6 décembre 2024

De la scène punk au cabaret : Théa défie les genres

Depuis ses débuts en squat jusqu’à ses projets de cabaret, Théa crée une musique collective et radicale, toujours portée par des idées fortes. Fragil l'a rencontrée lors de son passage à Nantes.

De la scène punk au cabaret : Théa défie les genres

06 Déc 2024

Depuis ses débuts en squat jusqu’à ses projets de cabaret, Théa crée une musique collective et radicale, toujours portée par des idées fortes. Fragil l'a rencontrée lors de son passage à Nantes.

Le jeudi 28 novembre, la scène de Décadanse accueillait une artiste parisienne repérée aux iNOUïS du Printemps de Bourges : Théa. A quelques minutes de son entrée sur scène, elle nous reçoit le temps de quelques questions entre deux retouches makeup.

Théa, c’est une énergie brute et contagieuse qui mélange « tous les styles les plus vénères et les plus pop que tu as entendus« . Sa musique s’inscrit et débute par des « idées fortes« , notamment autour de slogans de manifestations qu’elle habille de sonorités qui lui plaisent : « C’est important d’enrober ces messages un peu deep (sombre en anglais, ndlr), un peu durs, dans du fun. On a besoin de ça. »

La musique, elle en a toujours fait. Ses premiers concerts, elle les donne dans des squats, avec des idées ambitieuses déjà bien arrêtées : « On s’est dit qu’on avait le droit de ramener cette grandiloquence pop en squat, dans une musique qui s’autorise. » Ce premier concert, avec son équipe, était aussi un geste de soutien : « Notre premier concert, c’était pour l’anti-CRA (centre de rétention administratif , ndlr). Là, on va en refaire un en janvier ou février pour celui de Dijon. » Si son engagement dans des associations queer et trans s’est ralenti faute de temps, ses convictions restent un fil rouge : « La musique doit être un outil de révolte. Dans des contextes comme les nôtres, c’est bizarre de ne pas ouvrir sa gueule. Mais je n’ai pas l’impression de faire une musique militante ou engagée. Je parle de mes réalités, et nos réalités font qu’on est obligé.es d’en parler. »

Théa sur la scène de Décadanse, 28.11.24, @ju_dcntz

Très attirée par toutes les formes d’art, Théa a trouvé dans le cabaret une inspiration forte : « Il y a une convergence des luttes et des arts dans une liberté qui est très inspirante. ». Après un premier passage au Cabaret de Poussière à Paris il y a un an, tout donne à croire qu’on pourra la retrouver d’ici peu. Elle imagine ainsi de nouvelles performances artistiques, tout en continuant de produire des morceaux : « J’ai sorti ‘Cavale Cavale’ il n’y a pas longtemps, et elle ne va pas rester toute seule. »

Pour Théa, la musique, c’est aussi une aventure collective. Depuis ses débuts avec son équipe, elle travaille dans une dynamique de partage : « On a toujours fait des trucs ensemble. À Montreuil, dès le premier concert, on avait voulu lancer des lumières avec un logiciel de musique. C’était de la débrouille, on est passionné de shows qui nous retournent la tête. »

Une ambition qui ne faiblit pas : « On n’a pas le temps pour la demi-mesure. En tant qu’artiste, si on veut dire un truc, il faut le dire très fort. »

Dans ses favoris :

  • Livre : Apocalypse Bébé de Virginie Despentes
  • Artiste : Bromaz
  • Film : I Saw the TV Glow de Jane Schoenbrun
  • Boisson : Tequila

Plus vite, plus fort, et à plus grande échelle : c’est dans l’idée de se construire comme journaliste et faire porter la voix des autres qu’elle a rejoint Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017