10 novembre 2017

Carte blanche à Gabriel Saglio et les Vieilles Pies

Réunir Jacques Brel et Salif Keïta c’est le pari que lance Gabriel Saglio sur son nouvel album « Le chant des rameurs ». Bercé par la chanson traditionnelle française et les rythmes maliens, Gabriel nous invite à un voyage métissé, accompagné de son groupe Les Vieilles Pies et de pointures de la musique africaine comme Mamani Keïta, Sekouba Bambino et Christine Salem. L’occasion pour Fragil de rencontrer ce chanteur humaniste et de l’écouter Salle Paul Fort où il était en concert le 07 novembre.

Carte blanche à Gabriel Saglio et les Vieilles Pies

10 Nov 2017

Réunir Jacques Brel et Salif Keïta c’est le pari que lance Gabriel Saglio sur son nouvel album « Le chant des rameurs ». Bercé par la chanson traditionnelle française et les rythmes maliens, Gabriel nous invite à un voyage métissé, accompagné de son groupe Les Vieilles Pies et de pointures de la musique africaine comme Mamani Keïta, Sekouba Bambino et Christine Salem. L’occasion pour Fragil de rencontrer ce chanteur humaniste et de l’écouter Salle Paul Fort où il était en concert le 07 novembre.

Difficile de rester en place sur son siège quand résonnent les premières notes des percussions du Maloya. Ils sont six sur scène, près de 400 dans le public, réunis ce soir pour un voyage interculturel des plus dépaysant. Guitare, basse, batterie, clavier, accordéon se mélangent naturellement au kayamb, instrument traditionnel réunionnais, et à la flûte pygmée du Cameroun. Les voix de Sekouba Bambino, invité « surprise » et de la flamboyante Fanta Sayon Sissoko participent à nous emmener loin, très loin du crachin nantais, vers les terres arides de l’Afrique de l’Ouest. L’ambiance se réchauffe peu à peu. La voix du public commence à se faire entendre timidement quand Gabriel l’invite à reprendre en chœur la clameur du « Chant des rameurs », titre du nouvel album. Puis le silence s’impose face à la parenthèse enchantée que nous offre un duo kora-voix improvisé le jour même. L’émotion redouble à l’écoute du premier extrait de l’album « Un bout de terre entre les doigts », la voix cassée de Gabriel simplement accompagnée d’une guitare, rejoint par un accordéon, puis par le timbre de Sekouba Bambino. Après deux heures de show, la fête va battre son plein avec « Dansons ». Ce public, qui aura été si long à chauffer, va se retrouver debout à taper des mains, encourageant les musiciens qui ont tout sauf l’envie de quitter la scène. La Bouche d’air est en feu, le pari des Vieilles Pies est réussi !

[aesop_image imgwidth= »50% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2017/11/Gabriel-Saglio-les-Vieilles-Pies-c-Benjamin-Guillement.jpg » credit= »Benjamin Guillement » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

 

Rencontre avec Gabriel Saglio, un artiste « humaniste »

Fragil : Pour le lecteur qui vous découvre, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vous et votre parcours ?
Gabriel Saglio : J’ai monté les Vieilles Pies à l’âge de 18 ans dans la campagne de Rennes. Étant clarinettiste j’étais plutôt attiré par les musiques klezmers au début. Nos premiers albums étaient un mix de plein d’influences différentes : klezmer, musique africaine, pied noir, hip hop…Pour ce nouvel album, on a décidé de prendre un virage vers la musique africaine, plus particulièrement l’Afrique de l’Ouest. On a invité des grands noms de cette musique, comme Mamani Keïta (Mali), Sekuba Bambino (Guinée Conacrie) et Christine Salem (La Réunion). Et l ‘album a été mixé par Timour Cardenas, l’ingé-son d’Alpha Blondy !

[aesop_image imgwidth= »60% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2017/11/Gabriel-Saglio-les-Vieilles-Pies-c-Yannick-Pirot.jpg » credit= »Yannick Pirot » align= »center » lightbox= »on » caption= »Gabriel Saglio et les Vieilles Pies » captionposition= »center » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

J’ai beaucoup d’affinités avec le continent africain.

Fragil : Quelles relations entretenez-vous avec la musique et la culture africaine ?
Gabriel Saglio : J’ai beaucoup d’affinités avec le continent africain. Je suis fan absolu de Keïta que j’écoute en boucle. J’ai vécu en Afrique, j’y retourne quasiment tous les ans, ma belle-famille est camerounaise ! Aujourd’hui on a également intégré un musicien camerounais au groupe.

