Antton Rouget est journaliste au sein du pôle enquête de Mediapart, et plus particulièrement sur les affaires politico-financières. Quelques jours après la reprise du procès contre l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy sur les financements illégaux de sa campagne de 2007, le journaliste est venu répondre aux questions du public.
Fragil le rencontre quelques heures avant la projection du documentaire, qui affiche complet depuis plusieurs jours.
De l’enquête au grand écran
13 ans d’enquête, 150 articles publiés, résumés en 1h45. Un défi de taille mais une envie commune : vulgariser une enquête longtemps laissée pour compte. « On se demandait quel était le meilleur moyen de la rendre accessible, car pour nous elle était injustement en dehors des radars et du débat public », explique le journaliste. Pour réaliser ce projet, Fabrice Arfi et Karl Laske qui « ont portés l’enquête depuis 2011 » , se sont associés à Yannick Kergoat, co réalisateur du documentaire Les nouveaux chiens de garde.
L’une des grandes difficultés a été de faire des choix dans l’immensité des données amassées. Mais ce long travail fait la force du film : « On se dit que cette histoire ne se déroule pas dans un pays lointain il y a cinq décennies, c’est notre histoire, notre histoire collective et une histoire très actuelle en réalité », estime-t-il, rappelant que « des protagonistes de cette affaire qui sont encore au cœur du paysage politique « .
De la guerre médiatique à l’engagement citoyen
« L’affaire a été pendant plus de dix ans le terrain de bataille d’une immense guerre médiatique avec, en tête, l’idée qu’on était seuls contre beaucoup, et beaucoup plus puissants que nous », confie Antton Rouget. La stratégie de Nicolas Sarkozy – affirmer que personne n’y comprend finalement rien – donnera l’idée du titre au réalisateur. Un titre « en dehors des codes de Médiapart […] on est un journal un peu austère souvent nos titres se sont sujet/verbe/ complément », plaisante le rédacteur.
Mediapart, fondé lors de l’élection de l’ancien président en jugement, a toujours cherché à maintenir une proximité avec ses lecteurices. Son espace blog et ses conférences régulières permettent une participation active du public : « il peut y avoir des critiques, des questions de fond, des encouragements à continuer, c’est toujours des rendez-vous hyper riches qu’on essaye de multiplier », explique le trentenaire.
C’est d’ailleurs grâce à ses soutiens que Mediapart a pu financer son film. En quelques semaines, plusieurs milliers de personnes ont participé à la cagnotte dépassant les espérances de l’équipe : « C’est une bouffée d’air frais de se dire que les gens se sentent concernés, qu’ils voient qu’il y a des avancées possibles »
La « plus grosse affaire de corruption politique sous la Vème république »
Nicolas Sarkozy, condamné il y a un mois à trois ans de prison, dont un ferme, dans l’affaire Bismuth, comparait à nouveau depuis lundi dernier devant le tribunal correctionnel de Paris. Il risque jusqu’à dix ans de prison pour corruption, financement illégal de campagne et association de malfaiteurs.
Personne n’y comprend rien, qui se veut être « un film d’espoir » et raconte, d’après son réalisateur, la « plus grosse affaire de corruption politique sous la Vème république », est disponible dans les salles du Concorde jusqu’au 21 janvier.