Aller au concert de Christophe, c’est comme certaines tendances vintage : complètement ringard pour certains, résolument branché pour d’autres. Dans la foule qui se presse dans le hall du lieu unique se mélangent jeunes et moins jeunes. On en démasque certains venus pour entendre Les Mots bleus et crier Aline, on repère les jeunes qui l’ont peut-être découvert grâce à Christine and the Queens et sa très sensible reprise de Paradis Perdus. Et ceux-là l’ont peut-être trouvé résolument moderne, cet oiseau de nuit qui emmerde tout le monde. Dans son dernier album Les Vestiges du Chaos, sorti en avril 2016, Christophe ouvre de nouvelles voies vers la musique electro, trafiquant comme il l’aime musique et voix à grand coups de synthés et de logiciels.
L’homme est sensible. Ce que l’on avait ressenti à l’écoute émue de son album se confirme sur scène. Christophe est là, omniprésent et tout à la fois si discret, noyé dans un halo brumeux d’où nous le distinguons à peine, comme pour mieux l’entendre. Comme l’album, le concert s’ouvre avec le titre Définitivement, dans lequel sa voix cristalline nous propose « de réunir [n]otre plus belle âme et [s]a plus grande flamme ». On ne pourra qu’honorer ce pacte tacite, tant le chanteur se montrera à la hauteur de sa promesse. Avec cette chanson, le ton du concert est déjà donné : le niveau de qualité sera très élevé, reflétant l’exigence d’un chanteur-compositeur perfectionniste. Il avait avoué dans une longue interview donnée à Libération cette année avoir travaillé la chanson Tangerine pendant plusieurs années avant de l’estimer « prête ». L’exigeante évidence est là, mais elle est humble.
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Car c’est avec beaucoup de sincérité que Christophe partagera avec nous plus de deux heures de musique, interprétant l’intégralité de son dernier album sans négliger les titres qui l’ont rendu célèbre : « Je les aime toutes, mes chansons, alors je prends beaucoup de plaisir à les chanter. » La voix, quasi identique à celle de l’album, est pure et claire, comme on l’a toujours connue. Aux forts accents electro-rock, portés par une mise en lumière qui joue avec les pixels lumineux, succèdent des reprises piano-voix, presque chuchotées à nos oreilles. Dans ce chaos parfaitement organisé, Christophe est entouré de six musiciens talentueux, qu’il prend soin de mettre tour à tour en avant au gré des morceaux. Il consacrera à son violoniste, ancien musicien d’Alain Bashung, une émouvante reprise.
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« Mettons-nous d’accord maintenant », avait-il prévenu au début du concert, « oui, je vais la chanter, Aline. Mais après, vous le saurez, il ne faudra pas essayer de me faire revenir, car ce sera le moment de nous quitter. Le moment pour vous de rentrer chez vous et de boire un verre à ma santé dans la cuisine. » Et c’est une Aline en forme de feu d’artifice rock qui conclut le concert, signature désinvolte d’un chanteur qui se rit des convenances, vivant discrètement à l’heure où tout le monde dort.
Loin de certains artistes de sa génération, ressassant éternellement leur tubes passés en quête d’un regain de gloire qui les rendrait presque pathétiques, Christophe a fait le choix de s’ancrer dans le présent. Et cela lui donne, sous sa moustache gauloise, un petit quelque chose d’émancipé, de rebelle et d’utopiste.