Fragil : D’où vient le titre de l’album « Le chant des rameurs » ?
Gabriel Saglio : C’est une chanson qu’on joue en live depuis quelques temps déjà. On vient d’enregistrer la version studio. À l’origine, c’est un très beau poème sénégalais de Birago Diop qui représente bien notre album aux sons métissés.

Fragil : J’ai découvert avec émotion le clip d’ Un bout de terre entre les doigts, votre duo avec la chanteuse malienne Mamani Keïta, qui illustre le sort des migrants arrivant en Europe. Quelle est l’origine de cette chanson?
Gabriel Saglio : « Un bout de terre entre les doigts » est à l’origine une chanson de mon frère aîné Camille, que nous chantions en duo. Je lui ai demandé si je pouvais lui « emprunter » pour cet album et quand il a su que c’était Mamani Keïta qui allait m’accompagner, il n’a pas hésité !

 

Fragil : Le sujet des migrants vous tient à cœur ?
Gabriel Saglio : Oui cette question me touche beaucoup. Dans notre société actuelle, on est dans la peur des autres cultures et je trouve ça triste. En musique, c’est très simple de prendre le meilleur de chaque culture pour s’enrichir mutuellement. En tant que musicien, j’ai à cœur de mettre ce mélange des richesses en avant.

Dans notre société actuelle, on est dans la peur des autres cultures et je trouve ça triste.

Fragil : Ça fait partie des missions de l’artiste de s’engager ?
Gabriel Saglio : C’est vrai que ça fait quelque temps qu’on me colle cette étiquette d’artiste engagé dont je me suis beaucoup méfié au début parce que j’avais envie de rester un chanteur « populaire », qui parle à tout le monde. En ce moment, il y a tellement peu de rencontres entre les différentes classes sociales ! Quand on est musicien, on a la chance d’être des passeurs et les concerts deviennent des vecteurs de rencontres, de lien social… En même temps si dans le contexte actuel, rappeler que dans ces migrants on peut trouver des pères qui ont laissé leurs enfants, leur mère, qui ont passé 4 ans entre la Lybie et le Maroc, qu’ils arrivent en France exténués, si c’est ça être engagé alors oui, je suis engagé !

Quand on est musicien, on a la chance d’être des passeurs et les concerts deviennent des vecteurs de rencontres, de lien social…

Fragil : Contrairement à d’autres chanteurs qu’on dit « engagés » j’ai l’impression que vous n’êtes pas dans la révolte ou la revendication. Vous pointez du doigt des problématiques d’une manière poétique, souvent accompagné d’un message positif. Êtes-vous un optimiste ? Avez-vous envie de donner de l’espoir aux gens, malgré tout ?
Gabriel Saglio : J’ai toujours envie d’axer mes chansons sur l’humain. Je ne critique jamais frontalement la société, certains le font très bien et je les respecte tout à fait. Personnellement, je ne sais pas écrire comme ça. Pour moi, qu’importe sa culture, ses origines, son éducation, on a tous une base commune qui est l’envie de reconnaissance, d’amour…On est tous un peu porteurs d’espoir.

Fragil : Que représente le concert de mardi pour vous ?
Gabriel Saglio : Ce concert est l’aboutissement de 15 ans de travail. On a réuni des invités d’exception et on a envie que ce soit une grande fête interculturelle ! Il y a 2 concerts très importants pour nous : Nantes, parce que c’est notre ville d’adoption, notre chez-nous et Le café de la danse à Paris, parce que c’est Paris, que c’est la jungle et que c’est toujours dur de sortir son épingle du jeu là-bas.

Fragil : Une tournée est-elle prévue en Afrique ?
Gabriel Saglio : Oui carrément ! Cameroun, Mali et La Réunion sont prévus pour l’instant.

[aesop_image imgwidth= »40% » img= »https://www.fragil.org/wp-content/uploads/2017/11/Gabriel-Saglio-Flyer-Nantes.jpg » align= »center » lightbox= »on » captionposition= »left » revealfx= »off » overlay_revealfx= »off »]

Le nouvel album de Gabriel Saglio « Le chant des rameurs » sortira le 2 février 2018.
Avec Christine Salem (« La vie souffle »), Sekouba Bambino (« Le canal du midi ») et Manani Keïta (« Un bout de terre entre les doigts »).

Alsacienne d'origine, exilée dans le sud après un périple de quelques mois autour du monde, Christelle vient de poser ses valises dans la charmante ville de Nantes. Ciné, musique, expo, elle vous invitera à la suivre dans l'exploration de son nouveau terrain de jeu !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017