24 novembre 2022

Dark Mess : un tournant pour les deux associations organisatrices de l’événement

En prévision de la soirée techno “Dark Mess” qui aura lieu le samedi 26 novembre à l’Espace Galerne de la Romagne, Fragil a interviewé Kaeser et Pinap, deux membres des associations organisatrices de l'événement : No Limit et Skyggja. Nous les avons interrogés sur leur parcours, sur la manière dont ils ont conçu l'événement et sur leurs attentes autour de cette expérience.

Dark Mess : un tournant pour les deux associations organisatrices de l’événement

24 Nov 2022

En prévision de la soirée techno “Dark Mess” qui aura lieu le samedi 26 novembre à l’Espace Galerne de la Romagne, Fragil a interviewé Kaeser et Pinap, deux membres des associations organisatrices de l'événement : No Limit et Skyggja. Nous les avons interrogés sur leur parcours, sur la manière dont ils ont conçu l'événement et sur leurs attentes autour de cette expérience.

La musique techno peut se célébrer dans les boîtes de nuits classiques, au sein de festivals, dans le cadre privé mais aussi parfois dans des soirées plus confidentielles et illégales : les free-party. Elles sont en général organisées par ce qu’on appelle des « sound-system » (ndlr: des groupes de volontaires avec leurs propre matériel) à des échelles régionales. Certains de ces sound-systems ont décidé, face aux contraintes qu’imposaient les soirées illégales de se tourner vers le cadre légal. C’est le cas des deux associations que nous avons interviewées, qui se sont unies pour organiser en commun ce qu’elles considèrent comme leur soirée la plus importante jusqu’ici.

Fragil : Est-ce que vous pouvez nous présenter vos associations et nous expliquer pourquoi vous êtes passés par le modèle associatif?

Kaeser : L’association (loi 1901) No Limit a été créée il y a 3 ans, pour promouvoir la musique électronique et créer des évènements dans la région nantaise. À force d’organiser des free-party, on fait face à des problématiques et on veut créer du légal, se professionnaliser là-dedans.

Pinap : J’ai été le dernier membre à rejoindre l’association Skyggja qui a été fondée en 2018. De base, il y avait une volonté de “passer de l’autre côté”. Plutôt que de profiter des soirées en tant que spectateurs, on voulait éclater un public avec des musiques qu’on kiffe. Pour ce qui est du modèle associatif, on ne connaissait pas d’autres manières de faire. On est issus du milieu de la free, et pour créer du légal et se professionnaliser là-dedans, je ne pense pas qu’il y ait d’autres manières que de monter des assos.

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« on fait vraiment un effort de décoration supplémentaire »

Fragil : Pour nos lecteurs et lectrices qui ne connaissent pas beaucoup votre milieu et vos événements, comment pourriez-vous décrire votre soirée?

Kaeser : Pour les Nantais·es qui ont l’habitude d’aller en club (Macadam, CO2, Warehouse…), ce qui va surtout différencier notre soirée de celles dans ces établissements, c’est les décorations. Là où les clubs se focalisent surtout sur les lights, nous on fait vraiment un effort de décoration supplémentaire, ce qui peut parfois manquer.

Fragil : Pour celles et ceux qui connaissent votre milieu, qu’est-ce qui sera différent pour la Dark Mess?

Kaeser : Ça va surtout se jouer sur la programmation, on a un line-up (ndlr: liste des artistes programmé·es d’un événement)  pointu pour ceux qui aiment ça. Perso, c’est une soirée à laquelle j’aurais adoré venir en tant que fan de ces musiques. Et au niveaux prix, je trouve ça honnête (ndlr: 15,95 euros en prévente, 17,95 euros sur place)

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Fragil : Pourquoi vous êtes passés d’un modèle de free-party gratuites, à des événements en salle comme celui-ci ?

Pinap : Les free, ce n’est pas gratuit, mais ce n’est pas rentable. Il ne faut pas prendre le “free” de free-party comme “gratuit” mais comme libre. On demandait des participations, en prix libre, mais en général, les participations sont plutôt basses. Et puis les prises de risques dans les free sont pires, en termes juridiques et financiers. Les free party illégales sont généralement mal vues, et la police peut rajouter des éléments à charge comme “facilitation de produits stupéfiants”. Pour les soirées légales, les contraintes sont plus dans l’organisation : déclarer la soirée aux différents organismes, il y a parfois une caution pour la salle, des contraintes de sécurité… Quand tu fais payer un ticket, tu dois être irréprochable sur ce que tu proposes en qualité de son, de lumières, décos etc. Tu peux te permettre moins d’erreurs.

Kaeser : Quand c’est légal, il n’y a pas le propriétaire du terrain qui peut se plaindre, il peut y avoir des plaintes pour tapage nocturne ou les flics peuvent intervenir pour l’alcool ou les drogues, mais ça ne nous est jamais arrivé.

Fragil : Est-ce que ce changement de modèle a été unanime ou il y a eu des réticences au sein de vos collectifs?

Kaeser : Oui il y en a eu, de base on était dans “Pikmatek”, un collectif vendéen. Certains et certaines de ce collectif sont restés dans la free et ne veulent pas faire de légal. Ils veulent conserver ce qui fait “l’essence” de la free-party.

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« Je le dis autour de moi, c’est une marche que l’on gravit »

Fragil : Est-ce que vous considérez que cette soirée peut marquer un tournant dans l’organisation de vos évènements?

Kaeser : Oui c’est clair, on a beaucoup plus d’attentes que sur les précédentes, d’une part sur notre organisation, avec la scénographie, les DJ invité·es où on a beaucoup plus mis le paquet que sur les autres soirées. Mais aussi sur le public attendu, on a beaucoup plus bastonné sur la communication. Je le dis autour de moi, c’est une marche que l’on gravit. C’est la première fois qu’on rassemble autant d’acteurs locaux de la scène techno. C’est un tournant pour l’image de notre asso. Si la soirée est aussi folle que je l’attends, ça va faire résonner le nom de nos assos.

Fragil : Comment vous êtes-vous organisés pour votre line-up?

Kaeser : Les deux gros guest ne sont pas locaux, 14ANGER et DENSHA CRISIS font partie de gros labels majeurs du milieu en Europe: Prspct Recordings et Motormouth Recordz. Pour les démarcher, on est passés par des agences de booking. Pour ENFAN, qui est devenu une sorte d’icône de la scène techno dans la région parisienne en tant qu’organisateur de soirées, des amis le connaissaient, c’est grâce à eux qu’on a eu le contact. CRSN (collectif 1990Machine) et MILISTA (collectif Agora Records) sont eux des gros·ses acteur·ices de la scène techno nantaise, on a pu les avoir via nos contacts dans le milieu de la “teuf”. Pour les autres, ce sont des membres de nos collectifs respectifs.

Fragil : Pour finir, pas trop stressés?

Kaeser : Plus ça approche et plus je me pose des questions, mais les deux équipes s’entendent bien, je découvre plein de gens du milieu et ça me rassure.

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Vous pourrez retrouver les artistes évoqué·es ainsi que des membres des deux associations aux platines de la soirée « Dark Mess » samedi 26 novembre de 20h à 10h du matin. Fragil se rendra sur place pour prendre le pouls du public et faire un bilan avec les organisateurs en revenant sur les points abordés dans notre discussion.

Apprenti journaliste, diplômé d'une licence d'histoire, passionné de rap français.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017