y a un mélange d’adrénaline et de fatigue quand tu es sur le terrain. »

Fragil : Y a t-il eu de nouvelles directives pour éviter que certains « ratés » ne se reproduisent ?

B : Là-dessus, depuis l’hyper casher où ils ont voulu aller trop vite et ont fait n’importe quoi, ils ont pris des mesures au niveau du croisement de sources. Avant, c’était deux sources minimum. Maintenant, il en faut quatre ou cinq. C’est beaucoup plus carré. Il y a également eu une petite fronde des journalistes sur le terrain qui en ont eu marre de se faire taper sur les doigts pour les erreurs qui étaient dites en plateau. Il y a un mélange d’adrénaline et de fatigue quand tu es sur le terrain. Ils ont donc demandé plus de temps pour faire leur travail correctement.

Fragil : Quel genre de rapports avez-vous avec les journalistes en plateau ?

B : Je n’ai aucun rapport avec le plateau. Certains journalistes sont passés du terrain au plateau, je les connais donc personnellement. Mais, professionnellement parlant, je n’ai aucun contact avec eux. Le rédacteur est lui en contact avec le bocal, c’est à dire, les rédacteurs en chef.

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« Je filme le réel. »

Fragil : Vous est-il arrivé de réaliser des sujets en désaccord avec vos convictions et vos valeurs ? 

B : Quand on m’envoie quelque part, je filme sans recul de traitement, je filme le réel. Interviewer des personnes qui ne sont pas de mon bord, ça fait partie de mon boulot, c’est mon rôle citoyen. Si je n’interviewe que des gens de mon bord, je n’ai fait que la moitié du travail. Pour le traitement qui en est fait ensuite, les gens savent à quoi s’en tenir quand ils regardent BFM, Cnews ou FranceInfo. En revanche, certains sujets peuvent parfois être limite dangereux. Il y a quelques années, j’ai été envoyé dans une banlieue, une bande venait de piller les voyageurs dans le RER. A la fin de la journée, alors que la police et les autres équipes s’en allaient, le bocal nous a demandé d’aller faire du porte à porte dans la cité pour recueillir des témoignages. Il était presque 20h, des voitures tournaient autour de nous et on sentait la tension monter. On a pris la décision de partir. Du bocal, ils ne se rendent pas compte que parfois, ils nous mettent en danger.

Fragil : A quel point l’adrénaline est elle motrice de votre motivation à continuer à ce poste ?

B : L’adrénaline n’y est plus vraiment beaucoup. Sur le terrain, c’est de plus en plus dur. Moralement et physiquement. Je fais ce boulot parce qu’il faut le faire, même s’il m’arrive de penser à autre chose. C’est aussi la camaraderie que je retrouve entre les collègues sur le terrain qui m’y fait revenir. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il y a beaucoup d’entraide entre nous. La course entre les chaînes se passe au niveau des rédactions, dans les bureaux, mais nous, sur le terrain, c’est beaucoup plus fraternel. Dans une meute, quand tu recherches la bonne image, ça peut bouger, ça peut jouer des coudes, ça peut se pousser, mais à la fin, on va tous boire un verre ensemble. Quand tu es bien placé et que tu sais que tu as la meilleure image possible, tu es fier et ça motive. Surtout qu’en direct, il n’y a pas le droit à l’erreur. Savoir qu’on est en direct, c’est aussi euphorisant. Filmer et diffuser la réalité de l’actualité, c’est excitant.

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« C’est la couleur politique de la chaîne. »

Fragil : Que pensez-vous de l’influence que BFM peut avoir sur des élections ?

B : Cette rumeur de BFM Télé macron a beaucoup circulé. Il est clair que sur le plateau, il y a des macronistes et ils ne s’en cachent pas. Il y aussi le patron de BFM (ndlr Patrick Drahi). Après, au niveau du traitement sur le terrain, par exemple une campagne, BFM, comme toutes les autres chaînes, est obligée de suivre les directives du CSA sur le temps de parole. J’ai travaillé sur deux campagnes. En 2012, BFM était une petite chaîne différente, toute nouvelle, qui montait et on a très bien travaillé. En 2017, c’était une grosse chaîne. Sur le terrain, je n’ai pas senti de favoritisme. C’était plus au niveau de l’éditorial. C’est la couleur politique de la chaîne.

 

Quoi qu’on en pense, les chaînes d’information en continu font désormais partie du paysage audiovisuel français. Et comme l’affirme notre contact : « il vaut mieux vivre dans un pays où il y a plein de chaînes d’info, plutôt qu’un seul point de vue unique d’une seule chaîne. »

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017