2 mars 2023

« Ça pousse à se comparer tout le temps aux autres » : Fragil recueille la parole des ados quant aux réseaux sociaux

Le 22 février, Fragil animait un temps d'échanges au CSC de Bellevue, dans le cadre d'une journée de découverte et de prévention autour du numérique organisée par l'Accoord.

« Ça pousse à se comparer tout le temps aux autres » : Fragil recueille la parole des ados quant aux réseaux sociaux

02 Mar 2023

Le 22 février, Fragil animait un temps d'échanges au CSC de Bellevue, dans le cadre d'une journée de découverte et de prévention autour du numérique organisée par l'Accoord.

Une première pour l’équipe de l’association Fragil. À l’entrée de la salle principale du centre socioculturel de Bellevue, des grands panneaux métalliques ont étés installés pour afficher les opinions des ados qui déambuleront toute la journée. Organisée par l’Accoord à destination des jeunes que l’association d’éducation populaire encadre, cette journée de découverte et de prévention autour du numérique permet aux ados de s’initier à la programmation et au code avec de la robotique et Minecraft, de découvrir les joies du rétrogaming ou encore de réfléchir aux enjeux du numérique. C’est sur cette dernière thématique que Fragil a décidé d’intervenir en s’appuyant pour la première fois sur l’outil de « porteur de paroles ».

Une exposition qui déclenche des discussions.

Au milieu des jeux vidéos : des discussions

Tout au long de la journée, deux salarié·es de Fragil se sont relayé·es pour entamer la discussion avec les adolescent·es autour de deux phrases qu’ils et elles étaient invité·es à compléter : « les réseaux sociaux sont une bonne chose parce que… » et « les réseaux sociaux sont une mauvaise chose parce que… ».  Parfois un peu réticent·es à prendre du temps pour discuter au premier abord, la concurrence avec les consoles de jeu mises à disposition étant féroce, les ados auront toutefois des choses à dire pour défendre leurs opinions sur les réseaux sociaux. À l’issue de la journée, une cinquantaine de témoignages ont été recueillis auprès des 120 jeunes présent·es et de leurs encadrant·es.

Exemples de témoignages recueillis pour compléter la phrase : « les réseaux sociaux sont une mauvaise chose parceque… »

Les réseaux sociaux comme remède à l’ennui, mais pas que

Il est intéressant de souligner la récurrence de l’argument du palliatif à l’ennui utilisé par les ados interrogé·es pour défendre les réseaux sociaux :

« On s’amuse, on ne s’ennuie pas, on regarde des vidéos. Sans les réseaux on s’ennuierait beaucoup plus » Enzo, 14ans

« Ça fait passer le temps en attendant la fin de la journée » Ayden, 12 ans

« Les réseaux c’est bien, quand je m’ennuie je vais sur TikTok » Mouad, 12 ans

Au delà de lutter contre l’ennui, les ados plébiscitent les réseaux sociaux pour ce qu’ils permettent de découvrir, ou de faire voyager :

« Les réseaux c’est toute ma vie, ça me fait sortir de la réalité »  Yasmine, 15 ans

« Les réseaux ça permet de faire plein de choses : rigoler, découvrir, passer le temps, s’amuser… » Bilel, 14 ans

Les réseaux permettent aussi de rassembler :

« Ça peut servir pour les associations, aider les assos pour la santé et le handicap par exemple, récolter de l’argent ! » Amira, 13ans

« Les réseaux ça dessert les individus mais ça sert les communautés ! » Meindert, 27 ans

« On peut se faire des amies, discuter avec des proches qui habitent loin » Léa, 15 ans

Des limites bien assimilées par les jeunes

Contrairement aux idées reçues, lorsqu’il s’agit de critiquer les réseaux sociaux, les ados ne sont pas avares d’arguments. Les risques liés au cyberharcèlement sont régulièrement cités :

« Les réseaux amènent de la moquerie, des mensonges, du harcèlement, de l’irrespect… » Abdou, 12 ans

« On peut se faire harceler, on peut avoir notre localisation et c’est dangereux à cause des gens malhonnêtes » Lylou, 11 ans

« Il y a plus de négatif que de positif, il peut y avoir des rumeurs fausses sur toi » Lisa, 12 ans

Instagram, TikTok et consorts sont aussi ressentis comme des outils favorisant la sensation de perte de temps :

« On est asphyxiés par les réseaux, donc on passe moins de temps dehors » Maureen, 11 ans

« Quand on est accro, ça nous déconnecte du monde. Ça nous empêche de profiter de nos proches. Ça nous fait nous coucher tard, même si on a cours le lendemain. » Seynabou, 13 ans

Les impacts sur les comportements individuels sont aussi pointés par les jeunes

« Ça pousse à la consommation, à cause de l’influence » Lyna, 10 ans

« Ça pousse à se comparer tout le temps aux autres » Meriem,10 ans

 

 

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017