15 mars 2021

Création de média avec les jeunes du STEI de Bouguenais : une expérience mitigée

Début 2021, l'association Fragil est intervenue au service territorial éducatif et d'insertion de Bouguenais afin d'accompagner de jeunes adultes dans la découverte du journalisme.

Création de média avec les jeunes du STEI de Bouguenais : une expérience mitigée

15 Mar 2021

Début 2021, l'association Fragil est intervenue au service territorial éducatif et d'insertion de Bouguenais afin d'accompagner de jeunes adultes dans la découverte du journalisme.

Partenaire régulier de Fragil depuis deux ans, le service territorial éducatif d’insertion (STEI) de Bouguenais a fait appel à l’association d’éducation aux médias et aux pratiques numériques pour encadrer quelques jeunes dans la découverte du journalisme. Entre janvier et février 2021, c’est à travers 6 séances de 2h30 que 4 jeunes hommes ont étés accompagnés dans la création d’un média axé sur le rap, le tout sur le réseau social Instagram. Travailler sur ce réseau social permet aux jeunes de manipuler un outil de leur quotidien d’une autre manière, en tournant l’objectif vers le monde plutôt que vers eux. Malgré une difficulté à maintenir un groupe soudé d’un bout à l’autre des six semaines, un noyau dur a s’est formé autour de deux jeunes qui ont pu participer à la totalité des ateliers. Retour sur quelques moments forts vécus avec eux.

Le journalisme en question

Autour du jeu d’écriture journalistique proposé par Fragil, les participants ont pu se confronter à l’écriture d’un premier texte journalistique. Cet exercice leur a permis de comprendre par la même occasion l’importance de poser des questions pour obtenir les réponses aux questions de base du journalisme : « qui ? quoi ? où ? quand ? comment ? pourquoi ? ».

Atelier d’initiation à l’écriture journalistique

Choix d’une ligne éditoriale : le rap nantais

Avant de se lancer dans une production médiatique, les jeunes ont étés invités à réfléchir à la ligne éditoriale de leur futur média et à définir à travers un débat argumenté une thématique qui ferait consensus au sein de l’équipe. Après avoir évoqué quelques thèmes envisageables tels que le FCN, les anime, la géopolitique ou bien « les filles », et après avoir réfléchi à ce qu’impliquait le choix de chaque thématique en terme de recherches de contacts et de déplacements personnels, c’est finalement le rap nantais qui a été choisi pour être au centre des sujets des reportages.

Le choix de la ligne éditoriale

« Éléphant en Y », un nom plein de sens

La thématique étant choisie, les jeunes ont dû se pencher sur la recherche d’un nom pour le compte instagram qui accueillera leurs reportages. Un brainstorming a donc été organisé pour trouver un nom plus poétique que « rapdenantes » ou bien « acturap44 ». En listant un maximum de mots en lien avec Nantes et l’univers du rap, c’est « Éléphant en Y » qui a été choisi, évoquant à la fois l’éléphant mécanique des machines de l’île de Nantes et l’expression « en Y », popularisée par le rappeur Jul, qui se rapporte à la position d’une moto durant un wheelie avec les bras du conducteur qui s’en écartent, cascade très présente dans les clips de rap.

La recherche de sujets

Afin de cadrer leurs reportages, les jeunes stagiaires se sont lancés dans une recherche de sujets. Tout en les mettant en garde sur les possibles difficultés qu’ils allaient rencontrer pour réaliser au mieux les reportages sur lesquels ils voulaient se lancer, l’animateur de Fragil a invité les apprentis journalistes à définir chaque sujet sous forme d’une question unique à laquelle ils n’avait pas de réponse pour l’instant. Ainsi, les sujets ont été exposés sous la forme :

  • Quels sont les liens entre le FCN et le rap nantais ?
  • Comment les anime inspirent-ils les rappeurs nantais ?

La recherche de sources

Une fois les sujets définis, les participants ont été accompagnés dans la recherche de sources et l’envoi de messages de prise de contact. Malheureusement, la motivation des jeunes a commencé à s’éroder et il a été très difficile de les engager plus activement dans cette partie tournée vers l’extérieur. Ainsi, même si quelques rappeurs et rappeuses nantaises ont été contactées à travers la messagerie privée d’instagram, le peu de réponses reçues a conforté le groupe dans son inertie.

L’interview et la publication

Lors de la dernière séance, et face à la perte de motivation liée au manque d’engagement des jeunes entre chaque séance hebdomadaire et à l’absence de réponse positive des personnes sollicitées, l’animateur de Fragil a orienté les stagiaires vers la réalisation de reportages en lien avec leur thématique en les invitant à changer de sujets pour pouvoir interviewer le personnel du STEI. Ainsi, trois interviews ont pu être réalisées sur deux sujets (« Les jeunes du STEI écoutent-ils du rap ? » et « Les encadrantes écoutent-elles du rap? ») avant d’être synthétisées et publiées lors de la dernière séance.

Le compte instagram Elephant en Y

Un bilan en demi-teinte

Même si le projet a rempli ses objectifs de découverte du journalisme et de réflexion autour des médias pour le public visé, le caractère sans doute trop ambitieux de la réalisation de reportages en faisant appel à des sources extérieures au STEI est à repenser pour éviter tout sentiment de déception des animateurs comme des participants.

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017