2 juillet 2024

« Ça m’a déter » : à Trempo un stage pour accompagner les rappeuses

Depuis quatre ans, la structure de formation musicale Trempo ainsi que le club de rappeuses nantaises La.Club organisent le Summer Camp, un stage de création rap d’une semaine réservé aux femmes et aux minorités de genre. Cette année, les cinq jours d’ateliers se tiennent dans les studios de Trempo du 1er juillet au 5 juillet avec douze stagiaires. Deux des organisatrices reviennent sur les objectifs de cet événement.

« Ça m’a déter » : à Trempo un stage pour accompagner les rappeuses

02 Juil 2024

Depuis quatre ans, la structure de formation musicale Trempo ainsi que le club de rappeuses nantaises La.Club organisent le Summer Camp, un stage de création rap d’une semaine réservé aux femmes et aux minorités de genre. Cette année, les cinq jours d’ateliers se tiennent dans les studios de Trempo du 1er juillet au 5 juillet avec douze stagiaires. Deux des organisatrices reviennent sur les objectifs de cet événement.

« Je pense que ça a ouvert la place aux femmes dans le rap nantais parce que c’est très masculin », raconte Agathe, alias Kriya, 26 ans, ancienne stagiaire de l’édition 2021 du Summer Camp au sujet de cette semaine de création musicale proposée par Trempo et La.Club aux rappeuses amatrices en voie de professionnalisation. C’est par le biais d’un appel à projets que la jeune femme décide de candidater sur le site de Trempo pour participer à la première édition du Summer Camp en 2021. « On a commencé le premier jour avec F6NA, une beatmakeuse qui nous avait fait une petite histoire du hip hop et qui nous a fait écouter une dizaine de prod’, fallait choisir celle qui te plaisait et ensuite, sur la semaine, tu allais écrire et enregistrer sur cette prod’ là, se souvient-elle, le lundi c’était beatmaking et le lendemain c’était avec KT Gorique qui nous faisait une petite initiation au freestyle ».

Le Summer Camp né d’une disparité entre homme et femme dans les groupes de musique

Raphaèle Pilorge, responsable des actions culturelles à Trempo explique avoir commencé à réfléchir à la création du Summer Camp dès 2019 : « On a monté des stages de pratiques collectives en mixité choisie qu’on appelle des Boot Camps et sur ces stages on a fait le constat qu’il y avait très peu de candidatures féminines ». A la même époque, le dispositif MAD mis en place par la structure Trempo permettait d’accompagner des groupes amateurs lycéens mais aussi plus âgés pour les initier et les former à la pratique scénique. Ce dispositif a notamment permis à Raphaèle Pilorge de constater une disparité de représentativité entre femmes et hommes au sein des groupes de musique : « Chez les lycéens, les filles représentent plus de 50% des groupes accompagnés, tandis que les amatrices confirmées sont moins de 10% » se rappelle la responsable des actions culturelles de Trempo. Toujours en 2019, Raphaèle rencontre Pumpkin, la fondatrice du club réservé aux rappeuses amatrices nantaises La.Club qui est « très engagée sur ces questions de représentation d’artistes féminines et qui en a ras-le-bol de répondre à la question des journalistes qui l’interrogent sur la difficulté d’être une femme dans le rap ». Ensemble, elles décident de profiter de la présence des rappeuses nantaises identifiées avec La.Club en les interrogeant sur « leurs besoins, leurs envies, les manques qu’elles rencontrent » afin de construire le programme pédagogique du Summer Camp. La première édition de ce stage d’une semaine réservé aux rappeuses amatrices a pu être financé grâce à un appel à projets lancé par le Centre National de la Musique en faveur de l’égalité dans la musique. L’idée d’ouvrir le programme aux minorités de genre s’est développée très rapidement explique Raphaèle Pilorge « dans la première promotion, il y avait des personnes issues des minorités de genre, des personnes non binaires, des personnes en transition, qui s’étaient autorisées à postuler et qui ont bien fait car cela nous a permis de réfléchir à l’idée d’élargir le profil des candidat.es ». 

Pumpkin (à droite avec le micro), rappeuse nantaise qui a fondé le club de rappeuses nantaises La.Club et qui a participé à la création du Summer Camp avec Trempo.

