4 octobre 2024

Correspondant historique aux Dervallières, Jean Le Menn, souligne la « richesse humaine » du quartier

Correspondant depuis 30 ans au quartier des Dervallières, cet ancien professeur d'anglais est le "témoin vivant", de l'évolution de ce quartier. Présent ce samedi à la Fabrique en Scène pour une table ronde organisée par Fragil sur le thème "Informer et s'informer dans les quartiers prioritaires". Jean Le Menn témoigne de son expérience.

Correspondant historique aux Dervallières, Jean Le Menn, souligne la « richesse humaine » du quartier

04 Oct 2024

Correspondant depuis 30 ans au quartier des Dervallières, cet ancien professeur d'anglais est le "témoin vivant", de l'évolution de ce quartier. Présent ce samedi à la Fabrique en Scène pour une table ronde organisée par Fragil sur le thème "Informer et s'informer dans les quartiers prioritaires". Jean Le Menn témoigne de son expérience.

« Arrivé à la cinquantaine, j’adorais mon métier d’enseignant, mais je me demandais : est-ce que j’en n’aurai pas marre dans 10 ans ? « . Ajoutez ça au fait qu’il a toujours aimé « le contact humain », et on comprend ce qui a poussé Jean Le Menn à répondre à l’annonce de Ouest-France qui cherchait un journaliste correspondant pour le quartier des Dervallières. Un grand saut donc pour ce professeur d’anglais, qui « ne connaissait aucun quartier d’habitat social », et qui « n’avait jamais mis les pieds aux Dervallières ».

« Au bout de quelques temps, je n’avais plus besoin d’aller à l’info, c’était l’info qui venait à moi »

Libre sur le choix de ses sujets, il voit son rôle de correspondant, comme le fait d’être « chargé d’aller à la rencontre des gens pour récolter un maximum d’informations sur la vie du quartier […] que ce soit la vie des associations ou des initiatives particulières ». Pour ce faire, il a d’abord dû se faire connaître et expliquer pourquoi il était là. Au départ, « le plus important ça a été d’établir des rapports de confiance parce qu’il y avait une certaine méfiance avant quand un journaliste venait dans un quartier ».

En montrant qu’il était là non pas « pour dire tout ce qui allait de travers dans le quartier », mais plutôt « pour faire du positif et montrer ce qui était fait de noble dans l’intérêt des habitants », ce rapport de confiance s’est « rapidement établi ». Un rapport de confiance, qui aura rendu le dialogue avec les associations et les personnes influentes du quartier, beaucoup plus facile pour lui : « Je n’avais plus besoin d’aller à l’info […] c’était l’info qui venait à moi ». « Pratique », ajoute-t-il, sourire aux lèvres.

« Témoin vivant » de l’évolution du quartier

Correspondant depuis 30 ans dans le quartier, il se définit comme « le témoin vivant de ce qui se passe« . En trois décennies, les choses ont beaucoup évolué, aujourd’hui, c’est avec un brin de nostalgie qu’il dit trouver la vie associative différente  : « ça a changé complètement, […] il y a moins de collectifs d’associations. Les associations sont toujours toniques mais sont moins nombreuses […] elles sont plus discrètes aussi, je pense qu’elles ont moins d’impact sur les gens« .

Une nostalgie qu’on comprend à l’écouter raconter à quel point il a été impressionné par la « richesse humaine », qu’il rencontra chez les militants associatifs dans les années 90 : « J’ai découvert des qualités humaines extraordinaire, de solidarité, d’ouverture, de tolérance et de dévouement ». Des militants qui sont d’ailleurs « très vite devenus des amis ». Parmi eux, le couple Aoustin qui gérait la CSF (Confédération Syndicale des Familles), l’association La Luna que Fragil avait suivi lors d’une de ses œuvres participatives dans le quartier, le couple Joret qui s’occupait de la CLCV (Consommation Logement Cadre de Vie) ou encore Jean Ogé, à l’époque président de l’amicale laïque. « Un personnage truculent » ! Il se remémore en souriant leur rendez-vous du mercredi après-midi : « On buvait un coup ensemble, on faisait le point on s’engueulait et puis après on se réconciliait ».

Autant marqué par les personnes que les événements, celui qui était aussi professeur d’anglais à Nantes puis à Treillières se rappelle qu’« il y avait plein de fêtes dans le quartier ». Bon mangeur ou simplement « attaché à la vie du quartier« , les nombreux repas collectifs organisés par l’association des retraités et l’amicale laïque qui aujourd’hui n’existent plus, l’auront aussi marqués. Moins bon souvenir cette fois, les émeutes de 2018. Celles-ci faisaient suite à la mort du jeune Aboubacar Fofana tué par un policier au quartier du Breil, un moment durant lequel il avait « accompagné des journalistes professionnels », dans les Dervallières.

« Militant par ricochet »

Correspondant depuis 30 ans au quartier des Dervallières, il aura été un relais d’information précieux pour tous ces militants, mais se considère t-il militant ? À ça, il répond avoir « surtout mis en valeur le militantisme des gens du quartier », même s’il estime avoir été militant « par ricochet« , en valorisant les gens qui s’occupaient de « l’intérêt collectif« , et en évitant de parler des « feux de poubelles et des trucs comme ça qui n’auraient rien apporté à personne ». Un mantra qu’il garde depuis plus de 30 ans qui témoigne de son lien indéfectible avec le quartier des Dervallières : « Je me suis attaché au quartier et à la vie du quartier ».

Informer et s’informer dans les quartiers prioritaires

Présent à la Fabrique en Scène ce samedi après-midi, l’homme aux plus de 7000 articles, qui selon ses mots n’en est plus qu’à « une dizaine d’articles par mois », participera à la table ronde : Informer et s’informer dans les quartiers prioritaires. Cette table ronde sera animée par Fragil de 17h à 18h dans le préau de la Fabrique des Dervallières. Le correspondant historique de Ouest France aux Dervallières partagera la parole avec la journaliste nantaise Ambre Simon et le sociologue et auteur de « Sociologie du journalisme », Erik Neuveu.

 

Numa, originaire de Rezé, entretient un lien indéfectible avec Nantes, sa ville natale. Amateur de sport, il vibre au rythme du FC Nantes à la Beaujoire. Sa passion pour la culture se nourrit grâce aux manifestations culturelles nantaises tel que, le Festival des Utopiales. Nantes est pour lui une source inépuisable d'inspiration et de découvertes.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017