29 novembre 2024

« Décoloniser le dancefloor » : salle comble pour la conférence-dansée d’Habibitch

Le 19 novembre 2024, l'artiste activiste Habibitch a terminé la tournée de sa conférence-dansée « Décoloniser le Dancefloor » à Stereolux.

« Décoloniser le dancefloor » : salle comble pour la conférence-dansée d’Habibitch

29 Nov 2024

Le 19 novembre 2024, l'artiste activiste Habibitch a terminé la tournée de sa conférence-dansée « Décoloniser le Dancefloor » à Stereolux.

Artiste non-binaire d’origine franco-algérienne, Habibitch a trouvé en la danse son moyen d’expression, particulièrement à travers le voguing et le waacking (créées par la communauté LGBT des années 70). Après 7 ans de tournée avec la conférence-dansée « Décoloniser le dancefloor » en France et à l’international, l’artiste activiste arrive à Nantes pour le plus grand plaisir de son public qui l’attendaient de pied ferme. En effet, la Salle Maxi de Stereolux affichait complet ce mardi 19 novembre.

Une venue à Nantes attendue

Noé et Madja, en attente de rentrer dans la salle.

Noé et Majda, dans l’attente d’entrer dans la salle.

« Au moment où je l’ai trouvé sur les réseaux, c’était en 2018. Niveau représentation, c’était trop cool d’avoir une personne queer, nord-africaine arabe. » Majda

Le sourire aux lèvres, Majda et Noé nous partagent leur joie d’enfin voir Habibitch sur scène à Nantes. Une attente si longue qu’iels commençaient à perdre espoir. Majda voit en Habibitch un puissant modèle de représentation :  « Au moment où je l’ai trouvé sur les réseaux, c’était en 2018. Niveau représentation, c’était trop cool d’avoir une personne queer, nord-africaine arabe. » Noé confirme puis ajoute qu’Habibitch fait partie des rares personnes queers qui rayonnent au niveau artistique, « bien qu’il y en ait de plus en plus » précise-t-il.

« C’est intéressant de voir des objets un peu non-identifiés de spectacles »

Florence, enseignante au sein d’une formation de régie son et lumière, est venue accompagnée de ses étudiant·e·s pour leur faire découvrir l’écriture de plateau mais aussi pour l’aspect création, qui les intéresse particulièrement. « C’est intéressant de voir des objets un peu non-identifiés de spectacles » nous confie t-elle. Seule une petite partie de ses étudiant·e·s ont pu obtenir des places pour l’événement mais l’enseignante est ravie de découvrir des formats qui sortent de l’ordinaire, d’autant plus à Stereolux. Elle ne connaît pas particulièrement l’artiste mais un partenariat avec le Théâtre Universitaire l’a conduit à choisir cet événement. Florence remarque un engagement fort de la part de ses étudiant·e·s sur les questions de société.

Une conférence-dansée animée qui invite à questionner les rapports de domination

Habibitch arrive sur scène avec une énergie débordante. Décortiquant des concepts forts tels que l’universalisme républicain, le matérialisme politique, l’intersectionnalité ou même le privilège blanc, le·a danseur·euse militant·e invite à repenser les rapports de domination qui régissent notre société, proposant de laisser de côté l’égo pour penser structurel. Entre deux sujets engagés, iel ne manque pas de ponctuer sa conférence d’anecdotes de vie, toujours teintée d’humour : « C’est marrant, la France c’est le seul pays où tu peux immigrer sur 4 générations ».

Vient ensuite le temps des questions, parfois polémiques. Nous relevons notamment l’intervention d’une femme visiblement non racisée qui a souhaité exprimer publiquement son choc au sujet d’une anecdote personnelle racontée par l’artiste sur le sujet de l’appropriation culturelle. En réagissant négativement au récit d’un événement durant lequel Habibitch était intervenu·e pour enlever la perruque afro d’un homme blanc porté dans un but comique, son intervention fut mal accueillie au sein de la salle. Illustration directe des débats autour de la légitimité et des choix de modes d’actions par les minorités, premières concernées.

Trouver sa place dans le combat anti-raciste

Alison, de son nom de danseuse Alibee, à la sortie de l’événement.

« Je me questionnais sur ma place au sein d’une pratique destinée aux personnes queers et racisées alors que je suis une femme blanche cisgenre […] ça questionne ma légitimité de faire ça […] et avoir des informations de quelqu’un de concernée directement. » Alison

Après la conférence nous échangeons avec Alison, 28 ans, qui pratique et enseigne le waacking. Elle aussi suit Habibitch sur les réseaux depuis un moment et c’est par l’intermédiaire de la communauté waacking qu’elle eut l’occasion de la rencontrer. Alison connaissait déjà le travail de l’artiste, elle est venue ce soir pour chercher des informations et répondre aux questionnements liés à sa pratique du waacking. Elle nous confie : « Je me questionnais sur ma place au sein d’une pratique destinée aux personnes queers et racisées alors que je suis une femme blanche cisgenre […] ça questionne ma légitimité de faire ça […] et avoir des informations de quelqu’un de concernée directement. »

Plus largement, dans le combat anti-raciste, il n’est pas évident de trouver sa place. Dans un contexte de crise sociétale, la conférence percutante d’Habibitch met en lumière les dysfonctionnements de nos systèmes et bouscule les esprits. L’artiste clôture sa conférence avec des pistes de solutions telles que conscientiser, visibiliser l’invisibilisé ou se réapproprier l’Histoire et ses narrations. Après nous avoir délivré quelques mouvements de danse, Habibitch nous salue puis quitte la scène sous les vifs applaudissements d’un public ému.

Cela fait bientôt 4 ans que Savannah réside à Nantes, capitale culturelle du grand Ouest. C’est d’ailleurs cette réputation qui a incité Savannah à investir ce qu'elle nomme “la grande ville”.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017