Un stage gratuit en mixité choisie qui vise à accompagner au mieux ses participantes

L’accent de cette semaine de stage a aussi été mis sur son accessibilité « tous les stages en mixité choisie qu’on organise à Trempo sont gratuits » explique Pauline Malaterre, chargée des actions culturelles à Trempo. « On prend en charge l’hébergement et une partie des transports pour les stagiaires et il y a cette garde d’enfants qui est proposée pour ne pas isoler les personnes qui sont mères ou pères » indique-t-elle. Les organisatrices font aussi appel à une psychologue présente tout au long de la semaine pour proposer des entretiens individuels aux stagiaires. Raphaèle Pilorge insiste également sur l’importance de la mixité choisie durant le stage, « on est en mixité choisie totale, donc on accepte quelques journalistes hommes mais sinon tous les prestataires, tout le STAFF, tous.tes les intervenante.es sont des femmes ou des personnes issues des minorités de genre ». Une charte est aussi co-écrite par les stagiaires et les organisatrices pour expliquer les valeurs et garantir « ce cadre safe place » explique la responsable d’actions culturelles à Trempo.

« On cherche une diversité de profils avant toute chose »

Concernant la sélection des stagiaires, l’un des premiers critères est la diversité nous explique les programmatrices du Summer Camp : « On cherche une diversité de profils avant toute chose, donc il y a assez peu de critères de niveau. Je rappelle qu’on s’adresse à des artistes amatrices et dans l’amateurisme, il y a beaucoup de profils différents ». Parmi les rappeuses qui intègrent cette semaine de stage, certaines pratiquent le rap comme loisir tandis que d’autres souhaitent se professionnaliser mais n’osent pas encore franchir le pas. « Certaines n’osent pas rêver à la professionnalisation mais peut-être qu’après une expérience comme le Summer Camp, elles vont s’autoriser à imaginer un parcours professionnel dans le secteur », indique Raphaèle Pilorge. Cette volonté de diversité se retrouve aussi dans les différents genres de rap proposés par les participantes : « on fait attention à ce qu’il y ait plusieurs sous genres du rap qui soient représentés on a des candidates qui font du boom bap, d’autres qui font de la trap, d’autres qui chantent, c’est très varié », précise l’organisatrice du Summer Camp. Cette année, la quatrième promotion est composée de rappeuses âgées de 19 à 38 ans qui viennent de toute la France avec comme priorité l’idée d’intégrer une majorité d’artistes amatrices de la région des Pays de la Loire « on a un noyau dur de stagiaires, un peu moins d’un tiers, qui viennent de la région et après elles viennent de toute la France », nous confie Raphaèle Pilorge.

Agathe, alias FRIYA, participante de la première édition du Summer Camp en 2021 à Trempo.

Permettre aux rappeuses de se sentir légitimes

Pour Agathe, cette semaine de stage auprès de rappeuses et de professionnelles de la musique en 2021 lui a permis de réaliser qu’elle pouvait entrer elle aussi dans ce milieu : « Avant le stage, c’était dans ma tête, mais je me disais que c’était pas vraiment une activité professionnelle ». L’événement en mixité choisie permet notamment à des femmes qui partagent une passion commune pour le rap et la pratique musicale de se retrouver entre elles, ce qui est assez compliqué dans ce milieu explique la jeune femme : « Ca m’a permis de rencontrer des femmes qui font du rap et c’est pas partout que tu le peux […] ça m’a donné envie de continuer, je me suis dit que j’étais pas forcément toute seule ». L’ancienne participante du Summer Camp a pu trouver une légitimé grâce à cette semaine d’ateliers et de formations en dépassant les idées limitantes qu’elle pouvait avoir auparavant, « la musique on te fait un peu croire que ce n’est qu’un loisir et en vrai ce stage m’a permis d’avoir confiance en moi, d’avoir cette légitimité, ça nous a donné beaucoup de force et moi ça m’a déter » explique-t-elle.

En attendant la restitution de l’édition 2024 en fin de semaine, rappelons que de la première édition du Summer Camp 2021 est né le collectif de rappeuses XXFLY qui s’impliquent aujourd’hui dans la scène hip hop nantaise avec des artistes « vraiment déter » précise Agathe, « il y a Supanova, Le Mago, Skar Lena et Shadéblauck [Double C et JOMEI] qui organisent des événements ou encore des open mic… ».

Infos utiles : Jeudi 4 juillet à partir de 18h une soirée ouverte au public est organisée sur la terrasse de Trempo avec une émission en plateau animée par la radio Prun’ qui proposera des interviews et des freestyles des stagiaires du Summer Camp 2024. Les visiteur.euses pourront assister ensuite à un concert de la rappeuse Nayra suivi par La Valentina.

La programmation de cette soirée est à retrouver ici.

L'arrivée d'Antoine à Fragil est une suite presque évidente à son parcours, ses rêves et ses passions. Il dégage une sensibilité palpable de par ses mots et ses intonations.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017